De passage à Bamako, un couple d’agronomes experts canadiens subit d’étonnantes transformations au contact de la fabuleuse épopée de Soundiata Keïta, fondateur de l’empire du Mali qui, six siècles avant les États-Unis, prôna l’égalité et la liberté pour tous : « Une vie n’est pas plus ancienne ni plus respectable qu’une autre vie, de même qu’une autre vie n’est pas supérieure à une autre vie ». S’appuyant sur une forme théâtrale hybride et décomplexée où les arts maliens du conte et de la marionnette font écho au jeu enlevant des interprètes québécois et africains, la pièce Sounjata donne à penser que la réactivation d’un mythe permet d’aller à la rencontre de soi, par-delà les frontières culturelles.
Le mandat du Nouveau Théâtre Expérimental est non seulement de faire un théâtre de recherche et de création, mais de réaliser cette démarche d’une façon inusitée, en cherchant continuellement à remettre en cause les conventions et les habitudes ancrées pour retrouver une naïveté et une candeur. Cette cécité volontaire, cette indétermination désirée fait du NTE un espace de liberté unique à Montréal, et qui n’a pas son pareil.
Conception des marionnettes Yaya Coulibaly
Conception sonore et musicien Zakariae Heddouchi
Scénographie et costumes Virginie Chevalier
Éclairages Étienne Boucher
Jeudi 29 septembre : «Dan et Alex vous reçoivent» : talk-show expérimental après la représentation de 19h. Invités spéciaux, entrevues et confidences étonnantes, performances et moult spiritueux. Bienvenue à tous! (c’est gratuit et ça débute autour de 20h30).
Salle principale
Billet régulier 33$
Billet 25 ans et moins | Étudiant 26$Studio
Billet du Studio Espace Libre 26$
Billet 25 ans et moins | Étudiant du Studio Espace Libre 22$Forfait PréVente* 25$
*Soyez les premiers! Achetez vos billets avant le jour de la première et profitez du tarif PréVente valable pour les premières représentations. Quantité limitée.
Étudiants en théâtre 19$
Une production Nouveau Théâtre Expérimental en coproduction avec la compagnie Sogolon et Awaln’art
Figure à la fois historique et légendaire au Mali, le personnage de Sounjata, guerrier un brin philosophe et fondateur de l’empire malien, est un total inconnu au Québec. Ce n’est pas que les Québécois ne soient pas curieux (au contraire, ils étaient nombreux au soir de la première), mais aux yeux de la plupart, le continent africain baigne dans une réalité floue mêlant mythes, savane, guerres et images choquantes à la télé.
La cocréation Maroc-Mali-Québec présentée à Espace Libre ces jours-ci prend d’ailleurs bien soin de nous introduire à cette culture par l’intermédiaire de deux agronomes québécois (le toujours cynique à souhait Steve Laplante et l’attachante Karine St-Arnaud) envoyés au Mali pour prélever des échantillons pour le compte d’une multinationale. D’abord très peu intéressés, ils laissent peu à peu aller leurs résistances initiales et s’ouvrent à l’autre et à une conception différente de l’histoire.
L’arrivée de ces deux agronomes dans un petit hôtel de la ville de Bamako, où ils ne semblent pas attendus, sert en fait de prétexte pour plonger le public dans le récit mythique de la fondation de l’empire malien. Le spectacle commence vraiment lorsque l’homme espiègle à l’accueil de l’hôtel (fascinant Habib Dembélé) entreprend de raconter l’histoire de Sounjata, des péripéties qui menèrent à sa naissance jusqu’à sa prise de pouvoir. Et le conte, porté par Dembélé, nous transporte effectivement ailleurs, dans un monde où la frontière entre vérité et mythe fluctue, au grand dam de l’agronome incarné par Laplante.
Sounjata est habité par des personnages hauts en couleur auxquels donnent vie les marionnettes aux visages très expressifs et aux costumes traditionnels colorés conçues par Yaya Coulibaly. Jeunes guerriers ou chefs de guerre, femmes de pouvoir ou femmes qui le subissent, sorciers, sorcières et créatures, tous défilent sous nos yeux réjouis avec leur foi et leurs croyances. Les cultures africaines, majoritairement fondées sur une tradition orale, misent sur la force de la parole, et c’est également ce qui porte le spectacle mis en scène par Alexis Martin. Suspendus aux lèvres du conteur, les spectateurs découvrent en même temps que les deux Québécois sur scène l’extraordinaire histoire de Sounjata, tout en se laissant séduire par les nombreux traits d’humour du texte.
Toutefois, si le récit est captivant, le ton drôle et charmant et les marionnettes absolument magnifiques, on se demande un peu quel objectif poursuit le spectacle : le thème du choc culturel est évoqué, mais pas approfondi, celui du jeu de perception des réalités est joliment abordé par un bris du quatrième mur par Alexis Martin lui-même (suivi d’un échange hilarant avec un comédien en quête de réalisme), mais ce thème, comme le metteur en scène, finit rapidement évacué de la scène.
Malgré cela, impossible de sortir de la salle autrement que le sourire aux lèvres, et le cœur ravi par une histoire fascinante et par le talent de conteur des artistes.