Vous avez raté vos cours d’histoire du théâtre ? C’est le moment de vous rattraper !
En décembre, le Théâtre de la LNI débarque à Espace Libre et s’attaque aux « classiques ». Chacune des représentations de cette série ludique, improvisées entre autres par Réal Bossé, Salomé Corbo et Anne-Élizabeth Bossé, vous plongera chaque soir au cœur des genres et des auteurs qui ont marqué l’art théâtral. De Shakespeare à Bertolt Brecht en passant par Tchekhov, la LNI explore par l’improvisation les styles dramatiques qui ont façonné cet art depuis des siècles. Attention, ici, pas de patinoire, de lancer de claques ou de pénalité. Vous ne serez pas appelés à voter, mais à vivre en direct l’expérience vertigineuse des acteurs improvisateurs en plein travail d’exploration.
Huit représentations et pas deux semblables. Venez en voir une ou venez les voir toutes ! En passant, c’est avec plaisir qu’Espace Libre accueille la LNI, qui a, tout comme lui, Robert Gravel pour père fondateur !
1- Tragédie grecque (10 décembre)
2- William Shakespeare (11 décembre)
3- Molière (12 décembre)
4- Anton Tchekhov (15 décembre)
5- Bertold Brecht (16 décembre)
6- Michel Tremblay (17 décembre)
7- Théâtre de l’absurde (18 décembre)
8- Théâtre romantique (19 décembre)
Section vidéo
Assistance à la mise en scène Sonia Montagne
Direction de production Ève Marchand
Une production Ligue nationale d'improvisation
Poursuivant le travail d’exploration entamé la semaine dernière à Espace Libre avec la tragédie grecque, Shakespeare et Molière, le Théâtre de la LNI s’attaquait cette semaine aux univers de Tchekhov, de Brecht, de Tremblay et du théâtre absurde, pour finir, samedi avec le théâtre romantique.
Rencontré par MonTheatre.qc.ca à deux représentations de la fin de l’exercice, François-Étienne Paré, le directeur artistique et idéateur (avec le critique et ancien arbitre Alexandre Cadieux), se dit heureux de la rigueur avec laquelle les comédiens travaillent les codes et le ton des univers étudiés. D’ailleurs, il n’hésite pas à dresser un bilan positif de l’événement, planifiant déjà de transmettre cet élan porteur aux autres joueurs de la ligue d’ici le début de la saison 2016. « On fait, depuis quelques années, des ateliers de ligue. J’en programme cinq et je demande aux joueurs de participer à trois. Parfois, c’est un atelier de mouvement, parfois de mise en scène, d’écriture ou de réflexion. » Ces ateliers sont pour les joueurs l’occasion de s’outiller et d’arriver davantage préparés sur la patinoire pour offrir un meilleur spectacle au public.
Avec La LNI s’attaque aux classiques, les concepteurs et joueurs donnent un aperçu privilégié de ce travail, qui se fait d’ordinaire en amont du match. C’est une incursion dans la tête de l’improvisateur, qui doit jongler avec des codes, des histoires, des univers, tout en écrivant, jouant et en faisant la mise en scène. La première partie de chaque soirée s’apparente à un long échauffement où les improvisateurs se familiarisent avec les outils à leur disposition dans un survol du style de dramaturgie explorée, et la seconde partie propose une démonstration souvent juste de la manière dont ces outils peuvent enrichir l’improvisation. Le public ayant assisté à cette préparation est alors en mesure de reconnaître les outils et les éléments abordés dans les exercices dirigés, et travaille d’une certaine manière avec les artistes en scène.
