Après avoir mis le feu aux planches à l’hiver 2012 avec Invention du chauffage central en Nouvelle-France, les intrépides créateurs du NTE nous convient au deuxième chapitre d’une fresque historique présentée sur trois saisons théâtrales. Trois spectacles pour y secouer les eaux dormantes de l’histoire du Canada français, entre 1608, année de la fondation de Québec, jusqu’à la crise du verglas de 1998. Et nul besoin d'avoir assisté au premier volet de la trilogie pour saisir pleinement les enjeux et fréquenter la joyeuse galerie de personnages convoqués dans ce deuxième épisode.
Cette fois-ci L’Histoire révélée du Canada français… a les pieds dans l’eau! Les chemins qui marchent examine notre rapport aux rivières et au grand fleuve. La Richelieu, la Saguenay, le Saint-Laurent, mais aussi la Manicouagan, la Saint-Maurice, la Moisie. Le titre de la pièce évoque la manière dont les Amérindiens désignaient ces cours d'eau qui étaient les voies naturelles de pénétration du continent, son système veineux. Par des jeux de théâtre, l’équipe du NTE rappellera à la mémoire débordements, reflux, sécheresses, crues et marées noires.
La pièce nous propulse au cœur de notre immense territoire et retrace le parcours et les luttes incessantes des peuples pour maîtriser la fantastique puissance des cours d’eau. Venez à la rencontre de Tessouat l’Algonquin, de Carcajou, de Rose Baptist, d'Albert Malouf, ou encore retrouvez avec délice Samuel de Champlain, le père Le Jeune, Pastedechouan et Carigonan! Autant de personnages, au centre comme en marge de l’histoire, riverains et acteurs du prodigieux spectacle de cette humanité emportée par Les chemins qui marchent!
Section vidéo
deux vidéos disponibles
Scénographie Michel Ostaszewski
Costumes Judy Jonker
Conception sonore Anthony Rozankovic
Eclairages Nicolas Descôteaux
Musique Anthony Rozankovic
Jeudi 28 février à 19h, suivi d'une discussion avec l'équipe de création
Vendredi 1er mars à 18h30, suivi d'une table ronde
Régulier: 34$
Moins de 30 ans: 29$
Prévente: 24$, offre valable jusqu'au 26 février pour les représentations des 27, 28 février, 1er et 2 mars.
Production : NTE
par Olivier Dumas
Les deuxièmes parties d’une trilogie sont souvent attendues de pied ferme. La comparaison demeure inévitable par rapport à l’amorce du processus de création. En poursuivant son travail de défrichage et de poétisation des éléments fondateurs du Québec, le Nouveau Théâtre Expérimental s’attaque maintenant à l’eau dans Les chemins qui marchent. Malgré quelques aspects plutôt réussis, le résultat de la production déçoit.
À l’hiver 2012, le tandem formé par Alexis Martin et Benoît Brière avait pris plaisir à revisiter notre relation conflictuelle avec les changements perturbateurs du climat dans L’Invention du chauffage central en Nouvelle-France. Leur démarche loufoque témoignait d’une volonté de renverser, d’étonner et de rire de certains mythes ayant imprégné en profondeur notre imaginaire collectif. Malgré les longueurs, l’expérience s’était révélée dans l’ensemble assez amusante et intrigante par son aspect ludique.
Les spectateurs qui ont eu la chance de voir la production l’année dernière ne se retrouveront pas dépaysés en pénétrant ces jours-ci dans la salle de l’Espace Libre. Le plateau se retrouve encore une fois au centre du lieu de la représentation, alors que les gradins sont répartis en deux sections face à face. La disposition donne un intéressant effet de miroir pour le public. Les comédiens font encore une fois leurs entrées et sorties de scène par une trappe qui s’ouvre du plancher. Même le joli chien noir se pointe une fois de plus le bout du nez au lever de rideau. À la première médiatique, l’atmosphère est très conviviale. L’auditoire peut même boire un café ou un verre de vin pendant la performance des artistes.
D’une durée de deux heures quinze entrecoupés d’un entracte, la fresque couvre près de 400 ans de notre histoire, soit à partir de la fondation de la ville de Québec en 1608 jusqu’à la célèbre crise du verglas de 1998. Elle s’amorce justement en cette année fatidique et prend plaisir à mélanger les époques en totale rupture avec l’ordre chronologique. Par ailleurs, une très grande partie des actions se déroule au 17e siècle, avec de très beaux costumes d’époque. Les lieux et les années sont projetés au-dessus du décor, marquant avec pertinence les nombreuses transitions se succédant tout au long du spectacle.
Alexis Martin demeure l’une de paroles intellectuelles et artistiques les plus stimulantes du théâtre québécois. Par ses écrits et ses interventions médiatiques, il sait secouer les puces d’une société trop souvent consensuelle. Chacun de ses projets suscite un intérêt marqué en raison de l’intelligence et de l’acuité de son regard, n’excluant pas le plaisir. C’est probablement l’une des raisons qui empêche d’adhérer totalement à ces Chemins qui marchent. L’écriture de ce segment de la trilogie possède rarement la fougue, l’imagination et la profondeur de pensée de ses pièces antérieures. Celles-ci arrimaient mieux la conscience collective, l’engagement et la mémoire à une langue théâtrale forte, prenante et inspirante.
Dans la présente production, les clichés abondent et restent souvent à la surface des choses. Les figures historiques à perruques frisées (François Papineau campe tout de même un savoureux Frontenac) les relations entre peuples anglais et français et la présence de personnages amérindiens illustrent bien les étapes de notre parcours comme peuple et société. Pourtant, on aurait aimé que le dramaturge creuse davantage ses idées pour en faire ressortir tout le sarcasme et l’ironie dont ses créations habituellement témoignent. Par ailleurs, la trop grande présence de chansons en français, en anglais et en langues amérindiennes n’apporte que très peu d’intérêt à la trame du récit. En deuxième partie, elle devient même lassante et carrément redondante.
La mise en scène de Daniel Brière se révèle toutefois énergique, sans temps mort, en plus de nous évoquer ces nombreux cours d’eau, « dans ce pays de lacs et de rivières » pour reprendre les mots de la magnifique chanson de Le plus beau voyage de Claude Gauthier. Les références à La Manicouagan, la Saint-Maurice, la Moisie, ou encore le Saint-Laurent résonnent avec fracas dans nos oreilles.
Malgré plusieurs rôles plutôt anecdotiques, les interprètes s’éclatent sur scène. François Papineau s’impose toujours de manière remarquable, surtout par son jeu physique. Dans les scènes plus anciennes sur la trame de l’histoire, il insuffle une énergie et un dynamisme digne des meilleures pièces de Molière. Carl Poliquin se démarque également par son intensité, sa précision et sa fougue. Ses partenaires de jeu ne sont pas à dédaigner non plus: Gary Boudreault, Steve Laplante, Pierre-Antoine Lasnier, Alexis Martin, Dominique Pétin et Marie-Ève Trudel font preuve également d’une grande générosité.
Dans ce deuxième volet de la trilogie L’Histoire révélée du Canada français 1608-1998, Alexis Martin et Daniel Brière nous font redécouvrir la géographie maritime si emblématique du territoire québécois. Il est d’autant plus dommage que cette matière première aussi évocatrice et aux multiples possibilités créatrices ne se concrétise pas en un matériau théâtral de la pertinence attendue. L’univers agroalimentaire deviendra, espérons-le, un terrain de jeu plus stimulant pour Le pain et le vin, titre de la troisième et dernière partie de leur aventure.