Habituée d’investir l’espace public, l’Action Terroriste Socialement Acceptable (ATSA) occupera pour la première fois un lieu théâtral, transformant en spa la salle de spectacle et la rue Coupal adjacente à Espace Libre.
Avec leur nouvelle production atsaïenne, les artistes interdisciplinaires Annie Roy et Pierre Allard nous proposent de Se mettre dans l’eau chaude, en venant au théâtre comme nous irions au Spa ! Cette fois-ci l’ATSA questionne notre relation au confort, mettant encore une fois le spectateur au centre de l’action pour ce déambulatoire dirigé qui n’a besoin que de lui pour activer le tourbillon.
Notre besoin de « décrocher », notre culte du bien-être l’emporte-t-il sur nos autres responsabilités ou bien est-ce devenu un mode de survie pour contrer l’inhumanité ambiante ? Quel dilemme vivons-nous en voulant faire l’exercice légitime de ce « droit » au loisir tout en désirant nous impliquer activement comme citoyen ?
On fait quoi ? Tenons-nous prêts, car d’une manière ou d’une autre, il faudra bien Se mettre dans l’eau chaude…
Dès leur arrivée au Spa Libre, les « clients » seront agréablement accueillis par une équipe dévouée et pourront choisir leur forfait de détente : Mouillez-vous ou Restez au sec. Ils seront ensuite invités à passer aux vestiaires Homme ou Femme pour revêtir leur maillot de bain, leurs gougounes et leur peignoir ou prendre une tenue décontractée après quoi ils pourront se désaltérer à la terrasse du lounge bar.
Le directeur du Spa Libre (Philippe Ducros), la prof de yoga (Mylène Roy), la reporter (Geneviève Rochette) et le trader (Jean-François Nadeau) leur proposeront de compléter leur fiche Bien-être. Ils les guideront ensuite dans les différentes stations extérieures et intérieures de détente et de réflexion collective : au jardin de ville, sur les chaises longues avec vue sur la piscine creusée, au bain tourbillon, au sauna sec, dans les salles de mises en forme, de massages et de méditation Yoga-Humana Prana.
L’ATSA désire ainsi offrir à sa chère clientèle un moment vitaminé de détente et d’émotions régénératrices… peut-être pour mieux se révolter !
Différents forfaits Détente-conscience aux tarifs avantageux sauront répondre à tous les budgets. Ils incluent le sac-casier et le bracelet-clé ainsi que la location d’un peignoir et serviette en cas d’oubli !
« Que ce soit pour offrir en cadeau ou pour vous-même, les forfaits sont concoctés spécialement pour s’adapter à vos besoins et vous offrir une variété d’expériences mémorables. »
L’ATSA | Depuis 1998, la créativité de l’ATSA se veut déclencheur d’actions communes critiques de la société actuelle. Sur un ton toujours ludique et percutant, ses interventions urbaines et ses mises en scènes réalistes interpellent le spectateur dans son rôle de citoyen. On se rappelle notamment leurs camps de réfugiés urbains États d’urgence (1998-2010), qui ont cédé la place à Fin novembre; La banque à bas, sa première intervention urbaine pour contrer la pauvreté; Les Murs du feu, parcours et soirée incendiaire sur l’histoire du Red Light; la série Attentat, sur l’hyperdépendance au pétrole et Change, une rencontre entre l’économique et l’artistique.
Prix Giverny Capital 2011 - Prix Nature de l'art 2010 - État d'Urgence citoyen de la culture 2009 - Artiste pour la Paix 2008
Conception sonore, Robert M Lepage
Éclairages, Marie-Aube St-Amand Duplessis
Régulier: 34$
Moins de 30 ans: 29$
Bar et vestiaire (H_F) ouverts dès 19h30. Prière d’arriver avant pour se changer
Production ATSA
à venir
par Gabrielle Brassard
Le spa socialement acceptable
« Bienvenue à vous, cher public, dans notre spa urbain. Détendez-vous, et profitez de ce moment de repos », nous susurre au micro Philippe Ducros, directeur artistique d’Espace Libre, alors que nous sommes en peignoir, allongés sur des chaises longues ou trempant dans des spas, le tout aménagé en pleine rue Coupal, à l’extérieur du théâtre.
Organisé par l’ATSA (Action terroriste socialement acceptable), reconnue pour ses interventions de rue coup-de-poing et la mise en place de l’État d’urgence (événement social et culturel qui réunit itinérants et population), on se doute que le spectacle, intitulé Se mettre dans l’eau chaude, n’en restera pas là. En effet, quand le « parcours » commence, on n’hésite pas à nous en mettre plein la vue… et à nous confronter à une réalité crue et intense. Mais l’aliénation du public surprend toujours dans ces moments : alors qu’une réalité insoutenable nous est montrée, nous n’écoutons que les ordres qui nous sont donnés, tels des moutons en bande, les exécutant sans se poser de questions.
Mal à l’aise (certains et certaines), nous continuons notre parcours, que nous pensons tout aussi choquant… Pourtant, il l’est moins que l’on ne l’aurait cru, après cette première séquence « rentre-dedans ». Dehors, la comédienne Geneviève Rochette nous livre un discours réaliste et très pertinent sur notre dilemme entre le confort, la révolte, les injustices, l’implication et la recherche du bonheur.
La petite heure passée dans ce « spa urbain » se termine par un appel au soulèvement pour le « bonheur », par un « rebelle » (Jean-François Nadeau, des Zapartistes) enflammé, qui nous invite à discuter avec nos voisins sur notre bonheur personnel versus le bien collectif. Cela fonctionne plutôt bien, en plus d’être agrémenté d’un verre de cidre. Mais avec le spectacle proposé, on s’attend presque à se faire ruer par une horde de policiers comme punch final… pourtant non. Retour dans les bains, sur les chaises longues, à la maison… Dans les vestiaires, on discute du brunch du lendemain, de quels drinks on apportera, alors que l’on vient de vivre une expérience qui devrait nous faire réfléchir sur la société, nous pousser à agir, à la révolte. Preuve que l’ATSA n’a peut-être pas entièrement réussi ici son pari. Annie Roy et Pierre Allard ne sont pourtant pas frileux, poussant plutôt loin leur concept et la réflexion. Est-ce parce que cette fois-ci, l’action de l’ATSA est présentée dans une forme plus convenue et un espace plus conventionnel? Pourtant, s’il y a bien un endroit où c’est possible, c’est à Espace Libre.
Se mettre dans l’eau chaude, du point de vue organisationnel, est un véritable coup de chapeau ; tout l’espace, dehors et dedans, est occupé, on se croit véritablement dans un spa, dans une salle de yoga, dans un espace restreint. Les propos font certainement réfléchir, mais à quel point? Peut-être pour être plus « grand public », l’ATSA a choisi de terminer sur une note positive, empreinte d’espoir, presque trop enthousiaste. Si bien qu’on se demande s’ils ne sont pas en train de se moquer, car comment ne pas y voir l’ironie, alors qu’on passe une heure à tenter de nous montrer la réalité en face?
Ce spectacle complètement atypique et original, dans sa forme comme dans son contenu, est une proposition audacieuse, plutôt réussie dans l’ensemble, mais qui aurait pu être encore plus mordante et déstabilisante. Tant qu’à se mettre dans l’eau chaude, aussi bien s’ébouillanter, non?