C’est particulièrement le cas les soirs où le travail se révèle plus difficile, comme lors du laboratoire sur Bertold Brecht. L’écriture du dramaturge allemand et ses thèmes, plus politiques, laissent en effet ouvert un grand nombre de possibilités, peut-être trop pour que les improvisateurs (Anne-Élisabeth Bossé, Salomé Corbo et Mathieu Lepage, qui remplaçait Réal Bossé au pied levé mercredi) parviennent à prendre rapidement des décisions nécessaires à la construction d’une improvisation réfléchie, qui irait au-delà d’une mécanique de codes. À l’inverse, la soirée sur Molière, jeudi, a semble-t-il été magique. « La Molière avait quelque chose de vraiment fou, de vraiment électrique », s’enthousiasme François-Étienne Paré. « L’histoire était bien ficelée, elle était drôle et [les acteurs] ont réussi à faire des clins d’œil à plein de choses qu’on avait vues en exploration sans sortir du ton. »
L’exploration de l’univers absurde de Beckett et d’Ionesco, au soir de l’entrevue, a également paru réjouir le public, qui s’est spontanément levé à la fin du spectacle. Des quatre soirées vues par MonTheatre.qc.ca, c’était certainement celle dont l’improvisation finale était la plus proche de la dramaturgie abordée. Jeux de langage, détachement des personnages tout de même attachés à une logique qui leur est propre, dérèglement du temps (les joueurs sont allés jusqu’à s’amuser avec le décompte de l’horloge), envahissement de l’espace, mais aussi une détresse, une certaine gravité face à une fin inéluctable ; tous les codes se sont joyeusement côtoyés dans l’histoire de ce spécialiste spécial et spécialisé qui finit enseveli, voire étouffé, par un monde de plus en plus tourné vers la généralité.
S’interroger sur les codes de la représentation, représenter un univers sans tomber dans les clichés, se questionner sur la pratique : les objectifs derrière les laboratoires originaux de La LNI s’attaque aux classiques étaient pour le moins ambitieux, mais, comme les comédiens et les concepteurs de l’événement le soulignaient eux-mêmes en discussion avec le public lors de la septième soirée : s’il faut se fixer un objectif, autant qu’il soit ambitieux, sinon on l’atteint trop facilement, trop vite, et il n’y a plus rien vers quoi tendre ensuite. Sans prétendre que ces soirées permettent d’étudier en profondeur différents genres théâtraux, elles ont le mérite d’ouvrir une fenêtre sur le travail des improvisateurs, qui semble parfois si facile et naturel lors des matchs de la coupe Charade.
Selon M. Paré, pour que la LNI continue d’évoluer même à l’approche de son 40e anniversaire (en 2017), il est important de continuer de questionner la pratique. « Ce qu’on essaie de contrecarrer [avec ces exercices], c’est des réflexes de survie. Quand on ne sait pas où on s’en va, quand on sent que l’improvisation est en train de se déstructurer, des fois on dirait qu’on abandonne. Ce que j’essaie de démontrer avec un spectacle comme celui-là, c’est qu’en respectant les codes, même s’il y a des moments où on se perd, c’est aussi plus riche. » Peut-on alors penser que d’autres ateliers et laboratoires hors patinoire auront lieu dans la prochaine année? « C’est très possible! » s’exclame en souriant l’improvisateur, qui prend néanmoins une pause de jeu cette saison, lui qui ne sera d’aucune équipe pour la coupe Charade 2016.
Au sujet de l’avenir incertain de la LNI, qui connaît des difficultés financières importantes depuis plusieurs années, François-Étienne Paré ne se voile pas la face. « On est fragilisé au point de peut-être ne pas s’en remettre. » Il demeure tout de même positif, se disant convaincu que les deux prochaines saisons sont assurées. De nouveaux partenaires se sont manifestés récemment pour la saison 2016 et semblent prêts à s’engager pour quelques années, ce qui pourrait alléger le fardeau financier que traîne actuellement la ligue et lui permettre de continuer à faire briller l’héritage de Robert Gravel et Yvon Leduc encore longtemps, on l’espère.
2015-12-19
Hybris, coryphée, catharsis… En plus d’impressionner au Scrabble, ces mots sont à présent familiers aux spectateurs qui ont répondu à l’invitation étonnante et intrigante de la LNI. De retour à Espace Libre jusqu’au 19 décembre, et en attendant le lancement officiel de sa saison 2016 (en février), la LNI s’attaque malicieusement aux classiques de théâtre que sont Shakespeare, Tremblay, Brecht, Molière, Tchekhov, mais aussi le théâtre absurde, romantique et la tragédie grecque. Un thème par soir.
Inspirée par les improvisations « À la manière de… », qui font les délices des amateurs et des joueurs depuis les débuts, ou presque, de la Ligue, La LNI s’attaque aux classiques souhaite poursuivre la réflexion entamée l’année dernière avec les laboratoires de la LNI sur la pratique du théâtre improvisé et sur les façons dont ses artisans peuvent la faire évoluer, et ce, loin des stéréotypes, de préférence, et des carcans dans lesquels les joueurs s’enferment eux-mêmes parfois.
