Au début, rien. Puis, une insulte gratuite lance un bal de dérives verbales venant de gens comme vous, assis autour de vous. Autant de petites lâchetés volontaires qui libèrent peu à peu le discours en un carnage de haine et de violence où seule la loi du plus fort règne. Tranche-cul du Théâtre en petites coupures est un miroir grossissant de la suprématie de l’éditorial. Le droit à tous d’avoir une tribune signifie-t-il le droit de tout dire sur la place publique? Comment discuter lorsque l’opinion de chacun est reine?
Spectacle attendu par le public et la critique, Tranche-Cul décortique avec éloquence la mécanique insidieuse de la violence verbale qui sévit largement sur la place publique.
Quinze comédiens dans une scénographie immersive porteront la parole virulente du jeune auteur dont le texte sera publié à la fin novembre chez Dramaturges Éditeurs. Ces messieurs et mesdames Tout-le-monde déversant lieux communs et propos fielleux sauront faire rire (jaune) les spectateurs.
Musique Jacques Boone//Benjamin Prescott La Rue
Costumes
Cloé Alain Gendreau
Éclairages
Vincent de Repentigny
Assistance et régie
Andrée-Anne Garneau
Photo Robert Desroches
5 décembre
Vendredi-entretien
Le droit à tous d’avoir une tribune signifie-t-il le droit de tout dire sur la place publique? Comment discuter lorsque l’opinion de chacun est reine?
Quelles sont les limites de la liberté d’expression?Invitée : Catherine Voyer-Léger, auteure, chroniqueuse et animatrice.
D’abord connue comme blogueuse, Catherine Voyer-Léger lançait en 2013 un premier ouvrage intitulé Détails et dédales (Hamac), un recueil de chroniques, et, en 2014, Métier critique (Septentrion), un livre qui dresse un portrait pertinent et virulent de la critique au Québec, s'interrogeant d'abord sur la mauvaise réputation de ce métier. Elle collabore aussi à plusieurs périodiques et projets collectifs en plus de tenir une chronique mensuelle au Journal de Montréal. Lectrice avide, elle est également directrice générale du Regroupement des éditeurs canadiens-français.
Seront présents : Jean-Philippe Baril Guérard ainsi que des interprètes de la pièce.
Animation : Paul Lefebvre, conseiller dramaturgique au Centre des auteurs dramatiquesPour pousser les réflexions, pour rebondir, sonder l’être humain, creuser notre chemin, notre histoire, Espace Libre vous propose des rencontres avec des spécialistes invités. Ces entretiens ont pour but de réfléchir ensemble aux thématiques qui traversent chaque œuvre.
11 décembre
Jeudi-discussion
Discussion avec les artistes
Billet régulier 32$
Billet (30 ans et moins) 25$
Billet du Studio Espace Libre 24$
Forfait PréVoir 24$
Une production Théâtre En petites coupures
Dates antérieures (entre autres)
Zone HoMa 2013
par Gabrielle Brassard
Tranche-cul, présenté jusqu’au 20 décembre à l’Espace Libre, est un véritable coup-de-poing réflexif sur nos jugements ; les nôtres et ceux des autres. L’art, les relations hommes-femmes, le racisme, la sexualité, les métiers, le jugement physique, le meurtre ; tout y passe, dans cette heure et demie d’enchaînement de dialogues invisibles. La nouvelle pièce de Jean-Philippe Baril Guérard ne laisse personne indifférent, et ses propos marquent l’esprit, même des jours après avoir assisté à la pièce.
Scène bilatérale toute en longueur, avec un mince espace au milieu pour circuler ; on se demande, d’entrée de jeu, comment les comédiens et comédiennes (une dizaine) pourront se déplacer dans un espace aussi restreint. On réalise rapidement qu’ils sont en fait parmi nous, se levant tour à tour soudainement afin d’entamer leur monologue. On ne sait jamais d’où ils surgiront, où ils iront et où ils finiront dans le public. Original et rafraîchissant comme mise en scène, également de Baril Guérard. On utilise également tout l’espace, de la scène à la salle, des balcons latéraux aux coulisses.
Dialogues avec des personnes invisibles, les comédiens fixent tout de même leur attention sur un spectateur ou une spectatrice. Certains rougissent, d’autres interagissent presque en réaction aux propos outrageux, néanmoins criant de vérité, des différents comédiens. Beaucoup de propos dérangent, comme les dialogues sur les juifs hassidiques d’Outremont, ou sur le consentement de certaines pratiques sexuelles, ou encore, parmi le plus choquant, celui d’un « angry white man » fâché contre les pratiques d’embauche qui favorisent l’emploi des minorités visibles.
Mais l’aspect le plus troublant dans Tranche-cul, c’est que si l’on s’offusque de certains propos, ils sont cependant probablement ce que pense véritablement une bonne partie de la population. Nous-mêmes nous nous identifions à certaines réflexions, même si nous n’oserions jamais les dire à voix haute. Qui aurait le courage, sans honte, de remettre en question l’aide humanitaire, ou encore d’avouer trouver laid et ne pas comprendre l’œuvre artistique d’un ami. C’est là la force du texte de Baril Guérard. Oser. Dénoncer. Crier haut et fort ce que plusieurs d’entre nous enfouissent au plus profond de nous-mêmes, de la manière dont nous jugeons les autres, même si parfois nous pourrions, au fond, être d’accord avec eux.
Les comédiens, au jeu un peu inégal, livrent tout de même, chacun à leur manière, une bonne performance, en mettant beaucoup d’émotion et d’intégrité dans leurs discours, malgré la portée de leurs propos, propos qui semblent parfois inconcevables par leur violence et leur inconscience. Anne Trudel, la comédienne principale du spectacle, s’avère en fait être le faire-valoir de presque la totalité des personnages. Celle à elle qu’ils s’adressent quand ce n’est pas aux spectateurs ; c’est celle qu’on dénigre à cause de son physique, à qui on annonce la mort, que l’on tente de convertir (Guillaume Tremblay en « preacher cheap » est de toute beauté). On aurait envie qu’elle explose parfois, qu’elle ait également quelque chose à dire, mais elle reste la victime des emportements des différents personnages, et ce, jusqu’à la fin.
Seul bémol, mais non négligeable, la scène finale, après une heure et demie de témoignages « rentre-dedans », laisse place à un discours sur notre place dans l’univers, notre petitesse, la relativité de notre existence, la course effrénée de la vie, les paillettes… un peu « mou » comme finale, comparée au reste du contenu de cette pièce coup-de-poing.