Dans une chambre à coucher, une femme redonne vie à des figures féminines de la mythologie qui adressent des lettres déchirantes et passionnées, comme autant d’appels à l’être aimé et parti. Les lettres étant l’ultime moyen pour elles de toucher l’être absent, comme un dernier contact érotique.
Il se met à pleuvoir. Une tempête se déchaîne dans la chambre… averse, foudre, vent. Entre mots d’amour et mots d’adieu, la femme vibre au rythme de ces passions humaines. Surgissent alors ces mots : « Quand tu m’as dit je ne t’aime plus, j’ai pensé quel courage. »
Cette dernière phrase est signée Evelyne de la Chenelière. Dans l’esprit d’une écriture épistolaire, l’auteure signe une longue lettre d’amour qui traversera, comme un dernier cri, celles du poète romain de l’Antiquité, Ovide. À travers les lettres de Pénélope à Ulysse, de Médée à Jason, de Phèdre à Hippolyte, d’Ariane à Thésée, il donne une voix à ces femmes qui crient leur désir, leur manque, leur indignation, leur rage, et peut-être leur espoir d’un retour. Ces lettres sans réponse nous rappellent qu’une peine d’amour est une peine d’amour depuis l’Antiquité, et qu’elle est sans doute la plus vieille douleur du monde.
Pour porter ces états amoureux hors du commun, le metteur en scène français David Bobée a choisi de confier les mots à une seule voix, une seule interprète plus grande que nature, une figure incontournable du cinéma français : Béatrice Dalle. Il s’agira ici de leur deuxième collaboration artistique après LUCRÈCE BORGIA qui a marqué la saison théâtrale 2014-2015 en France. Béatrice Dalle sera accompagnée sur scène de l’acrobate aérien Anthony Weiss et du groupe montréalais électro-folk Dear Criminals qui signe la musique originale du spectacle. Le dispositif scénique bifrontal qui allie théâtre, vidéo, cirque et musique permettra au spectateur de plonger dans l’intimité tempétueuse de ces femmes trahies.
Le spectacle LES LETTRES D’AMOUR sera créé au printemps 2016 à ESPACE GO, puis présenté à Rouen et en tournée française au cours des mois qui suivront.
Section vidéo
Musique : Dear Criminals
Vidéo : Baptiste Klein
Conception sonore : Grégory Adoir
Maquillages et coiffures : Angelo Barsetti
Durée à déterminer
Rencontre avec le public
Jeudi 14 avril 2016,
à 18 h 30
Tarif
Général 37$
65 ans et + 30$
30 ans et - 28$
Forfaits disponibles pour plus d'un spectacle
Une coproduction ESPACE GO + Centre Dramatique National de Haute-Normandie (France)
La plus vieille douleur du monde
«Quand tu m’as dit que tu ne m’aimais plus…» Une femme écrit une lettre, puis deux, puis dix-sept, à l’homme qu’elle aime et qui l’a quittée. Entre son texte sans cesse recommencé - signé d’Evelyne de la Chenelière - vient s’intercaler d’autres lettres qui nous viennent de l’Antiquité : celle de Pénélope à Ulysse, de Didon à Énée, d’Ariane à Thésée… Les mots du poète Ovide, s’ils remontent de quelques siècles, renvoient la même douleur sourde que celle de toutes les femmes quittées au fil du temps. La peine d’amour, c’est la plus vieille douleur du monde.
Un homme qui s’en va, c’est la vie qui se suspend, l’impossible, la mort presque. Et pourtant, la terre ne s’ouvre pas, pourtant les autres gens savent continuer à vivre. Le désir, la rage, l’indignation, le désespoir, la dépression… Des sentiments qui défilent pendant le deuil de l’amour, alors qu’on suit l’évolution de cette femme qui a perdu «la meilleure moitié d’elle-même». Sur la scène, juste un lit immaculé : le lieu de l’amour, le lieu de la solitude aussi. C’est, comme le dit Evelyne de la Chenelière, «le tragique de la vie qui reprend son cours».
Macha Limonchik est sublime dans son long dialogue à une voix, dans son monologue pour un absent. Tantôt fragile tantôt puissante, elle parle avec douceur dans un sourire triste, les larmes débordant des paupières, puis elle gronde d’une voix de furie, tremblante comme un orage qui approche. La comédienne maîtrise parfaitement sa partition : elle est vibrante d’émotion, touchante et juste - une performance qu’on salue d’autant plus qu’elle a dû remplacer au pied levé l’actrice française Béatrice Dalle qui devait initialement tenir le rôle.
Le vrai plus de la mise en scène de David Bobée, c’est d’avoir donné un corps à cet homme absent : celui de l’acrobate Anthony Weiss. Entre des déambulations silencieuses sur la scène et de superbes figures aériennes au bout de deux sangles suspendues au-dessus du lit marital, il incarne la figure masculine sans un mot. Dans les airs, Weiss est puissant et subjuguant : il se balance au-dessus de la foule, se tord et se retord, danse en douceur dans ses figures d’équilibre. La comédienne et l’acrobate offrent un spectacle balancé, sans jamais se voler la vedette, mais en se complétant.
Et puis, il y a les Dear Criminals… Le groupe montréalais d’électro-folk assure en live la bande-son de la pièce avec ses morceaux hypnotiques et éthérés. Alors que l’amoureuse est à bout de mots, deux des trois membres du groupe la rejoignent sur scène micro en main, pour un tableau puissant et prenant, où la tempête fait rage dans la chambre. Le vent fait voler toutes les lettres, la pluie se met à tomber, la musique et les chants deviennent plus forts, tandis que l’acrobate vole dans les airs plus vite que jamais.
Ce spectacle franco-québécois qui mêle théâtre, cirque, musique et vidéo est presque trop beau parfois, trop léché, blanc et bleu, avec des jeux de caméra qui projettent sur grand écran les visages des musiciens ou de Macha Limonchik. C’est parfait, calculé, visuel, puissant. Mais l’amour, la rupture, n’est-ce pas plutôt des chairs, du sang, du rouge, du feu ? Ou alors c’est que l’amour est mort, un peu, déjà, froid et propre dans son linceul. Douleur vive ou amour mort, bleu ou rouge, de la guerre de Troie à 2016, tout ça ne change pas : on a toujours aussi mal. Et ça nous prend à la gorge - sur la scène et dans le public.