À tort ou à travers, on aime aimer!
On a tous aimé, ne serait-ce qu’une première fois. Pour certains c’en est une seule et dernière; l’éternel amour. Asselin, Bossé et Moreau pénètrent ces passions aveugles qui possèdent l’autre autant que soi-même, qui font violence et dévisagent. Amours fatales est un collage de trois pièces qui sonde les abysses psychiques de notre horde, humaine et charnelle.
Les héros raciniens sont les victimes de leurs passions exacerbées et incontrôlables, aimant quelqu’un qui en aime un autre, dont les furies vengeresses provoquent une succession terrible à l’issue fatale.
Jean Asselin, l’homme derrière l’adaptation et la scénographie de ces trois grands drames historiques, a conservé l’alexandrin pour ne pas altérer la fluidité musicale du langage qui a su si bien sonder les abysses psychiques de notre horde, humaine et charnelle.
S’il a également gardé le caractère exalté propre aux héros raciniens et les événements dramatiques, Asselin a, avec ses complices de toujours, Sylvie Moreau et Réal Bossé, choisi de camper les personnages et l’action, non pas, comme l’avait fait Racine, dans l’antiquité grecque, ottomane et romaine, mais dans la préhistoire, à la fin du XVIIe siècle et à notre époque actuelle.
Racine n’est pas actuel; il est de tout temps !
Ainsi, Andromaque(1667) où se joue la vérité des passions, évolue à l’ère préhistorique dans un carré de terre de 6 mètres par 6 mètres ; Bajazet (1672, année où Racine est élu à l’Académie française) où se multiplient passions impulsives et intrigues machiavéliques en plein cœur d’un palais à Constantinople, se déroule sur un carré de tapis persans de 5 mètres par 5 mètres ; et Bérénice (1670) où se révèle le deuil des sentiments, se passe sur un carré de marbre de 2 mètres par 2 mètres, symbolisant Rome aujourd’hui. Au fur et à mesure des scènes conjugales, le temps s’écoule, le territoire physique et mental se modifie, rétrécie, passant d’un vaste territoire à un salon moderne.
Les spectateurs, témoins oculaires des drames vécus par ces héros intemporels aux passions impulsives, encadrent l’aire de jeu, et, au centre se déroulent les trois histoires d’amour avec autant de perspectives historiques.
Section vidéo
Collaborateurs Yves Daoust, Judy Jonker, Mathieu Marcil
Billet régulier 32$
Billet 30 ans et moins 25$
Billet du Studio Espace Libre 24$
Forfait PréVoir 24$
JEUDI-DISCUSSION | 20 février, après la représentation de 19h
Avec l’équipe artistique | Animée par Jean Asselin
VENDREDI-ENTRETIEN | 21 février, après la représentation de 19h
Le crime passionnel | Mené par Paul Lefebvre, conseiller dramaturgique au CEAD
Production Omnibus le corps du théâtre
par Pascale St-Onge
Racine, le best of.
Omnibus, après avoir abordé l’œuvre de Shakespeare l’an dernier avec le spectacle FATAL !, s’attaque à un autre auteur classique, soit Jean Racine. Dans Amours Fatales, un spectacle qui comprend trois tragédies de Racine en versions abrégées, la compagnie Omnibus explore à nouveau le pouvoir qui fait face aux passions amoureuses destructrices.
Trois complices de la compagnie mettent chacun en scène l’une des tragédies : Réal Bossé monte Andromaque, Sylvie Moreau, Bajazet et Bérénice est montée par Jean Asselin. Chacune est résumée dans un délai d’environ 30 minutes, permettant de garder que les moments forts de ces longs textes. Toutefois, cette décision empêche le spectateur moins familier avec un de ces textes de s’y retrouver aisément.
Pour lier les tragédies entre elles, les metteurs en scène situent les comédiens dans trois époques et civilisations différentes. Le décor de base est un grand carré de terre ; à l’aide des éclairages et de quelques rares éléments de décor, ce terrain de jeu diminue son cadre de pièce en pièce. Ceci force un rapprochement des corps et une gestion de l’espace qui en révèle beaucoup sur chacune des tragédies et les relations qui les constituent. Charles Préfontaine incarne une espèce de maître de cérémonie qui joue entre le public, auquel il s’adresse pour aider à la compréhension de la fable dans un québécois souvent dérangeant et qui détonne trop du vers racinien, et les personnages, devenant leur confident ou remplaçant littéralement certains personnages manquants.
D’abord, Réal Bossé situe son Andromaque dans une époque aux allures préhistoriques. L’organisation de la société dépeinte dans la pièce rend la proposition anachronique, mais on accepte cette incohérence puisqu’elle permet un travail d’acteur intéressant qui rapproche les personnages de leur bestialité. Cette dernière nous permet un nouveau regard sur les passions destructrices et Andromaque devient, aux yeux de tous, une intruse au sein d’une tribu. Une proposition audacieuse, bien qu’imparfaite, qui offre un regard nouveau sur l’œuvre.
Bajazet, telle que proposée par Sylvie Moreau, est certainement des trois pièces la plus conventionnelle. Certes, le travail des corps est recherché et plus chorégraphique que les deux autres pièces et s’éloigne des mises en scène classiques de Racine, mais il n’y a pas de lecture de l’œuvre très particulière. Moreau nous situe en Orient, à Byzance, respectant exactement le contexte de la pièce. Bajazet est certainement la pièce qui souffre le plus des coupures de texte dans l’ensemble du spectacle.
Finalement, Jean Asselin nous offre une lecture très singulière et intéressante de Bérénice, la seule pièce de Racine qui ne se résout pas par la mort, mais plutôt par un refus de la fatalité habituellement occasionnée par les passions. Dans un contexte contemporain et un minuscule cadre scénique, chacun des quatre interprètes joue dans un petit espace qui lui est propre et qu’il ne partage pas avec les autres, telle la passion qu’on garde pour soi, thème principal de cette pièce. Dans cette dernière pièce, les interprètes se dépassent, nous transmettant une tension palpable et une passion refoulée et indésirable.
Dans l’ensemble du spectacle, la distribution nous livre une performance assez inégale. Kathleen Fortin (Hermione, Atalide et Bérénice) vole la vedette et prouve son grand talent de tragédienne. C’est avec intensité et justesse qu’elle prend la peau des plus grands personnages de Racine et c’est un véritable plaisir de la regarder jouer de la première à la dernière minute du spectacle. Autre coup de cœur de la soirée : Pascal Contamine incarne un Titus tout en puissance et subtilité à la fois ; nous partageons sa douleur et sa passion pour Bérénice, bien que refoulées. Pour le reste, Marie Lefebvre se débrouille, sans pour autant briller, et Gaétan Nadeau, dont on a pu apprécier le grand talent ailleurs, n’est pas à la hauteur et semble avoir grand mal à se mettre en bouche les vers ; c’est malheureusement toute sa performance qui en souffre.
Il s’agit donc d’un spectacle chargé qui contient de multiples imperfections, mais qui charmera les amateurs de l’auteur. Si, parfois, la proposition est audacieuse, elle est aussi plutôt simple à d’autres moments. L’ensemble semble vouloir pointer vers une preuve de l’universalité des thèmes de Racine : malgré le fait que nous ne mourrons pas de nos passions aujourd’hui, leur pouvoir sur nous demeure le même.