Un homme noyé dans une dépendance pharmacologique multiple abandonne tout et s’enfuit sur les routes à la recherche d’un sens, d’une raison, de quelque chose. Il échoue sur la grève d’un motel d’autoroute. Chambre 1. Commence un séjour à mi-chemin entre la rédemption et la réhabilitation. Il rencontre peu à peu les naufragés qui occupent les chambres du motel autant de naufragés des différentes pathologies de nos sociétés occidentales en plein petroleum tremens. Ensemble, ils regardent la mer, déchiffrent le cri des mouettes et font face à leur vide.
EDEN MOTEL est une adaptation théâtrale du roman-fleuve éponyme écrit par Philippe Ducros qui sera édité l’an prochain à L’instant même. Cette adaptation sera créée en deux parties. La première, présentée du 1er au 19 avril 2014 à Espace Libre, sera un spectacle en soi, autonome. La deuxième partie verra le jour en 2015, dans un théâtre près de chez vous ! La démesure est au cœur même du projet, dans son fond comme dans sa forme. Une partition ample et variée, des personnages hauts en couleur, de la musique en direct, pour une forme plurielle et (d)étonnante qui rappelle l’obésité occidentale, la boulimie nord-américaine.
Section vidéo
Assistance à la mise en scène : Émilie Martel
Régie : Charlotte Ménard
Scénographie : Max-Otto Fauteux
Costumes : Romain Fabre
Éclairages : Thomas Godefroid
Musique : Ludovic Bonnier
Vidéaste : Jérôme Delapierre
Direction de production : Marie-Hélène Dufort
Direction technique : Caroline Turcot
Dramaturgie : Sara Fauteux
Chorégraphie : Line Nault
Billet régulier 32$
Billet 30 ans et moins 25$
Billet du Studio Espace Libre 24$
Forfait PréVoir 24$
JEUDI-DISCUSSION
Jeudi 3 avril, après la représentation de 19 h
ENTRETIEN THÉMATIQUE
Vendredi 4 avril, après la représentation de 19 h
Ce spectacle fut monté devant public lors des Chantiers du Carrefour international de théâtre 2013 de Québec - le 3 juin 2013
par Daphné Bathalon
Inspiré par ses expériences de voyage, de la Gaspésie au mouroir de mère Teresa, à Calcutta, Philippe Ducros a mis près de 10 ans à mûrir l’écriture de son roman-fleuve Eden Motel, à paraître en 2015. Des années à s’interroger sur le mal-être des Nord-Américains, qui vivent pourtant dans l’une des sociétés les plus riches de la planète. L’auteur et metteur en scène présente la première partie de son adaptation théâtrale jusqu’au 19 avril à Espace Libre.
Philippe Ducros a choisi pour camper son histoire un motel défraîchi en bord de mer, où une faune étrange tente de recoller les morceaux de leur être brisé par toutes sortes de dépendances (à la drogue, au sexe, à la performance, au besoin de sauver le monde ou même à la douleur). Son texte, divisé en neuf chapitres et quelques intermèdes chantés ou dansés, se penche sur les vies d’autant de personnages. Lestées par un poids dont ils ne parviennent pas à se débarrasser, ces épaves sont venues s’échouer là. Le motel est un véritable paradis déchu, oublié du monde, comme les âmes perdues qui y vivent, et où la lancinante question du bonheur, mirage impossible à atteindre, revient constamment couler les personnages. Dans cette Amérique en perte de repères et surmédicamentée, on se suicide à petit feu.
Avec Eden Motel, Ducros propose une partition superbe et franchement ambitieuse qui souffre malheureusement d’un manque de cohésion. Eden Motel s’avère en effet une proposition hétéroclite de 2h15 à laquelle on peine à se raccrocher; tout comme ses personnages, elle semble chercher ses repères. Baladé entre tragédie et humour noir, entre théâtre documentaire et lyrisme, le spectateur en vient à ne plus savoir où se situer.
Le spectacle part de ce qui semble être une thérapie de groupe pour plonger dans un roman noir avant de passer à un style narratif plus descriptif ou même au journal intime, comme si chaque chapitre possédait son style en soi, mais que rien ne les tenait liés. Portée par de belles idées et des paroles enfiévrées, et illuminée par une scénographie prometteuse (avec de magnifiques projections de méduses, entre autres), Eden Motel nous laisse pourtant en panne de souffle. Le metteur en scène alourdit sa prose par un carcan de faits et de statistiques froidement projetés en fond de scène sur les médicaments, la dépression et le suicide en Amérique et au Québec, et dont on ne sait trop en quoi ils servent le discours de la pièce. Au contraire, ils nous détournent du destin des personnages. La matière est très riche et les personnages intrigants, mais Ducros ne parvient pas à nous amener plus loin sous la surface des statistiques et des dénonciations.
Ressort de cette fresque noire la brillante distribution, au sein de laquelle on retrouve au premier rang Guillaume Cyr, récemment lauréat du Jutra du Meilleur acteur de soutien pour Louis Cyr. Son personnage, sensible et désespéré à la suite du suicide de son amoureuse dans leur voiture, décide de dévorer le véhicule morceau par morceau, dans une « métaphore mécanique d’un amour suicidé ». Cyr insuffle à son personnage une bonne dose d’humanité, sa souffrance est vibrante. Dans la peau de Moi, François Bernier touche lui aussi notre corde sensible, particulièrement dans cette scène à bord du cargo échoué au large, en face du motel, rempli d’immigrants clandestins. Signe indéniable de ce spectacle qui se cherche un ton, à côté de ces performances résolument dramatiques, on goûte à la performance chromée de Dominique Quesnel en transsexuelle nouvellement opérée et à l’humour cynique du narrateur, ici une mouette incarnée avec mordant par Sébastien Dodge, absolument irrésistible dans ce rôle de charognard emplumé. Le comédien reprend même parfaitement la gestuelle de la mouette. Son costume (veston et pantalon court blancs, et longs bas jaunes) s’avère d’ailleurs particulièrement inspiré!
Le spectacle recèle d’autres pépites du même genre. Ainsi en est-il de cette superbe scène où le ciel étoilé se reflète en miroir sur l’océan au-dessus duquel se tiennent Adam et notre antihéros dépressif, et de cette chorégraphie à la Bollywood, délirante, juste après la mort d’un clandestin anonyme. Il n’en est que plus dommage qu’elles se retrouvent noyées dans la proposition générale, bien trop éparpillée.