Spectacle-laboratoire en deux temps, La LNI s’attaque aux classiques propose dans une première partie de décortiquer le genre théâtral ou l’œuvre de l’auteur choisi. En seconde partie, les comédiens reprennent les codes et les idées précédemment explorées dans une improvisation de 30 minutes. En bon professeur, Alexandre Cadieux (critique, chargé de cours, mais aussi ancien arbitre d’improvisation) se charge en premier lieu de décomposer le style dramaturgique de la soirée. Ses synthèses et présentations, très efficaces, permettent au public et aux improvisateurs de se familiariser avec, par exemple, les moteurs et la structure de la tragédie grecque ou les techniques employées par William Shakespeare dans ses drames.
Pour la première représentation de huit, les deux animateurs, François-Étienne Paré (aussi directeur artistique du Théâtre de la LNI) et Alexandre Cadieux, s’attaquaient à du lourd : la tragédie grecque. On doit beaucoup aux dramaturges Euripide, Sophocle et Eschyle, qui sont à l’origine du théâtre comme on le connaît aujourd’hui avec ses revirements de situation, ses dialogues, ses montées dramatiques et la chute de ses héros.
Guidés par François-Étienne Paré, les trois comédiens qui se prêteront au jeu tous les soirs, Réal Bossé, Anne-Élisabeth Bossé et Salomé Corbo ont donc d’abord exploré les composantes de la tragédie grecque par différents exercices. Malgré leur grande expérience, on les sentait très nerveux lors de la première, encore incertains du ton à adopter et hésitants à se lancer totalement. Il est bien rare de sentir les improvisateurs aussi nerveux, même lors des premiers matchs de la saison. Et ce n’était pas désagréable de voir ces routiers de l’impro se mettre de nouveau en danger, sortir de leur zone de confort… et de la patinoire.
C’est en deuxième partie de soirée que les comédiens ont vraiment repris pied dans l’univers familier de l’improvisation. En matchs réguliers, les longues improvisations permettent généralement aux joueurs de mieux structurer leurs histoires et de complexifier leurs personnages, voire de leur construire tout un passé. Les trente minutes d’improvisation sans coup de sifflet ou de gazou qui suivent l’entracte ne dérogent pas à la tendance. Le premier soir, les improvisateurs sont parvenus à intégrer de nombreux codes de la tragédie grecque dans une histoire émouvante (qui n’aura tout de même pas manqué de faire rire à quelques occasions), celle d’une reine qui a juré aux dieux de sacrifier son fils unique au jour de son premier anniversaire pour faire de nouveau couler l’eau dans sa cité et ainsi sauver son peuple.
On les sentait également beaucoup plus en confiance lors de la deuxième soirée, consacrée à Shakespeare, dont l’univers est sans doute plus connu. Comme le professeur Cadieux l’a dit lui-même en début de représentation, la dramaturgie de Shakespeare est une matière malléable. Avec pour seule arme sa langue et un esprit acéré, l’auteur plante le décor de son drame : l’espace, l’esprit du moment, la soif de pouvoir et les faiblesses humaines. On brise le quatrième mur, on joue avec les mots, on se déguise, se transforme, se contrefait : bref, Shakespeare se rapproche lui-même des concepts de l’exercice de style et de l’improvisation. Si bien qu’en deuxième partie de ce spectacle-laboratoire sur le grand auteur anglais, les comédiens ont valsé allègrement sur les ambitions de leurs personnages, des triplés au jour de la mort de leur roi et père, ainsi que sur leur jalousie et leur paranoïa qui ont mené directement au fratricide.
Tout au long de la soirée, les éclairages de Maxime Clermont-M. (qui improvise lui aussi, à la régie!) viennent discrètement appuyer les comédiens dans leurs histoires, et la musique proposée par François-Étienne Paré donne le ton à l’improvisation finale, comme le fait la musique d’Éric Desranleau en saison régulière.
Loin d’être uniquement didactique, la série La LNI s’attaque aux classiques réussit jusqu’à présent à proposer une analyse dramaturgique accessible, ludique et qui offre certainement un bon tremplin pour une étude plus poussée des grandes œuvres de la littérature théâtrale ou une relecture de ses classiques!
Les prochaines soirées :
- Molière (12 décembre)
- Anton Tchekhov (15 décembre)
- Bertolt Brecht (16 décembre)*
- Michel Tremblay (17 décembre)
- Théâtre de l’absurde (18 décembre)*
- Théâtre romantique (19 décembre)
*ces deux soirées feront l’objet de la seconde partie de cette critique.