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Du 7 au 21 décembre 2016
La LNI s'attaque aux classiques
Idéation François-Étienne Paré et Étienne St-Laurent
Animation et dramaturgie Alexandre Cadieux et François-Étienne Paré
Avec Réal Bossé, Salomé Corbo et Florence Longpré

La LNI s’attaque aux Classiques est un projet amusant, enrichissant, et spectaculaire. Chacune  des représentations plonge le spectateur au cœur du style et des codes qui définissent un courant théâtral ou qui régissent le travail d’un artiste connu. Quelles sont les fonctions des personnages de la commedia dell’arte ? En quoi l’œuvre de Michel Tremblay est-elle différente de celle de Réjean Ducharme ? Comment les mises en scène de Robert Lepage sont-elles structurées ? Pendant une heure de pure exploration, dramaturge et comédiens vous dressent un portrait des éléments-clés d’une œuvre classique. Ensuite, les comédiens se lancent dans une longue improvisation de trente minutes avec un tel respect envers l’œuvre explorée, que vous aurez l’impression d’assister à une pièce perdue, retrouvée ! Face au succès de la saison dernière, le Théâtre de la Ligue Nationale d’Improvisation nous revient pour 11 représentations et pas une semblable ! Venez en voir une ou venez les voir toutes !

7 décembre : Marivaux

8 décembre : Goldoni

9 décembre : Suzanne Lebeau

10 décembre : Tennessee Williams

13 décembre : Georges Feydeau

14 décembre : Evelyne de la Chenelière

15 décembre : Jean Racine

16 décembre : Marcel Dubé

17 décembre : Réjean Ducharme

20 décembre : Robert Lepage

21 décembre : Luc Plamondon 


Éclairage improvisé et régie Maxime Clermont-M.
Collaboration Étienne St-Laurent, Tania P. Viau et Aline Besson

Salle principale
Billet régulier 33$
Billet 25 ans et moins | Étudiant 26$

Studio
Billet du Studio Espace Libre 26$
Billet 25 ans et moins | Étudiant du Studio Espace Libre 22$

Forfait PréVente* 25$

*Soyez les premiers! Achetez vos billets avant le jour de la première et profitez du tarif PréVente valable pour les premières représentations. Quantité limitée.

Étudiants en théâtre 19$

Une production du Théâtre de la Ligue Nationale d'Improvisation


Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191 - billets.espacelibre.qc.ca

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Critique

Prolongeant l’expérience entamée l’année dernière, la LNI propose ces jours-ci une nouvelle série de laboratoires d’exploration dramaturgique. La LNI s’attaque aux classiques (où il ne s’agit pas de casser la gueule à Molière, comme aime le rappeler le directeur artistique de la LNI, François-Étienne Paré), ce sont trois joueurs (Réal Bossé, Salomé Corbo, Florence Longpré), un conseiller dramaturgique (Alexandre Cadieux) et un animateur (Paré) qui se penchent pendant une heure trente sur le style, les codes d’écriture et l’univers d’un auteur classique.


Soirée Marivaux - crédit photo : Brice Garcin

Nouveauté cette année : la LNI a sélectionné quelques auteurs du répertoire québécois, dont Robert Lepage, Réjean Ducharme, Évelyne de la Chenelière et Marcel Dubé. Peu de femmes dramaturges cette année (il n’y en avait aucune l’an dernier). Ces soirées d’improvisation didactique faisant un retour l’an prochain, on peut espérer voir apparaître au programme des Sarah Kane, Carole Fréchette, Caryl Churchill, Yasmina Reza, Pol Pelletier (si on s’éloigne du théâtre de texte) ou bien d’autres qui ont marqué la dramaturgie québécoise ou internationale.

La formule, inchangée par rapport à l’an dernier, a remporté un vif succès auprès d’un public en partie non consommateur d’impro en dehors du cadre du match, mais aussi auprès des enseignants en théâtre et en littérature (à qui on offre même un cahier pédagogique cette année). Elle permet en effet d’étudier plus concrètement les auteurs au programme. Elle permet aussi à la LNI, qui fêtera son 40e anniversaire en 2017, de retourner un peu à la source en redevenant un espace d’expérimentations et de prises de risques.

L’exercice est périlleux pour les trois joueurs, qui doivent parfois composer avec des auteurs qu’ils connaissent moins. La première partie prend la forme d’un exposé ludique du contexte historique de l’auteur, de son parcours, de ses œuvres et de ses procédés d’écriture. Les comédiens se prêtent à divers exercices d’improvisation illustrant les caractéristiques ou rouages principaux de l’écriture d’un auteur. Certains sont plus concluants que d’autres, mais il est intéressant de sentir le public complice des comédiens, attentif aux éléments techniques explorés.

