C’est le 18 mars 2008 à Philadelphie que Barack Obama, alors sénateur de l’Illinois et candidat à l’investiture du Parti démocrate pour les élections présidentielles américaines, prononce son discours De la race en Amérique. Il intervient alors que ses adversaires font diffuser sur Internet et à la télévision de larges extraits des sermons antipatriotiques et racistes du pasteur Wright, son ami personnel. Accusé de duplicité et face à une opinion troublée, Obama se doit de réagir…
En quarante minutes, il sera interrompu dix-sept fois par des applaudissements. Le lendemain, la presse du monde entier salue un discours à l’égal du « J’ai fait un rêve » de Martin Luther King. Ce spectacle est une mise en conte, une restitution intégrale de la parole sociale, économique, humaniste et politique d’un homme qui depuis est devenu le 44e Président des États-Unis.
Le spectacle constitué en deux parties, donne la parole à Obama, incarné par Éric Delor, et ensuite aux spectateurs. La discussion est menée par le comédien. Espace Libre a invité deux personnalités, Dany Laferrière (24 mai) et Richard Hétu (25 mai) , à venir se joindre à ces échanges sur le « vivre ensemble » et sur l’avènement du premier président de race noire des États-Unis.
Création lumière Babylone Aidi
Du mardi au vendredi à 20 h
Samedi 28 mai à 16 h et 20 h
Production : La Caravelle Dpi en codiffusion avec Espace Libre
par Olivier Dumas
À l’Espace libre, le Théâtre de la Caravalle débarque en coup de vent cette semaine pour une intrigante proposition. José Pliya met en voix un discours fondateur de Barack Obama, De la race en Amérique. Malgré les indéniables qualités artistiques et pédagogiques du texte, le résultat ne remplit pas toutes ses promesses.
Seul en scène derrière un lutrin dans un éclairage bleuté, le comédien Éric Delor lit en français l’intégral du discours (A more perfect union en version originale) de quarante minutes prononcé le 18 mars 2008 à Philadelphie par l’aspirant candidat à la Maison-Blanche. Fait à noter, la compagnie théâtrale a préféré une nouvelle traduction de Megan Fischler publiée aux éditions Lansman à celle de François Clémenceau éditée chez Grasset. Juste avant l’entrée du comédien, la voix de Laure Adler, animatrice à France culture et biographe de Marguerite Duras et de François Giroud, remet brièvement en contexte l’événement. La conférence visait à éteindre la polémique déclenchée par les sermons calomnieux du révérend Jeremiah Wright, un proche d’alors du sénateur démocrate. Dans les heures qui ont suivi, autant la gauche et la droite des États-Unis ont applaudi à ce discours considéré par plusieurs comme l’équivalent du I have a dream de Martin Luther King. Dany Laferrière a confié après la représentation avoir ressenti l’ombre de Nelson Mandela au moment de sa sortie de prison en 1990.
Le public québécois eut l’occasion d’apprécier les talents de dramaturge de José Pliya, en 2009, avec le poignant Le complexe de Thénardier, mis en scène par Denis Marleau. Pour sa mise en lecture du texte du 44e président américain et premier Afro-Américain à accéder à ce poste, il a privilégié une certaine distance avec son sujet. Loin de l’imitation et de la caricature, son Obama s’exprime ainsi d’une voix professorale et monotone, loin des envolées lyriques de l’original.
On peut regretter dans cette sobriété assumée l’impression d’assister à une simple mise en lecture. Or, le théâtre permet de jouer ou de s’emparer des mots du politique, ici d’une grande force évocatrice, pour extirper leur puissance poétique. À la toute fin de l’exposé, par exemple, Obama évoque le témoignage émouvant d’une bénévole de Caroline du Sud qui n’a mangé que des sandwiches à la moutarde et aux cornichons pour permettre à sa mère privée d’assurance maladie de retrouver la santé. Un peu plus de ferveur et de nuance dans la voix aurait probablement à ce moment, entre autres, créé un mariage plus évocateur entre une saisissante prose politique et une écriture dramatique sentie.
Pour l’ancien président socialiste français François Mitterrand, «la politique, c'est dire des choses à des gens», et la parole de Barack Obama s’empare à merveille de cette universalité qui transcende les races, les religions, les sexes et les classes sociales. Tous les spectateurs devraient impérativement lire De la race en Amérique pour apprécier le pouvoir d’une pensée politique inspirante, trop souvent déficiente chez notre élite politique. L’auteur de ces lignes aurait apprécié davantage plus d’emballement dans cette transposition théâtrale didactique.
Le soir de la première, la pièce était suivie d’une discussion très intéressante et animée, menée par le comédien Éric Delor et Dany Laferrière. Les propos des spectateurs et les interventions des deux artistes ont été le théâtre d’échanges pertinents et intelligents.