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Du 25 octobre au 19 novembre 2016, les mardis à 19 h, du mercredi au vendredi à 20 h et les samedis à 16 h
Supplémentaires 6 et 13 novembre, 16h
Une femme à Berlin
(ENTREVUE) Le viol comme arme de guerre : entrevue avec Brigitte Haentjens pour «Une femme à Berlin»
Texte Marta Hillers
Traduction Françoise Wuilmart
Adaptation Jean Marc Dalpé
Mise en scène Brigitte Haentjens
Avec Evelyne de la Chenelière, Sophie Desmarais, Louise Laprade, Évelyne Rompré, Frédéric Lavallée

1945. La guerre fait rage sur Berlin. Depuis plusieurs jours, les civils allemands sont entassés dans l’obscurité des abris souterrains. Dehors, un vacarme incessant. Les bombardements déferlent en roulement continu. Puis, plus rien. Un silence bizarre. Un silence plus terrifiant que l’écho des bombes, car il annonce l’arrivée des soldats russes. Le retour à la lumière sera brutal.

Dans un des quartiers occupés, une jeune Allemande possède les rudiments de la langue russe, ce qui fait d’elle la seule interlocutrice auprès de l’ennemi. Si cela lui procure certains avantages, en sera-t-elle pour autant épargnée?

Du 20 avril au 24 juin 1945, la jeune journaliste berlinoise Marta Hillers rédige dans des cahiers d’écolier un journal qui constitue un témoignage rare, parfois poignant, parfois drôle, de la vie quotidienne dans un immeuble habité par des femmes et des hommes qui se cachent dans la peur, le froid et la faim, au moment des derniers jours de la Seconde Guerre mondiale. Il lui fallait écrire, comme pour se parler tout bas, pour rester vivante.

UNE FEMME À BERLIN est une chronique commencée le jour où Berlin voit pour la première fois la guerre dans les yeux. Lorsque l’Armée rouge entre en Allemagne, ce sont d’abord les femmes qui subissent les représailles. Elles doivent payer pour les crimes commis par leurs maris, leurs pères, leurs frères. Malgré cela, les femmes sont restées debout au milieu des ruines de la ville.


Assistance à la mise en scène Julien Véronneau
Dramaturgie Florent Siaud
Scénographie Anick La Bissonnière
Lumière Alexandre Pilon-Guay
Costumes Julie Charland
Musique Bernard Falaise
Vidéo Lionel Arnould
Accessoires Julie Measroch
Sonorisation Frédéric Auger
Maquillages et costumes Angelo Barsetti

Rencontre avec le public
Jeudi 27 octobre 2016, à 18 h 30

Tarif
Général 37$
65 ans et + 30$
30 ans et - 28$
Forfaits disponibles pour plus d'un spectacle

Coproduction Espace Go, Sibyllines, Théâtre français du CNA


Espace Go
4890, boul. Saint-Laurent
Billetterie : 514-845-4890

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Critique

Dans les récits de guerre, rarement entend-on parler des souffrances de ceux laissés derrière, ou plus précisément, de celles, au féminin, qui entendent le fracas des combats frapper à leurs portes. La grande histoire s’y intéresse peu. Et pourtant, elles ont été des centaines de milliers (on avance même le chiffre de deux millions) d’Allemandes humiliées, violées à répétition par l’armée alliée marchant triomphalement sur le pays.


Crédit photo : Yanick Macdonald

Une femme à Berlin, de Marta Hillers, est le récit poignant de l’une de ces femmes et des journées de ruines et de crasse, entre le 20 avril et le 22 juin 1945, où les Russes écrasèrent Berlin sous leurs bottes. En ces jours terribles, des femmes, comme celle qui tient son journal et nous raconte l’horreur de la défaite, ont dû vendre leur corps pour survivre, l’échanger contre de la nourriture, une protection. Le spectacle qu’en tire la metteure en scène Brigitte Haentjens est frappant de justesse, sans toutefois être saisissant. Bien que bouleversant, le récit est livré avec sang-froid et même une certaine froideur. Il faut dire que l’auteure témoigne avec une parole certes intime, mais surtout une lucidité telle que le spectateur demeure bien souvent extérieur au drame.

Démultipliée par la mise en scène, la voix de l’auteure est portée avec talent et sobriété par quatre actrices qui embrassent le texte de tout leur corps. La voix évoque avec force toutes ces voix que l’on contraint au silence, par honte ou désintérêt. C’est toutefois par le corps des actrices qu’on sent la violence de l’intime, l’outrage de la morale… mais aussi l’humanité qui point. La foi en la vie continue de briller à travers la résilience de ces femmes, qui parviennent encore à rire. C’est un peu de lumière dans ce sombre portrait du corps féminin comme champ de bataille dans une guerre décidée et menée par des hommes. Un peu de lumière aussi dans des vêtements aux couleurs éteintes et dans un décor sombre : un haut mur seulement fendu d’une brèche, qui n’est pas sans rappeler le sexe féminin, et où se dessinent par moment les ruines de la ville.

Peut-être est-ce le ton du témoignage qui donne à la mise en scène cet aspect froid ; nous ne sommes pas tant ici dans l’émotion que dans l’énonciation, parfois la dénonciation. Peut-être est-ce aussi toute l’émotivité de l’actualité, autour de la question de la culture du viol, qui, par comparaison, fait paraître la production détachée. Comme si la musicalité seule du récit, induite par les quatre voix de la partition concoctée par Jean Marc Dalpé, ne suffisait pas à remuer. Malgré tout, la figure centrale de Marta Hillers, celle d’une femme forte qui refuse, en dépit des circonstances, d’être considérée en victime, fait d’Une femme à Berlin un spectacle qui vaut la peine d’être entendu.

31-10-2016