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Du 2 au 6 avril 2013
InterviewLa dernière interview
Texte : Jean Genet et Dieudonné Niangouna
Mise en scène et conception Catherine Boskowitz
Avec Catherine Boskowitz et Dieudonné Niangouna

Casser l'ordre, ne pas entrer dans la norme, rester irrécupérable, même par les causes qu'il aura défendues, comme la cause palestinienne ou celle de l'indépendance de l'Algérie : voilà ce qui ressort de la dernière interview de Jean Genet, donnée à Nigel Williams pour la BBC, à Londres, pendant l'été 1985. Lors de ce face-à-face, Genet comme à son habitude, déroge à la règle en inversant les rôles : il devient l'interviewer en même temps que l'interviewé. En meneur de jeu, il écrit oralement sa propre interview, questionnant sans cesse la fonction de celui qui interroge et de celui qui répond... 

Dans cette mise en abyme, Dieudonné Niangouna, auteur et acteur congolais, joue le rôle de Genet et répond aux questions de Catherine Boskowitz dans le rôle de Nigel Williams. Niangouna ne se prive pas pour opérer de fréquents décrochages, commenter les réponses de Genet ou parler en son nom propre, dressant ainsi un portrait éclaté de Genet et de lui-même, confrontés ici et maintenant, à la traversée du monde et du théâtre. Prend alors naissance sur le plateau un dialogue imaginaire entre les deux auteurs, entre performance théâtrale et installation visuelle ainsi que sonore.

Privilégiant les écritures contemporaines, la Compagnie abc (Aubervilliers Bande Comédie) a débuté en travaillant avec de jeunes gens issus des cités de la banlieue parisienne et de Bourgogne. En 2012-13, La dernière interview sera en tournée internationale en Europe, en Afrique et en Amérique.


Section vidéo
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Photo : Audrey Dupas

Mardi 2 et mercredi 3 avril à 20h
Mercredi 3 avril « La mauvaise réputation », rencontre-lecture avec Dieudonné Niangouna et Marie-Louise Bibish Mumbu, présenté par le CEAD. Après la représentation de 20 h.
Jeudi 4 avril Discussion avec l'équipe de création : Catherine Boskowitz et Dieudonné Niangouna. Après la représentation de 19 h.
Vendredi 5 avril Forum sur l’état des pratiques théâtrales contemporaines en Afrique. Après la représentation de 18 h 30.
Samedi 6 avril à 16h et 20h

Régulier: 34$
Moins de 30 ans: 29$
Prévente: 24$, offre valable jusqu'au 1er avril pour les représentations des 2 et 3 avril.

Carte Prem1ères
Cartes Prem1ères
Date Premières : toutes les représentations
Carte premières : 15$

Production : Compagnie ABC (France) avec l’aide de la Production Arcadi, la Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Île de France (Ministère de la culture/France), créée au Théâtre Confluences (Paris)


Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

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 Critique
Critique

par Sara Fauteux


Crédit photo : Audrey Dupas

Depuis 2010, la metteure en scène Catherine Boskowitz et le comédien Dieudonné Niangouna parcourent la France et le continent africain avec La dernière interview.

Le spectacle a été développé dans le cadre d’un dialogue artistique autour de Jean Genet pour le centième anniversaire de l’auteur. Le directeur de Confluences, un centre d’art pluridisciplinaire de Paris, donne carte blanche à Catherine Boskowitz pour élaborer ce dialogue. Tout comme Genet, Boskowitz a parcouru de nombreux pays afin de déplacer le regard qu’elle pose sur le monde et sur le théâtre. Elle articule donc ces semaines de dialogue portant sur Genet à partir d’un point de vue extérieur, celui du Congo et de ses artistes.

En prenant comme point de départ la dernière entrevue accordée par Genet en 1985 à la BBC de Londres, la metteure en scène imagine un spectacle où elle donne la parole à Dieudonnée Niangouna, comédien congolais acclamé sur les scènes en France. Alors que Boskowitz pose les questions que Nigel Williams posait à Genet en 1985, Niangouna répond, ou plutôt ne répond pas, adoptant la posture rebelle de Genet et entremêlant sa parole, actuelle, africaine, artistique, à celle de l’auteur du Journal du voleur. 

Qui a le droit de poser les questions? Quelle est la fonction de celui qui interroge et de celui qui répond? Quel est le sens de ces conventions? Si on doit répondre aux questions, est-ce parce qu’on est fautif, comme dans un interrogatoire? Les réponses fournies dans ce contexte sont-elles toujours récupérées par la norme? De quel point de vue reçoit-on les réponses à ces questions? Voilà ce que Boskowitz souhaite questionner en reprenant cette interview.

Dans La dernière interview, Niangouna ne prend jamais place sur la chaise qui lui est destinée, la déplaçant, tournant plutôt autour, obligeant la caméra et l’intervieweur à déplacer son angle de vue pour le saisir. L’acteur fait parfois entendre la parole de Genet, parfois la sienne et réinvente l’ordre des choses en posant à son tour des questions au public venu entendre ses réponses.  Il multiplie les digressions, détourne les questions et utilise les réponses de Genet pour réfléchir à son tour sur le monde.

Dans ce spectacle où l’improvisation occupe une grande place et qui repose sur la capacité de l’acteur à créer une tension et une énergie avec le public, la ligne est certainement très fine entre un grand moment de théâtre et une représentation qui tombe à plat. C’est malheureusement à cette deuxième possibilité qu’a eu droit le public de la première des quatre représentations de La dernière interview à l’Espace libre mardi dernier.

Loin de déranger et de remettre en question les paradigmes de pensée de notre société, Niangouna semblait plutôt se satisfaire d’un rapport de séduction avec le public, adoptant la posture facile de l’Africain bon enfant et amorçant des réflexions intéressantes, mais sans danger aucun.  Ses envolées s’éternisaient dans une pensée consensuelle qui ne laisse rien entendre de sa parole libre, éclatée, de son point de vue singulier sur le monde.

En outre, les allées-retour entre le discours de Genet et celui de Niangouna sont mal dosées et ne permettent pas au lien entre ces deux paroles de s’activer pour nous faire voir la correspondance de la pensée. Dans ce contexte, la mise en scène de Boskowitz prend une forme convenue. Le déplacement des corps, des chaises et de la caméra dans l’espace devient inutile et ne permet pas d’amorcer la réflexion et de remettre en question les enjeux évoqués dans sa proposition initiale.  

Pour que la magie opère, il aurait fallu que Niangouna parvienne à soulever une tension réelle par ses propos et sa présence sur scène, semblable à celle qu’a dû provoquer l’énergie de Genet dans les studios anglais. Mais dans ce cas-ci, le bouleversement de l’ordre reste superficiel et nous laisse sur notre faim. Et il s’avère difficile de ne pas juger sévèrement la banalité des propos et d’une forme théâtrale qui se réclame d’une parole aussi rebelle et irrécupérable que celle de Jean Genet.

05-04-2013