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Dans la tête de Proust (pastiche, collage et fabulations)
Du 21 février au 17 mars 2018

« Juste par curiosité, levez la main ceux qui connaissent Marcel Proust et son oeuvre. Soyez pas gênés. Y aura pas d’examen et on vérifiera pas de toute façon… Bon. Que vous le connaissiez ou non, vous êtes peut-être au courant des préjugés existants sur la littérature proustienne : “ phrases interminables, descriptions vestimentaires superficielles, bourgeoisie de salon, émoi inutile pour un gâteau, petit garçon à sa maman, fabulations asthmatiques d’un homosexuel refoulé… Louis-Ferdinand Céline est hautement supérieur ; Balzac a fait bien mieux… ” Laissons Céline à sa nuit, et Balzac à ses statues. Allons plutôt au lit avec Proust, pour rencontrer les personnages pathétiques et spectaculaires de La Recherche du temps perdu. »


Texte et mise en scène Sylvie Moreau
Interprétation Jean Asselin, Bryan Morneau (en remplacement de Réal Bossé), Isabelle Brouillette, Nathalie Claude, Pascal Contamine


Crédits supplémentaires et autres informations

Concepteurs Ludovic Bonnier, Mathieu Marcil, David Poisson, Charlotte Rouleau, Suzanne Trépanier
Assistance à la mise en scène Laurence Castonguay Emery

Salle principale
Billet régulier >33$
Billet 25 ans et moins | Étudiant > 26$
Tarif PréVente * > 25$
* Soyez les premiers ! Achetez vos billets avant le jour de la première et profitez du tarif PréVente valable pour les premières représentations. Quantité limitée.
Étudiants en théâtre > 19$
** Vous êtes résident de notre quartier? Présentez-vous au guichet avec une preuve d'adresse (H2K) et obtenez un billet à 22$.

Une production OMNIBUS le corps du théâtre


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Critique disponible
            
Critique

critique publiée en 2017

À l’Espace Libre, Sylvie Moreau plonge avec son équipe chevronnée Dans la tête de Proust, unauteurpour lequel elle témoigne d’une affection soutenue au fil du temps. Cette intrigante proposition constitue l’une des plus grandes réussites pour la compagnie Omnibus depuis une dizaine d’années, et certainement l’une des rencontres marquantes de cette saison théâtrale.  






Crédit photos : Catherine Asselin-Boulanger

Par une heureuse récente coïncidence, la «découverte» des premières images mouvantes de l’écrivain mort il y a presque cent ans en 1922 dans un film de mariage a suscité une grande curiosité. Par ailleurs, tout récemment aux Bouffes du Nord à Paris pendant cinq soirées, le comédien Yves-Noël Genod a monté un spectacle autour des écrits proustiens intitulé La Recherche.  

«Longtemps, je me suis couché de bonne heure», peut-on lire dans l’incipit de Du côté de chez Swann, premier tome d’À la recherche du temps perdu (extrait entendu lors du dénouement du spectacle). Et couché, le romancier l’a été pendant huit ans à écrire et peaufiner son œuvre, devenue l’une des références de la littérature mondiale. À élaborer et à scruter ce temps infini, perdu et retrouvé, le dandy à la moustache finement dessinée développe son inimitable sens de l’ironie et de l’observation. Dans la tête de Proust se déroule dans cette chambre où l’homme alité côtoie certaines des figures qui peupleront les centaines de pages de son répertoire.

La création antérieure d’Omnibus, l’intéressante Plywood, un show sur le rough, n’harmonisait toutefois pas toujours les revendications d’une jeunesse après la crise étudiante de 2012 à une exécution scénique pleinement concluante. Précédemment, la production Amours fatales, constituée de trois tragédies de Jean Racine abrégées (Andromaque, Bajazet et Bérénice) ou encore le doublé de Ce corps qui parle demeuraient très réussis. Mais cette rencontre avec l’univers onirique de Marcel Proust explore encore avec plus de ferveur la matière théâtrale.

Pendant une heure et demie, la femme de théâtre réunit sur la scène ses fidèles partenaires d’Omnibus (Jean Asselin, Réal Bossé, Isabelle Brouillette, Nathalie Claude et Pascal Contamine). La pièce s’amorce avec une sympathique accompagnatrice (Brouillette) qui nous invite dans le «petit musée» de celui qui a révolutionné le roman contemporain. Alors que trône sur le sol les sept tomes d’À la recherche du temps perdu (dont Sodome et Gomorrhe), notre guide nous lance en plein visage des préjugés autour du créateur (ses phrases interminables, ses descriptions alambiquées, son asthme, sa fainéantise) avant de nous exhorter de laisser Louis-Ferdinand Céline à sa «nuit» et Balzac à ses «statues» (tous deux jugés alors supérieurs au protagoniste). Le décor très évocateur nous entraîne dans une chambre avec son lit et ses deux murs percés de cinq cadres, permettant aux différents personnages d’apparaître et de disparaître.

La plus étincelante surprise du travail de Sylvie Moreau vient du mariage harmonieux entre les différents registres, parfois antagonistes, mais qui fonctionnent ensemble parfaitement. Les scènes se suivent, mais possèdent toutes leurs couleurs distinctes. Les échanges entre le malade et sa gouvernante, la paysanne Céleste Albaret (Claude) (dont la publication de son témoignage, Monsieur Proust, nous montre un maître beaucoup plus tyrannique qu’ici) qui fut à son chevet jusqu’à sa mort, se révèlent empreints d’une grande tendresse. Peu de temps après, la rencontre entre Proust et un personnage issu de son imaginaire (le baron de Charlus, rendu avec un aplomb remarquable par Asselin) se traduit par une admirable séquence, alors que le jeu d’Asselin s’apparente autant au meilleur du mime que de la danse contemporaine (notamment lorsqu’il se tient en équilibre autour du lit de son «géniteur»). Lorsqu’ensuite des invités des salons mondains s’introduisent dans le lieu de création intellectuelle, nous assistons à des corps-à-corps sensuels (surtout entre les deux actrices). Plus tard, alors que nous entendons sur bande la voix du prosateur lisant un extrait dans une langue française des plus raffinées, les deux autres interprètes masculins se livrent à des déhanchements des plus triviaux. La metteure en scène conjugue avec fougue la pensée érudite et l’esprit rabelaisien. Du début à la fin, sa distribution démontre une superbe aisance, en plus de provoquer les rires et d’émouvoir.

L’aspect audiovisuel apporte beaucoup de tension et de beauté à cette production sensorielle. La conception sonore de Ludovic Bernier (à l’exception d’un passage bref d’une chanson en anglais dans les premières minutes) est prenante, surtout par les bruits de respiration saccadée du personnage principal. L’ensemble baigne dans des éclairages sublimes de Mathieu Marcil.
    
Si différents textes de théâtre se sont aventurés dans l’existence d’hommes et de femmes de lettres (comme Anaïs dans la queue de la comète de Jovette Marchessault, sur Anaïs Nin), ceux qui subjuguent autant que Dans la tête de Proust semblent plus rares. Avec cette réalisation, Sylvie Moreau s’est dépassée autant par la fidélité à son sujet que par ses nombreuses prises de liberté. La mémorable représentation s’adresse à toutes et tous, même aux néophytes de la plume proustienne.

26-02-2017
 

Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

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Dates antérieures (entre autres)

Du 21 février au 18 mars 2017 - supplémentaires samedi 11 et 18 mars à 16h - Espace Libre