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Du 5 au 21 mai 2011
Les lettres arabes
Auteurs, metteurs en scène et interprètes : Olivier Kemeid et Geoffrey Gaquère

Mouloud et Rachid, deux Arabes de la banlieue parisienne, veulent quitter la grisaille de leur quotidien. Ils enfourchent une mobylette (volée), partent à l’assaut de la Normandie, se retrouvent passagers clandestins sur un cargo chargé de guano, se réveillent en pleine mer et accostent à Montréal.

Sous les cordes à linge et les accommodements raisonnables, Mouloud et Rachid déambulent dans les ruelles à l’aide d’un BIXI (volé). Leurs pérégrinations les amèneront d’Hérouxville aux douanes américaines, en passant par le tout-inclus de Guantanamo. Inspirées des Lettres persanes de Montesquieu, Les lettres arabes mettent en scène le Québec des accommodements raisonnables, vu par deux étrangers qui peuvent se permettre de tout dire, car si vous n’êtes pas d’accord, vous êtes racistes.

Geoffrey Gaquère est comédien, metteur en scène et cofondateur du Théâtre Debout. Parmi ses mises en scène : Couche avec moi (c’est l’hiver) de Fanny Britt, au Théâtre PàP et au Théâtre de La Bordée; Les exilés de la lumière de Lise Vaillancourt à Espace Libre; Hôtel Pacifique et Enquête sur le pire de Fanny Britt au Théâtre d’Aujourd’hui. Olivier Kemeid est auteur de théâtre et metteur en scène. Il a écrit, entre autres, Bacchanale et L’Énéide, d’après Virgile. Depuis sa création, L’Énéide a été lue et jouée en France, en Belgique, en Allemagne, aux États-Unis et en République démocratique du Congo. Il est également le directeur artistique des Trois Tristes Tigres, qui ont produit à Espace Libre L’Énéide (2007 et 2010), Maldoror-Paysage (2009), les Cabarets CLIM et Tout ce qui est debout se couchera (2004).

 
 

Assistance à la mise en scène : Stéphanie Capistran-Lalonde
Décor et costumes : Romain Fabre
Éclairages : Erwann Bernard
Musique : Philippe Brault

Du mardi au samedi à 20 h
Jeudi 12 mai à 19 h, suivi d’une discussion
Vendredi 13 mai à 18 h 30
Samedis 14 et 21 mai à 16 h

Production : Trois Tristes Tigres

Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191
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 Critique
Critique
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par Daphné Bathalon


Crédit photo : Romain Fabre

Les lettres arabes, sixième création des Trois Tristes Tigres, pétaradent comme une mobylette, celle volée par deux jeunes de la banlieue parisienne… Rachid et Mouloud, au lendemain d’émeutes, décident de quitter leur Sarcelles native pour partir à la conquête de l’Amérique. Sur leur mobylette, ils gagneront la Normandie, puis s’embarqueront sur un paquebot et accosteront à Montréal, en pleine tourmente des accommodements raisonnables.

Rachid et Mouloud ont la figure et l’accent de l’étranger, celui que l’on craint et celui qui nous craint aussi. Mais ces jeunes ont le courage de fuir l’avenir obscur de leur banlieue en flammes, de quitter un pays où, même Français, ils ont le statut d’étranger pour tenter d’atteindre le mirage américain, la terre vierge et les grands espaces.

Très touffu, le texte d’Olivier Kemeid et Geoffrey Gaquère multiplie les clins d’œil à la culture d’ici et d’ailleurs, depuis Le tour de l’île de Félix Leclerc à la tirade du nez de Cyrano de Bergerac en passant par la Chasse-Galerie et l’apparition surprenante d’E.T. l’extraterrestre! Pendant une heure et quart, les citations, parodies et références pleuvent de toutes parts à tel point qu’on arrive à la fin du voyage bien plus essoufflés que les deux protagonistes. Leur périple semble au contraire les avoir apaisés. Dans la majorité des cas, les références culturelles sont ingénieusement intégrées au spectacle, bien qu’elles fassent souvent décrocher le spectateur, soudain occupé à fouiller sa mémoire pour identifier l’auteur de la citation ou la référence que ses voisins ont saisis au vol mais qui lui a échappé.


Crédit photo : Romain Fabre

Ce bombardement intensif s’il amuse et fait rire, flirte finalement beaucoup avec le cabotinage. De fait, on n’évite pas les clichés comme la comparaison du Stade olympique avec un bidet géant, la poutine et les ours. On navigue à la surface des accommodements raisonnables et de ce qui fait l’identité québécoise, mais les auteurs ne nous amènent pas plus loin dans la réflexion. Pourtant, Trois Tristes Tigres présentent à travers leurs Lettres arabes de belles trouvailles, notamment l’apparition d’un extrémiste d’Hérouxville. En chemise et en cagoule du Klu Klux Klan, toutes deux carrelées, ce personnage nous fait une lecture fidèle, et ô combien divertissante, du code de vie d’Hérouxville.

La sympathie que l’on éprouve instantanément pour ce drôle de couple ne suffit pas à nous embarquer dans son voyage. Par les yeux de Rachid et Mouloud, on revisite notre coin de pays, mais sans jamais quitter les lieux communs. Les lettres arabes est pourtant un spectacle charmant : le charme du spectacle fait de bric et de broc, la drôlerie de voir les comédiens s’échanger les rôles, l’accent des banlieues et leur vocabulaire étrange (meuf, teuf, sa mère, vazi). On ne comprend pas tout du récit de Rachid et Mouloud, mais on aimerait en entendre plus, qu'ils prennent position et évoluent pendant ce voyage.

Avec Les lettres arabes, Trois Tristes Tigres cherchent à dédramatiser les problèmes et débats de société entourant les accommodements raisonnables et la peur de l’autre qui en découle. Cependant, si la pièce nous fait passer une agréable soirée en compagnie d’attachants personnages, en multipliant les références et les blagues, elle ne parvient malheureusement pas à nous faire voir les accommodements sous un autre jour.
07-05-2011
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