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Du 5 au 20 mai 2017
La singularité est proche
Texte et mise en scène Jean-Philippe Baril Guérard
Avec Isabeau Blanche, Olivier Gervais-Courchesne, Mathieu Handfield, Maude Hébert, David Strasbourg, Anne Trudel

Un léger contretemps est survenu : Anne est morte, il y a quelques minutes. Elle sera de retour sous peu, le temps de se transférer sur sa copie de sauvegarde : quinze secondes, tout au plus, pendant lesquelles elle doit cartographier ses souvenirs, afin de s’assurer que la nouvelle Anne qui prendra le relais lui sera identique en presque tous points. Elle sera de retour très bientôt, si tout va bien : le transfert est une procédure d’usage. Mais évidemment que tout n’ira pas bien.

En s’inspirant librement de l’essai du même nom écrit par Ray Kurzweil, La singularité est  proche est un spectacle d’anticipation qui explore les formidables et inquiétantes possibilités qu’offrirait un monde dans lequel, au moyen de la machine, l’homme aurait vaincu la mort.

Le Théâtre En Petites Coupures a été fondé pour créer et diffuser des oeuvres de théâtre de création adressées à un public de jeunes adultes, et créées dans un processus collaboratif entre tous les artisans de la production.


ENTREVUE

Incertitudes entre humains et réalités virtuelles : entrevue avec Jean-Philippe Baril Guérard pour «La singularité est proche»

Dans La singularité est proche, dont il a signé la partition et qu’il dirigera ces prochains jours à l’Espace Libre, Jean-Philippe Baril Guérard se penche sur notre ère moderne qui valorise la performance et l’immortalité. L’histoire s’amorce avec une dénommée Anne, morte quelques secondes auparavant. Quinze secondes plus tard, exactement comme pour le fonctionnement d’un ordinateur, une copie de sauvegarde vient se substituer à la place de la fille, le temps de s’assurer que le nouveau «prototype» soit identique à la version originale.
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Chorégraphie Natacha Filiatrault
Assistance à la mise en scène Marjorie Quessy
Conception lumières Julie Basse
Scénographie et costumes Estelle Charron et Cloé Alain Gendreau
Conception sonore Olivier Gervais-Courchesne

Les représentations des jeudis 11 et 18 mai seront suivies d'une discussion avec les créateurs

Salle principale
Billet régulier 33$
Billet 25 ans et moins | Étudiant 26$

Studio
Billet du Studio Espace Libre 26$
Billet 25 ans et moins | Étudiant du Studio Espace Libre 22$

Forfait PréVente* 25$

*Soyez les premiers! Achetez vos billets avant le jour de la première et profitez du tarif PréVente valable pour les premières représentations. Quantité limitée.

Étudiants en théâtre 19$

Une production du Théâtre en petites coupures


Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191 - billets.espacelibre.qc.ca

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Critique

Dans un monde où l’homme n’aurait plus à craindre la mort, la vie vaudrait-elle d’être vécue ? C’est la question au cœur de La singularité est proche, sixième pièce écrite et mise en scène par le jeune Jean-Philippe Baril Guérard. Une création qui ramène brillamment la science-fiction sur les scènes de théâtre, et une façon de clore avec superbe sa saison 16-17 pour l’Espace libre, où la pièce est montrée jusqu’au 20 mai.




Crédit photos : Hugo B. Lefort

Le propos de l’immortalité et de ses conséquences n’est pas évident de prime abord, lorsque s’ouvre La singularité est proche, librement inspirée de l’essai du même nom du chercheur et inventeur new-yorkais Ray Kurzweil. Dans un décor évoquant une plage de sable noir, une jeune femme gît sur le sol, tout laissant croire que son corps a été rejeté par les vagues. Mais voilà qu’elle se réveille, abasourdie, et que dans un flash lumineux sa sœur, son compagnon et un ami du couple la rejoignent, comme si  tous s’apprêtaient à passer un banal week-end au bord de la mer entre trentenaires. La scène d’ouverture, rejouée une demi-douzaine de fois, maintient le spectateur dans une incompréhension amusée et la protagoniste, Anne, dans un flou inquiétant.

En réalité, ni Elise, la grande sœur angoissée, ni Olivier, le petit ami enjoué, ni David, l’ami célibataire au cœur brisé, n’existent. Ni même Bruno, l’ancien collègue de la compta, grande gigue lourdaude dont personne ne sait encore ce qu’il fait là. Ils ne sont que les souvenirs de ces derniers qu’Anne, allongée dans une chambre d’hôpital, est en train de « cartographier ». Nous sommes plus de 150 ans après notre ère et l’homme a réussi à dépasser la mort grâce à un processus permettant à chaque être de transférer sa personnalité dans un nouveau corps, quelques minutes après son décès. Comme l’on copierait le contenu d’une carte mémoire usée sur une toute neuve, en somme. La société se divise alors en deux groupes : les synthétiques, majoritaires, ayant une existence illimitée dans différentes enveloppes corporelles, et les organiques, résistant encore et toujours à ce délirant progrès technologique.

Vertige de l’immortalité

Au prétexte de rejouer les souvenirs récents de la morte pour que son avatar, également en scène, puisse s’en emparer, Jean-Philippe Baril Guérard déroule les heures précédant le décès d’Anne, qui réclame régulièrement des pauses au beau milieu de son transfert pour commenter ou contester les extraits issus de sa mémoire. À la façon d’un roman policier non dénué d’humour, les indices apparaissent et les pièces du puzzle s’emboitent. Ce transfert de « seulement 15 minutes », est-il si anodin ? Et Anne, sur qui toute l’intrigue repose, a-t-elle vraiment souhaité être ramenée à la vie, à cette éternité vertigineuse qui constitue désormais son horizon ?

Ce retour de Jean-Philippe Baril Guérard à l’Espace Libre, trois ans après y avoir présenté Tranche-Cul (2014), est une franche réussite, tant sur le plan de l’écriture, inventive et ciselée, que de la mise en scène. Les séquences évoquant les souvenirs, nimbées d’une lumière un peu trop artificielle pour être honnête, réservent de grands moments de rire en particulier grâce aux interventions de Bruno (Mathieu Handfield), fabuleux élément comique de la pièce. Celles, plongées dans une pénombre embrumée, où Anne prend conscience de sa condition, basculent lentement vers le drame et poussent à une réflexion fructueuse sur l’envers de nos avancées technologiques et sur la robotisation de la société. La direction d’acteur, impeccable, permet enfin à Anne Trudel, bouleversante dans sa tirade finale, de montrer toute l’étendue de son talent.

11-05-2017