Après avoir revisité quatre siècles d’histoire pour y mettre en lumière notre rapport au climat et aux cours d’eau, les valeureux créateurs du NTE nous livrent l’ultime volet de leur fascinant triptyque théâtral avec Le pain et le vin. Ce nouvel opus se concentre sur la même période, de 1608 à 1998, pour y retracer l’évolution de nos mœurs alimentaires. Les estomacs sont aussi un enjeu politique !
À travers les brassages ethniques et les conjonctures des guerres impériales, l’alimentation au Canada français a été le reflet d’une ambivalence certaine : désir d’autarcie et ouverture au monde, crainte de la disette et gestion de l’abondance. Comment les premiers colons ont-ils survécu? Qu’ont-ils appris des premières nations et, qu’ont-ils ont rejeté?
Autour d’Émile de Brüning, conférencier invité de haut vol et spécialiste en alimentation (et de bien d’autres choses encore…), gravitent les personnages de Champlain, Lescarbot, Jehane Benoit, Brébeuf, Sioui, Mme Quintal, M. Rivera, Mlle Plourde et plusieurs autres. Un voyage échevelé – et décoiffant ! – au pays des herbes salées et de l’Annedda, l’arbre de vie.
Le Pain et le vin représente l’aboutissement d’une foisonnante et ambitieuse saga théâtrale, où se côtoient les envolées lyriques et musicales, les enjeux sociopolitiques et les scènes burlesques. Et rappelons-le, nul besoin d’avoir assisté aux deux premiers spectacles du triptyque pour plonger dans les intrigues et fréquenter la pléthore de personnages convoqués dans le volet final.
Éclairages Nicolas Descôteaux
Costumes
Judy Jonker
Vidéo
Yves Labelle
Scénographie
Michel Ostaszewski
Musique originale
Anthony Rozankovic
26 septembre
Vendredi-entretien
Entretien thématique - Le pain et le vin
2 octobre
Jeudi-discussion
Discussion avec les artistes - Le pain et le vin
Billet régulier 32$
Billet (30 ans et moins) 25$
Billet du Studio Espace Libre 24$
Forfait PréVoir 24$
Une production Nouveau Théâtre Expérimental
par Gabrielle Brassard-Lecours
De l’alcool au verglas
Le Nouveau Théâtre Expérimental clôture cet automne sa trilogie, « L’histoire révélée du Canada français, 1608-1998 », entamée il y a deux ans avec le dernier volet de la saga, « Du pain et du vin ».
C’est le thème de l’alimentation qui a été choisi afin de raconter ce dernier pan de l’histoire de la Nouvelle-France, qui commence avec Champlain et se termine avec la crise du verglas de 1998. On s’attarde cependant beaucoup plus à l’apparition de « l’eau-de-vie » pendant la christianisation des Autochtones et la révolte des patriotes que les années 80 et 90, sur lesquelles on passe plutôt rapidement.
Comme les opus précédents de la trilogie, qui couvrent de très grandes périodes historiques, la narration est toujours le plus grand défi dans cette épopée créée par Alexis Martin (texte) et Daniel Brière (mise en scène). Cette fois-ci, c’est à travers Émile de Brüning (toujours très bon Martin), « conférencier de haut vol et spécialiste en alimentation », que l’histoire nous est contée. Heureusement qu’il est là pour nous guider, car bien qu’il soit le fil conducteur des moments choisis pour nous raconter notre histoire, on s’y perd parfois un peu. Tous les événements marquants, comme la mort du frère Brébeuf, celle de Papineau, ou encore, l’évolution de notre alimentation, se perdent parfois un peu trop en métaphores alimentaires, thème auquel on tente constamment de nous ramener, parfois avec succès, parfois de façon plus malhabile.
On note cependant de belles trouvailles dans la mise en scène de Daniel Brière, qui arrive à condenser en humour et en créativité certains pans de notre histoire. Notamment, la bataille des plaines, d’Abraham, expliquée par Jehane Benoît, icône de la cuisine canadienne-française, sous forme d’une recette de soupe très alcoolisée. Le clin d’œil fait sourire. Ou encore, la mythique chanson « Tous les cris les SOS », de Marie Denise Pelletier, interprétée à la flûte à bec pour incarner les années 80. La plus grande partie de la trame musicale est d’ailleurs interprétée par les comédiens eux-mêmes, à la flûte à bec, ce qui sied aussi bien aux personnages autochtones qu’aux transitions historiques.
La distribution de comédiens et comédiennes expérimentés est impressionnante et semble avoir du plaisir à être sur scène ensemble. On remarque particulièrement Danielle Proulx en Jehane Benoit, hilarante, tout comme son assistant à l’accent latin, incarné par Steve Plante. Gary Boudreault livre un témoignage touchant et poignant de réalisme, en fin de parcours, qui incarne la fermeture de nombreuses tavernes montréalaises dans les années 80, endroits mythiques où se discutaient révolutions et autres sujets politiques à une certaine époque. La présence d’Alexis Martin en professeur qui s’ingère de toute sorte de façons dans le passé est appréciée, et on ne se tanne jamais de son humour absurde et intelligent.
On sent, surtout vers la fin, une précipitation dans la trame narrative et dans la mise en scène afin d’arriver en 1998, date promise de la fin de la saga annoncée il y a plusieurs années. Bien qu'imparfaite, Du pain et du vin est tout de même la pièce la plus accomplie des trois qui nous ont été présentées depuis 2012.
Comédiens plus accomplis, efforts d’originalité et d’humour subtil et bien dosé, la conclusion de la trilogie nous laisse sur une bonne note. L’Histoire (avec un grand H) n’est peut-être pas réinventée autant qu’on l’aurait souhaité, mais elle est certainement racontée sous un angle rafraîchissant, à la hauteur du Nouveau théâtre expérimental.