Quand l’homo erectus s’est levé, son cerveau a grossi, assurant sa suprématie… Notre corps raconte l’histoire de ses protestations. Comment le traitons-nous ? Que nous dit-il de notre époque, de nos désirs, de nos pulsions, de nos somatisations ? Ce corps qui parle, d’Omnibus le corps du théâtre et du Théâtre du mouvement est un programme double autour du corps, au-delà des murs de sa prison.
Corps psychique — Langage-corps — Show-cours — For intérieur — Essence-forme
En première partie
SPLENDEUR ET MISÈRE D'UNE COURTISANE
Mise en scène : Jean Asselin / Interprétation :Sylvie Chartrand
Dans l’intimité de son silence, une femme de trente ans officie la cérémonie du corps…
Durant 20 minutes, le corps féminin est sculpté de l’intérieur.
Le morceau d’anthologie est inspiré d’une composition musicale d’Yves Daoust basée sur le témoignage authentique d’une courtisane.
Section vidéo
Billet régulier 32$
Billet 30 ans et moins 25$
Billet du Studio Espace Libre 24$
Forfait PréVoir 24$
JEUDI-DISCUSSION
Jeudi 17 octobre, après la représentation de 19 h
Le décodage du langage corporel : de Big Brother au sensible, des neurosciences à l’Artistique
Intervenants
Yves Marc (auteur, metteur en scène et interprète, Ce corps qui parle - la pièce), Sylvie Chartrand (interprète, Splendeur et misère d’une courtisane), Jean Asselin (maître d’oeuvre, Splendeur et misère d’une courtisane), Doïna Harap (réalisatrice, Ce corps qui parle - le documentaire) et Christine Gagnon (synergologue et participante de Ce corps qui parle - le documentaire)
Modérateur : Ian Oliveri (producteur, Ce corps qui parle - le documentaire)
Création Omnibus le corps du théâtre et Le Théâtre du Mouvement
par Olivier Dumas
Pour le musicien Miles Davis ou encore l’architecte Mies van der Rohe, l’adage less is more permet la réalisation de grandes œuvres. Devant la brillantissime prestation-conférence de l’artiste français Yves Marc dans le solo Ce corps qui parle, force est de constater que la simplicité au premier regard demeure ici d’une richesse, d’une érudition et d’une tendresse inouïes.
Pendant une heure et quinze minutes, l’acteur et pédagogue dévoile et explore les innombrables facettes des gestes du quotidien. Même après ses décennies de pratique, notamment au Théâtre du Mouvement, il fait la démonstration qu’on peut garder cette flamme d’émerveillement et cette candeur des premiers jours. Sans aucun appui de micro, de projections vidéo ou de bandes sonores, l’élève du grand mime Étienne Decroux occupe le plateau dépouillé de l’Espace Libre, à l’exception d’une table et de quelques masques à l’arrière-scène. N’en déplaise à certains amateurs de technologies, qui ne jurent que par les approches multidisciplinaires éclatées, une présence allumée et un propos pertinent suffisent à capter et soutenir l’attention du public.
Avec ses allures de maître d’école au pantalon et à la chemise noire, Yves Marc ne tombe pas dans la démonstration didactique ronflante, et ce, heureusement pour nous. D’autant plus que les faits scientifiques s’avèrent précis, rigoureux et véridiques. L’artiste s’amuse même à interpeller les spectateurs avec des interrogations sur des concepts ou des penseurs marquants, comme Jacques Lacan (dont il prend plaisir à se moquer) ou encore Freud. Plusieurs références ponctuent le récit, notamment sur l’attitude de son mentor Decroux, mais également sur les cinéastes Jacques Tati, avec son personnage emblématique de monsieur Hulot, et Charlie Chaplin, dont le Charlot incarne selon lui l’individu toujours prêt à prendre la fuite. La référence à la danse du vent créée par le mime Marcel Marceau (qui a inspiré le célèbre Moonwalk de Michael Jackson) « qui a fait beaucoup de chemin tout en restant sur place » se révèle un autre moment fort du spectacle.
L’humanité qui se dégage du spectacle et le discours critique sur les sociétés capitalistes apportent des couches supplémentaires à cette proposition d’une grande intelligence. Également ancien professeur d’éducation physique, Yves Marc se permet une allusion à Mai 68 dans son espoir jadis de tendre vers une vision plus respectueuse des humains au lieu de la compétition et de l’élitisme qui ont teinté, selon lui, l’esprit sportif (mot, comme il le mentionne avec éloquence, dont l’anagramme donne profits). Sur une note plus poétique, il associe la marche au charme (autre anagramme bien trouvée). Les créatures politiques font leurs petits tours, avec entre autres Nicolas Sarkozy, la crise économique européenne et la Commission Charbonneau.
En première partie, Sylvie Chartrand du théâtre Omnibus et également plasticienne vidéaste, propose quant à elle Splendeur et misère d’une courtisane, un solo à des années-lumière de la sobriété d’Yves Marc. Elle est vêtue seulement d'une chemise blanche ouverte sur un corps, comme prisonnier d’un corset noir, et des bas en résilles qui retiennent ses cuisses aguichantes. Sa prestation se veut une réflexion sur le vécu et les angoisses d'une prostituée qui, autant dans ses souvenirs d’enfance que dans son «métier», recherche un amour vrai et incarné malgré une existence passée sous le joug de la séduction forcée et de la marchandisation de son anatomie. Sans déplacement, cette séquence de vingt minutes captive par sa construction d’une précision remarquable et redoutable avec la musique électroacoustique d'Yves Daoust et les voix féminines entendues hors champ. Bien que justes, les propos entendus sur les antagonismes entre la tendresse réelle et le pouvoir de la sexualité s’inscrivent dans un courant déjà exploré par des écrivaines féministes comme Virginie Despentes, ou encore Marie-Sissi Labrèche et l’incontournable Nelly Arcan.
Comme complémentarité, la soirée offerte par Omnibus à l’Espace Libre couvre les nombreuses dimensions du corps humain, autant la surface, l’intellect que les mondes intérieurs. La première partie Splendeur…séduit, mais Ce corps qui parle d’Yves Marc nous remue et nous renverse complètement.