Du 11 novembre au 6 décembre 2008
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Lortie

Auteur Pierre Lefebvre
Mise en scène de Daniel Brière
Avec Henri Chassé, Eugénie Gaillard, Alexis Martin, Pascale Montreuil, Catherine Vidal

Cette pièce explore les méandres de la psyché humaine en s'intéressant au cas du caporal Lortie. Ce dernier fut responsable de la tuerie à l'Assemblée nationale du Québec, en 1984. Ce drame sert ici de prétexte pour tenter de comprendre nos rapports troubles et changeants avec l'État et la paternité. C'est le tireur fou lui-même qui laissa tomber cette phrase fameuse, qui dit presque tout sur son geste : « Mon père avait le visage du gouvernement du Québec. » Avec Lortie, Pierre Lefebvre entreprend une exploration fascinante de la généalogie québécoise.

PROPOSITION THÉÂTRALE
C'est avec des moyens « low-tech » mais non moins ingénieux que la mise en scène de Lortie nous entraîne dans un univers à la fois réaliste et éclaté. Les procédés narratifs et les langages scéniques sont multiples. C'est un théâtre d'ombres, de clairs-obscurs, d'images puissantes, d'espaces distordus. La recherche sonore est au premier plan, avec l'utilisation d'un chœur de femmes : une sorte de musique où les mots viennent ponctuer l'action à la manière des chœurs grecs. La poursuite d'une démarche très intime et encore une fois expérimentale...

Décor Michel Ostaszewski
Costumes Marija Djordjevic
Éclairages Nicolas Descôteaux
Musique John Rea
Vidéo Yves Labelle
Régie Colette Drouin
Direction technique Christian Gagnon

Production Nouveau Théâtre Expérimental www.nte.qc.ca

Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

par Aurélie Olivier

Tout le monde a entendu parler de Lortie, ce caporal de l’armée canadienne qui, un jour de 1984, s’est pointé à l’Assemblée Nationale de Québec, une mitraillette à la main, avec l’intention d’éliminer le gouvernement péquiste de René Lévesque. Au-delà du fait divers, c’est à la psychologie de Lortie et à ses motivations que Pierre Lefebvre, auteur de la nouvelle création du NTE (Nouveau Théâtre Expérimental), Lortie, a voulu s’intéresser. Ce parti, il l’a pris après avoir lu une étude du psychanalyste et historien du droit Pierre Legendre intitulée Le crime du caporal Lortie, qui partant de la déclaration de Lortie selon laquelle le gouvernement du Québec avait le visage de son père, émettait l’hypothèse que le caporal voulait avant tout commettre un parricide. De plus, au-delà de l’homme Lortie, Lefebvre se penche sur le rapport de la société québécoise à la figure paternelle et à l’État.

Intelligent et admirablement bien construit, le texte alterne entre différentes époques et fait intervenir Lortie (Alexis Martin), René Jalbert (Henri Chassé), le sergent d’armes chargé de la sécurité du Parlement qui réussit à ramener Lortie à la raison après de longs pourparlers, et un chœur de trois femmes (Eugénie Gaillard, Pascale Montreuil et Catherine Vidal), qui commente et analyse les faits avec des références philosophiques bien choisies. Il faut dire que l’histoire personnelle de Lortie, peuplée de violence, ressemble bel et bien à une tragédie.

Le travail sur les mots est impressionnant, aussi bien dans le texte que dans la mise en scène. La syntaxe désarticulée de Lortie, ses multiples phrases inachevées parviennent à en dire beaucoup sur la souffrance accumulée au cours des années ainsi que sur sa logique personnelle. La prestation d’Alexis Martin est tout simplement époustouflante. Méconnaissable, il parvient à nous faire entrevoir les tréfonds de l’âme de Lortie, et à lui donner une humanité que les simples faits ne peuvent lui conférer.

Pour l’occasion, le metteur en scène Daniel Brière a choisi de transformer les sièges de l’Espace Libre en tribune de l’Assemblée Nationale, une idée des plus ingénieuses (mais qui rend parfois la vision difficile). Au fond de la salle, un mur d’écran de télévision nous rappelle que c’est par ce vecteur que le drame nous est parvenu. Bien sûr, cette histoire est d’une effroyable violence, puisque plusieurs personnes y ont perdu la vie. Brière la traite toutefois avec beaucoup de subtilité, rappelant son existence sans en faire étalage, grâce à des images sur quelques-uns des écrans et à des bruitages plus suggestifs qu’agressants. On est ici bien loin du voyeurisme. Lortie est décidément un spectacle réussi sur tous les plans, à ne manquer sous aucun prétexte.

16-11-2008
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