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Du 29 novembre au 19 décembre 2007

L'Énéide

Texte d'Olivier Kemeid, d'après Virgile
Mise en scène d'Olivier Kemeid
Avec : Olivier Aubin, Marie-Josée Bastien, Simon Boudreault, Eugénie Gaillard, Geoffrey Gaquère, Johanne Haberlin et Emmanuel Schwartz

C'est l’histoire d’une émigration. D’une ville qui brûle. D’un homme qui doit fuir pour survivre. Son père sur les épaules, son enfant à la main, Énée court dans les rues avec les siens afin de s’échapper. Ils trouvent un bateau, partent à la dérive, laissant derrière eux un pays en flammes. Les boat-people ont une longue histoire ; Énée errera longtemps sur les mers, à la recherche d’une terre pour son fils. La pièce relate leurs pérégrinations pleines de bruit et de fureur. L’Énéide évoque bien sûr la quête d’un pays, mais avant tout le besoin d’une vie meilleure.

Les Trois Tristes Tigres ont à cœur l’exploration d’une dramaturgie épique. Par le biais d’un jeu perpétuel entre l’illusion et le dévoilement, entre les règles conventionnelles et les audaces formelles, le spectacle investigue le champ de la théâtralité épique. Il ne s’agit pas d’une adaptation : si le mythe de L’Énéide de Virgile reste le matériau de base, Olivier Kemeid projette sa propre histoire, celle de sa famille, celle de l’émigration de bien des exilés. « Faire théâtre de tout bois », tel est le mot d’ordre. Avec leurs seuls accessoires, les émigrés racontent leur histoire et réinventent un monde : le leur. Le nôtre.

Décor et accessoires : Jasmine Catudal
Éclairages : Etienne Boucher
Costumes : Romain Fabre
Musique : Philippe Brault
Assistance et mise en scène et régie : Stéphanie Capistran-Lalonde

Une production Trois Tristes Tigres

Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

 

 

par Aurélie Olivier

L’Énéide est une histoire d’exil : fuyant Troie en flammes avec sa famille, Énée erre pendant sept ans par les terres et les mers, affrontant mille épreuves, survivant à un naufrage, avant de trouver un lieu où s’établir, l’Italie.

Lui-même petit-fils d’exilé (son grand-père a quitté une Égypte à feu et à sang en 1952), c’est en se penchant sur ses origines qu’Olivier Kemeid dit avoir eu l’idée de ce spectacle. De l’épopée de Virgile, il ne garde que l’essence et le nom de certains personnages, dont Énée, le héros (Emmanuel Schwartz), Créüse, sa femme (Eugénie Gaillard), Achate, son ami (Geoffrey Gaquère) et Anchise son père (Simon Boudreault). Pour le reste, on se situe résolument au 21e siècle. À la quête désespérée d’une terre où s’établir se superposent des vacances dans un tout-inclus à la plage, une confrontation avec une agente d’immigration, des camps de réfugiés où l’on est parqué pendant des mois, un voyage en train, une rencontre avec un graffiteur, un squat dans un immeuble désaffecté, etc.

Chassés de chez eux, luttant pour survivre et sachant bien qu’ils resteront toujours des exilés, c’est en pensant à leur descendance que les personnages de la pièce se battent pour trouver une terre d’accueil. À défaut des dieux, ce sont les services d’immigration qui décident de leur destin. Une vie suspendue à un tampon au bas d’une feuille…

Outre son texte, percutant, à la fois tragique et plein d’humour, la mise en scène d’Olivier Kemeid est d’une grande qualité. Il faut dire qu’il a su bien s’entourer puisque plusieurs des comédiens sont également metteurs en scène. Kemeid n’hésite pas à dire que sa troupe a aussi contribué au texte, même si celui-ci avait été largement écrit lors d’une résidence d’écriture en Avignon, durant l’été 2007. La preuve que le travail d’équipe peut produire des merveilles.

Pour tout décor, une estrade de bois, et deux grandes bâches qui pendent du plafond. Au sol, du sable. Dans cet environnement dépouillé, quelques accessoires et des jeux de lumière suffisent à créer un nouveau lieu. S’ils seront peut-être considérés comme un peu trop léchés par certains, les éclairages d’Étienne Boucher n’en sont pas moins de toute beauté. Durant tout le spectacle, la scène est à moitié plongée dans l’ombre, quelques spots étant dirigés sur les comédiens (ce qui implique beaucoup de précision dans les placements) avec des halos derrière les bâches. Les bleu évoquent la mer, les orange les flammes, les rouge l’enfer, des flashs rapides un train qui passe.

Les vingt-sept personnages de la pièce sont incarnés par sept comédiens, qui restent en permanence sur scène, se changeant sous nos yeux, sans que cela parasite notre regard, au contraire. Des comédiens dont il faut souligner l’immense talent. Entre autres, car on ne peut tous les citer, Marie-Josée Bastien et Johanne Haberlin nous offrent plusieurs scènes criantes de vérité et d’émotion.

L’Énéide est décidément un très beau spectacle, intelligent, poignant et admirablement produit, qui rassemble de jeunes artistes talentueux. À voir.

02-12-2007