Texte de Stéphane Brulotte
Mise en scène de Stéphane Brulotte (avec la complicité de Dominic Champagne)
Avec Benoît Brière, Gabriel Sabourin, Stéphane Breton, Lynda Johnson, Normand Lévesque, Pierre Limoges, Denis Roy
Le maître du monde est vaincu…
1814. L’Europe est secouée. Napoléon Bonaparte est forcé d’abdiquer et ses ennemis l’exilent sur l’île d’Elbe, au large de l’Italie.
Un jeune acteur anglais est envoyé sur l’île pour assassiner Napoléon. On le charge de s’introduire auprès de l’empereur et de l’empoisonner.
L’empereur déchu se confiera à son adversaire sur l’amour, la mort et la guerre. Confronté à l’homme, le jeune Anglais succombera au charisme du petit général corse et remettra même en cause ses projets d’assassinat. L’acteur se verra ainsi pris à son propre jeu. Napoléon est au courant de tout et le met au défi : jouer une dernière partie d’échecs au risque de sa vie et de celle de sa femme et de son enfant.
Une partie avec l’empereur, une comédie historique, où espionnage, perfidies et trahisons sont au cœur de l’intrigue. À l’occasion de cette ultime partie, se joue un drame intemporel : un simple sujet venu jouer dans la cour des grands et qui n’a qu’un but : débarrasser le monde d’un tyran sanguinaire. Les fantasmes ne sont-ils pas eux aussi… libérateurs?
Décor : Jean Bard
Costumes : François St-Aubin
Éclairages : Éric Champoux
Conception vidéo : Yves Labelle
Musique : Michel Smith
Accessoires : Normand Blais
Une production - Duceppe
Présenté en collaboration avec le Théâtre il va sans dire
Théâtre Jean-Duceppe
175, rue Sainte-Catherine O. - Place des Arts
Billetterie : 514-842-2112, 1-866-842-2112
par David Lefebvre
1814. Christopher Stevens, jeune comédien anglais nouvellement marié à une Parisienne et bientôt père, se voit dans l'obligation, sous la menace de deux hommes, d'aborder l'île d'Elbe et d’y assassiner à petit feu Napoléon 1er, qui y est confiné, selon le traité de Fontainebleau. Excellent joueur d'échec, Napoléon le remarque rapidement, et l'accueille immédiatement parmi son entourage. Mais Stevens, qui joue sa vie dans le rôle d'un lieutenant de la couronne anglaise, hésite de plus en plus. Alors qu'il croyait avoir la chance de tuer un dictateur sanguinaire, il est charmé par l'homme au quotidien. Napoléon, qui sait tout, se joue de lui, jusqu'à lui proposer un match final d'échec, à l'aveugle, contre sa vie et celle de sa famille.
Une partie avec l'empereur nous plonge dans un moment particulier de la vie de Bonaparte. Déchu par le Sénat, régnant sur une petite île sans importance, l'empereur est prisonnier à ciel ouvert. Il piétine, s'ennuie. Le jeu reste son seul plaisir, par les échecs qu'il affectionne particulièrement, mais aussi le mensonge, la perfidie, le petit espionnage, la trahison. Se jouer de l'ennemi, déjouer ses ruses : le texte et la mise en scène de Stéphane Brulotte, appuyé par Dominic Champagne, fait ainsi directement référence au jeu. La personnification de ce thème se matérialise aussi par le comédien anglais, narrateur de l'histoire, qui s’adresse aux spectateurs grâce à plusieurs apartés, et par l'amour que le bras droit de Bonaparte, Bertrand, porte à Corneille. Le théâtre est tout autant au coeur de ce récit (le contenu) que dans la création en tant que telle (spectacle). Le décor de Jean Bard ajoute au sentiment théâtral, grâce à de gigantesques rideaux, d'un côté rouge et de l'autre bleu, soutenus par des moulures de style Empire. La condition de «captivité en liberté» de Napoléon se fait aussi sentir dans cette scénographie presque vide, où seuls quelques sièges et un bureau remplissent la grande scène de la salle Jean-Duceppe. Le plateau rotatif est mis à contribution, permettant des déplacements et des changements de lieux sans effort.
Si la pièce se targue d'être une comédie d'espionnage, c'est grâce à ses moments d'humour, la plupart du temps réussis, mais qui frôlent parfois le boulevard ou la caricature. La présence de Benoît Brière en est peut-être la cause, directement ou indirectement. On perçoit rapidement son style, sa marque personnelle. Mais il arrive réellement à nous éblouir, dans ce rôle du monarque belliqueux, bourru et passionné, lorsqu'il s'emporte en discourant de la guerre, de l'amour et du pouvoir, et lors des instants plus tragiques. Un certain suspense pointe son nez à quelques rares moments, surtout lors de la dernière partie d'échec, où le monstre stratège sans pitié et l'homme politique ne font qu'un, face à un ennemi aveuglé, physiquement et psychologiquement atteint, qui lui tient pourtant tête sur l’échiquier. Gabriel Sabourin incarne l'assassin avec fragilité, toujours sur une corde raide. Lynda Johnson enfile la robe de la comtesse vengeresse Walewska et Denis Roy défend, parfois avec fierté, parfois de manière cabotine, le général Bertrand. Notons la présence sombre de Stéphane Breton en serviteur, celle moins impressionnante de Normand Lévesque en médecin, et l'apparition éclair de Pierre Limoges en Grand Commandeur de la machiavélique tentative d'assassinat. Le mot de Cambronne est sur-utilisé, et ce, par tous les personnages. À un point tel qu'il en devient un trait d'humour usé, prévisible.
Le fantasme d'écarter du pouvoir un être considéré par plusieurs comme despote, dictateur, par la ruse ou pire, l'assassinat, passe par la tête de milliers d'hommes et de femmes chaque jour. De là vient l'idée première de Une partie avec l'empereur, de Stéphane Brulotte. Le ton comique plaira à un large public, mais on ne peut s'empêcher d'imaginer le potentiel fabuleux de cette pièce si elle avait davantage capitalisé sur son côté «thriller» ou plus politique.