3-4 octobre 2008
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Rencontre internationale de mime de Montréal - 4e édition
Le corps du théâtre

Un temps deux mouvements

Mise en scène de Denys Lefebvre et Diane Loizelle

Premier mouvement : Punch & Co. Le célèbre et sympathique Mr Punch, rebelle à toute convention, défigure, remodèle et s’approprie l’Histoire. Plus méchant que le diable, le meurtre demeure à ses yeux encore et toujours la seule perspective acceptable.

Deuxième mouvement : L’insaissisable Madarin, d’après le Mandarin merveilleux de Béla Bartók. Un taudis où trois sombres voyous contraignent une fille à attirer des passants pour les détrousser. Les deux premiers sont jetés à la porte, mais le troisième est un individu étrange, un riche mandarin. La prise semble bonne.

Une production de Tenon Mortaise (Québec) www.mimeomnibus.qc.ca

Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

par Mélanie Viau

Poignard, pistolet, corde et corps. Quatre objets de crime pour une œuvre Assassin et le tout, pour votre bon plaisir mesdames et messieurs. Tel fut le passage de Tenon Mortaise à la 4e édition des Rencontres internationales du mime de Montréal, un passage marqué d’humour noir et de cynisme, d’attaques froides et de victimes innocentes. Ils sont vifs, agiles, surprenants, débordants de ludisme grossièrement vulgaire et ils vous offrent, en Un temps deux mouvements, deux lectures rapides et brillamment inspirées de grands classiques, soit la fameuse puppet applaudie depuis quatre siècles : Mr Punch (!), ainsi que le très connu ballet-pantomime Le Mandarin merveilleux du compositeur hongrois Béla Bartók. Un programme chargé, éclectique voire, totalement étrange, mais rassurez-vous : l’alliage formel qu’en ont fait les metteurs en scène Denys Lefebvre et Diane Loiselle est composé de matériaux solides à efficacité prouvée. La danse, le mime et le théâtre, trois modes d’expressions donnant à voir la rencontre. Le poignard, le pistolet, la corde, le corps, quatre objets de crime donnant à voir le résultat de la rencontre… Divertissement assuré !

Pour la première fois, le célèbre nabot mesquinement tordu et sa non moins hideuse femme Judy voient leur castelet s’ouvrir par deux mimes dont ils auront l’ignoble contrôle tout au long de ce numéro préparé à leur insu. Et tous deux ont beau n’être que des marionnettes à gaine, ils ont le petit geste tranchant et la parole crûment cruelle. Mais outre ces épisodes tragicomiques de tueries sans motifs et ces obscénités hilarantes présentées à un public en parfait état de choc, il est intéressant de souligner cette particularité qu’on a ici d’assister à de tels affronts entre un objet aussi personnifié (Mr. Punch conserve son propre vocabulaire et il vous le balance en anglais) et un objet-corps usant d’un mimétisme sans paroles pour faire ressortir le type du personnage. Et qui a le dessus au bout du compte vous croyez ? La parole ou le mouvement corporel?

Le deuxième mouvement, sur fond esthétique du film noir, nous présente un Mandarin merveilleux et surtout, insaisissable. Aux accents de thriller sombre, en mode grunge et musique orchestrale, l’adaptation de cette œuvre-fresque de Bartók affiche sa singularité autant que la rigueur technique de son exécution. Le ballet est à l’honneur dans la composition des patrons, autant que les nombreuses courses et chutes au sol s’exposent en danse contemporaine. Et danseurs, ils le sont. Le quatuor formé par Denys Lefebvre, Diane Loizelle, Bryan Morneau et Antoine Touchette prend la scène en d’innombrables tours de piste, tout en pirouettes, en sauts, en transports, en portés. La violence de l’action s’abstrait en geste poétique avec l’exploration de la pantomime, et le drame prend une tournure humoristique dans le personnage richement excentrique du Mandarin. Merveilleux par son étrange immortalité, les truands et la putain auront bien du mal à se débarrasser de lui, et si le désir érotique se posait à la base de l’œuvre originale, le désir macabre devient ici gage de tous les jeux assassins assumés avec le visage neutre et le regard perçant. Une mise en scène rythmée à la note près qui se présente comme un bel hommage à l’œuvre musicale, faisant éclater en pleine lumière toute la part de noirceur qui l’habite. Intelligent, recherché et visuellement attrayant.

Après ce trop bref passage de Tenon Mortaise à l’événement, nous ne pouvons que souhaiter avoir la chance d’assister, encore une fois, à une de ces soirées de corps théâtral aussi punchée et haute en ludisme !

01-10-2008
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