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Du 21 août au 8 septembre 2012, 20h
Changing RoomChanging Room
Texte Alexandre Fecteau, en collaboration avec Raymond Poirier
Mise en scène Alexandre Fecteau
Avec Frédérique Bradet, Anne-Marie Côté, Simon Dépôt, Martin Perreault, avec la participation spéciale de Jean-François Simard

Créé à partir de véritables entrevues, Changing Room est un spectacle interactif dans la tradition du théâtre documentaire qui nous fait découvrir, sans fard, la face cachée des personnificateurs féminins de Québec et Montréal.

Après son vif succès au théâtre Périscope, ce spectacle audacieux, festif et touchant se transporte enfin de la Capitale à la Métropole. Pour l’occasion, Espace Libre se transformera en un véritable cabaret animé par ces drag queens, une fête profondément troublante qui intérroge la norme identitaire et la marginalité. Où se trouve la norme ? Peut-elle être tolérante ?

Entre les chorégraphies excentriques et les numéros d'animation, une caméra s'immisce en coulisse pour capturer l'intimité des artistes, joués essentiellement par les comédiens de la compagnie Nous sommes ici. Alors que ces personnages équivoques vous en mettent plein la vue sur scène, au sein de la loge, ils se confient sur les joies et difficultés de leur métier, les préjugés véhiculés à leur égard, mais aussi sur leur délicat choix identitaire.


Section vidéo
une vidéo disponible


Chorégraphie Chantal Bonneville
Costumes Virginie Leclerc
Scénographie Marie-Renée Bourget-Harvey
Lumières Jérôme Huot
Son François Leclerc
Vidéo Eliot Laprise
Maquillage Geneviève Dionne

Régulier: 34$
Moins de 30 ans: 29$
Prévente: 24$, offre valable jusqu'au 21 août pour les représentations des 22, 23, 24 et 25 août.
Autres tarifs: à la porte, au téléphone

VENDREDI 24 AOÛT (à la suite de la représentation de 18 h 30). Entrée libre à l’activité.
Table ronde : Comment l’identification sexuelle fabrique-t-elle l’exclusion?
Avec Xavier Brouillette, professeur de philosophie au cégep du Vieux Montréal et Michel Dorais, sociologue spécialiste du genre et des sexualités. Animée par Paul Lefebvre, conseiller dramaturgique au CEAD.

JEUDI 30 AOÛT (à la suite de la représentation de 19 h). Entrée libre à l’activité.
Discussion avec l’équipe de création.
Discussion animée par Philippe Ducros.

Production Nous sommes ici


Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

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 Critique
Critique

par Olivier Dumas

Flamboyantes et irrévérencieuses,  les drag queens sont des personnages de théâtre en soi. Dans un spectacle qu’il qualifie de documentaire-fiction, le Collectif Nous sommes ici nous dévoile avec fracas l’envers et le devant de l’univers de ces oiseaux de nuit dans Changing Room. Plus qu’une pièce de théâtre réaliste ou une photographie sociologique d’un milieu précis, il s’agit d’une expérience totalisante.

Conçue pour la première fois en 2009 au bar gai Le Drague, la production de Québec cherche à briser le quatrième mur théâtral et sortir le spectateur de sa torpeur passive. Adaptée à chacun des lieux de représentation où elle passe, elle tente de recréer l’atmosphère et les codes explicites des lieux où travestis et transformistes performent sur des tubes musicaux entre deux interventions grivoises. La maitresse de cérémonie, Délice, est remarquablement interprétée par la comédienne Anne-Marie Côté. Dès la fermeture des lumières, elle mène le bal et la danse avec ses interventions baveuses, parfois triviales et même scatologiques, mais qui atteignent presque toujours leurs cibles. Elle n’hésite pas à surnommer le directeur artistique de « L’Espace Lourd » (autre jeu de mots récurent durant les trois heures du spectacle) « Phallus Ducrosse », et d’écorcher au passage les mimes d’Omnibus, les personnalités médiatiques quant à leur identité sexuelle et les institutions reconnues de la métropole québécoise. Des références au conflit étudiant et à ses figures dominantes ont même fait leur incursion dans cette atmosphère de cabaret bruyant et festif.

Selon une approche aux accents brechtiens, les comédiens se présentant à un moment ou l’autre avec leur véritable nom et mentionnent les différents personnages qu’ils incarnent. Et pour mieux brouiller les pistes, l’auteur et metteur en scène Alexandre Fecteau a ancré son matériau d’après des entrevues menées auprès de véritables de drag queens de la scène homosexuelle de la vieille capitale. Entre les animations de Délice et la dizaine de musicaux en lipsync, performée par elle et ses acolytes, le public voit leur intimité projetée sur écran. Des caméras suivent en direct les artistes entre leurs changements de costumes où les confidences abondent sur un métier peu rémunéré. Dans un univers où l’alcool coule à flot, les rêves ambitieux et désenchantements inéluctables se vivent frénétiquement entre deux verres ingurgités. Les interprètes exposent avec ferveur cette dualité équilibriste entre les rires gras et les larmes refoulées.

La principale qualité de Changing Room demeure l’acuité de son regard sur un monde qui, malgré tous ses déchirements, artifices et faux-fuyants, a été peu exploité. De mémoire de spectateur et lecteur assidu de la scène théâtrale, peu ou pas de pièces traitent d’une thématique similaire sauf dans certaines œuvres de Michel Tremblay datant des années 1970, dont Hosanna. Quatre décennies plus tard, malgré les révolutions sexuelles et transgressions d’innombrables tabous, c’est un sentiment de tristesse et de solitude qui émane de ce portrait d’amuseurs extravertis « minoritaires dans une minorité » comme l’exprime l’un des protagonistes. « Sous le strass, y avait le stress », peut-on entendre dans la comédie musicale Starmania. Derrière les maquillages, les robes flamboyantes et les paillettes colorées d’un paradis artificiel au kitsch assumé, nous voyons des êtres paumés, vulnérables, mais très attachants dans leur quête d’amour et de reconnaissance démesurée.

L’aspect participatif a donné des résultats étonnants lors de la première médiatique. Mais comme dévoiler les surprises reviendrait pour les concepteurs du spectacle à révéler des secrets diplomatiques de la CIA, cet aspect du programme de la soirée demeure à découvrir par soi-même.

Les nombreuses prestations se révèlent des moments sympathiques qui amalgament styles, langues et époques. Le numéro d’ouverture, composé d’un pot-pourri de différentes versions de Fever par Peggy Lee, Beyoncé, Céline Dion et Madonna, illustre parfaitement cette mosaïque fédératrice des tendances musicales entendues tout au long de la fiction documentaire. Parmi les meilleures séquences, mentionnons au passage la troublante chanson Mourir sur scène de Dalida et la très adéquate On fait tous du show-business de Diane Dufresne avec une réplique de la robe blanche de son spectacle Hollywood donné au défunt Forum de Montréal en 1982.

La deuxième partie après l’entracte de vingt minutes s’étire avec certaines répliques redondantes et des témoignages sur la difficulté d’être gai qui ont été mieux exprimés et exploités précédemment. Pourtant, en quittant « L’Espace Lourd » après un tel marathon, on ne peut que lever notre chapeau, et pourquoi pas les souliers à talons hauts et les faux cils des créatures de ce Changing Room somme toute singulier par son approche.

25-08-2012