La seconde partie, d’une durée de 30 minutes, est la présentation d’une pièce improvisée, si fidèle au style de l’auteur, nous promet Alexandre Cadieux, qu’elle semblera être une pièce authentique, perdue et retrouvée. Soutenus par la musique et les éclairages, eux aussi improvisés, et avec quelques éléments de costumes, les improvisateurs jouent des outils qu’ils viennent d’acquérir. C’est avec cette longue improvisation que se révèle tout l’intérêt du laboratoire pour la LNI, qui espère qu’en enrichissant ainsi les connaissances générales de ses joueurs, les improvisations (notamment les « à la manière de… ») feront plus qu’effleurer les grandes lignes d’un style. Il y a cependant encore loin de la coupe aux lèvres : lors d’une des discussions avec le public suivant les laboratoires, le directeur artistique de la LNI, François-Étienne Paré, a avoué que le transfert sur la patinoire n’est pas évident, car pour l’instant, seuls trois ou quatre joueurs par année participent aux laboratoires. De plus, l’échange salle-scène est compliqué par le fait que le public présent au match n’a pas nécessairement conscience des codes d’écriture auxquels les joueurs se réfèrent.

La formule laboratoire elle-même ne fait pas courir les foules. L’attrait exercé sur le public variant selon le nom de l’auteur auquel la LNI s’attaque. Ainsi, lors de la première semaine, la soirée sur l’auteure jeunesse Suzanne Lebeau, elle-même présente dans la salle (un luxe qu’on ne peut se permettre avec les Molière et Racine de ce monde, n’est-ce pas?), n’avait attiré qu’une cinquantaine de personnes. Pourtant, des trois soirées vues par MonTheatre, ce fut certainement la plus inspirante et émouvante. D’entrée de jeu, les trois comédiens ont avoué leur méconnaissance de l’œuvre, c’est donc l’esprit  grand ouvert que la soirée a débuté. C’est d’ailleurs la professeure de théâtre Hélène Beauchamp qui a présenté l’auteure et ses univers, avant qu’Alexandre Cadieux n’enchaîne avec le contexte historique et culturel bouillonnant des années 1970. Les sujets abordés par l’auteure sont sérieux : la guerre, l’inceste, la maladie mentale et physique… mais rien dans les exercices ou l’improvisation finale ne s’est révélé lourd. Tout comme dans l’œuvre de Lebeau, le ton et le traitement des thèmes nous ont transportés sur une pente plus poétique avec des personnages attachants et sensibles. L’improvisation finale racontait l’histoire crève-cœur d’une fille tentant de gagner l’affection de sa mère en remportant des compétitions sportives, ce qui a donné des scènes touchantes. « Si c’est après moi que tu cours, arrête […] Ta maman ne sait pas t’aimer. » Après la représentation, l’auteure s’est dite émue et a dit sur le ton de la plaisanterie qu’elle aimerait être capable de créer une pièce en 30 minutes.

La soirée Marcel Dubé, un peu plus populaire, mais pas de beaucoup, a permis d’explorer le théâtre réaliste des années 1950-1960, le sentiment de révolte habitant une certaine tranche plus démunie de la population, la misère morale de la classe bourgeoise et l’éternelle tension entre les générations. L’improvisation finale a aussi donné lieu à un très beau moment, malgré l’absence de décors et de costumes qui s’est davantage fait sentir pour cet univers très réaliste. Le public a eu droit à des affrontements entre un père bourgeois de la vieille garde devenu récemment politicien et sa fille étudiante en journalisme. Les comédiens ont même trouvé le moyen de glisser quelques références historiques qui ont fait sourire. Les relations familiales troublées entre le père, la fille et la mère malade ont été extrêmement bien explorées en si peu de temps. Malgré tout l’intérêt de cette pièce improvisée, c’est celle des trois vues qui a semblé le moins bien cerner l’univers de l’auteur.

Le lendemain, MonTheatre assistait à la soirée Réjean Ducharme (en présence ou pas de l’auteur, qui pourrait le dire?). Une soirée qui a mis un peu de temps à décoller, mais qui a fini en beauté sur trente minutes de jeux langagiers, de logique biscornue, de cruauté parfois, mais aussi de beaucoup d’humour et d’amour handicapé. Les premiers exercices ont permis aux comédiens de s’échauffer lentement et de s’étirer les muscles du langage et du cerveau. Avec eux, le public a exploré la langue, la logique du jeu, la notion d’espace clos (un des exercices les plus réussis), l’objet comme symbole, le besoin d’amour (et l’incapacité à aimer) et, bien sûr, la veine parodique, très utilisée par Ducharme pour ses œuvres théâtrales.

La LNI s’attaque aux classiques est un rendez-vous didactique toujours fort pertinent qui permet de revisiter ou d’enrichir ses propres connaissances du répertoire classique d’hier et d’aujourd’hui. Et cette deuxième saison laisse présager le meilleur pour son retour l’an prochain et pour la Coupe Charade 2017, qui commencera cette fois en janvier.

19-12-2016