Texte de Serge Boucher
Mise en scène de René Richard Cyr
Avec Louison Danis, Michel Dumont, Benoît McGinnis, Adèle Blanchard
Dans 24 poses (Portraits), François Dubé se retrouve dans la cour arrière de son frère aîné; dans Là, il renoue avec le lieu de ses origines, le restaurant de son enfance; dans Excuse-moi, c’est chez ses parents, les deux êtres qu’il aime le plus au monde, qu’il nous invite.
À dix ans d’intervalle, François nous convie à deux temps forts dans la vie de son père et de sa mère là où ils sont le plus accablés, vulnérables, humiliés. La vie les a blessés; ils s’échappent du présent, chacun à leur façon. Comment conjurer le sort? Que reste-t-il une fois qu’on a tout perdu?
Lors de ces rencontres charnières d’une intimité profonde, cruelle, désarmante où François confronte ses parents, les masques tombent, les illusions s’envolent, les non-dits laissent la place à l’effroi d’entendre ce qui ne doit pas être entendu. Pourquoi François a-t-il cette terrible impression de toujours vivre, revivre la même scène? Comme si chez les Dubé un thème récurrent, un même motif se répétait inlassablement.
Quel enfant a envie de devenir le parent de ses parents?
Excuse-moi, une œuvre fascinante sur le temps qui passe et qui finit toujours par nous rattraper.
Décor : Réal Benoît
Costumes : Cynthia St-Gelais
Éclairages : Lou Arteau
Accessoires : Normand Blais
Une production - Duceppe
Théâtre Jean-Duceppe
175, rue Sainte-Catherine O. - Place des Arts
Billetterie : 514-842-2112, 1-866-842-2112
par Olivier Dumas
Serge Boucher a connu un véritable succès auprès de la critique et du public l’automne dernier avec Aveux, l’une des meilleures téléséries québécoises des dernières années. Pour son retour à la scène, il nous propose Excuse-moi, un drame poignant que met en scène avec une grande sensibilité René-Richard Cyr, son collaborateur habituel. Malgré une distribution inégale et certaines scènes moins convaincantes, il fait bon renouer avec l’univers d’un créateur de pièces remarquables comme Motel Hélène et Les bonbons qui sauvent la vie.
Le dramaturge reprend les personnages de la famille Dubé que l’on a découverts dans 24 poses (portraits). L’histoire s’articule autour du fils François (Benoît McGinnis), un écrivain et enseignant qui se retrouve dans la demeure de ses parents (Michel Dumont et Louison Danis), deux êtres avec lesquels les relations furent souvent orageuses. La pièce s’échelonne sur une période de dix ans. François se retrouve confronté à deux moments douloureux : ceux où la vie de son père et de sa mère est la plus accablée et où ils sont impuissants face au destin. Parviendra-t-il à devenir pour eux une sorte de parent?
Excuse-moi demeure l’une des œuvres théâtrales les intimistes de Serge Boucher, qui nous avait habitués à des distributions plus imposantes dans ses pièces précédentes comme Les bonbons qui sauvent la vie et Là. Sans se répéter et puisant dans ses thèmes familiers, sa nouvelle création offre davantage de moments rédempteurs. Les stigmates du passé sont toujours présents, mais on voit poindre un certain espoir. Le quotidien aliénant cède la place à une volonté de déchiffrer les erreurs pour se réconcilier avec la vie.
Les rôles du père et de la mère sont rendus avec brio par deux comédiens chevronnés. Sans tomber dans la surenchère, Michel Dumont atteint des moments de vérité d’un réalisme douloureux lorsqu’il traduit l’alcoolisme de son personnage. Louison Danis habite le mal de vivre de cette femme emmurée dans des abîmes de solitude avec tellement de conviction et une telle intelligence du texte.
Par contre, Benoît McGinnis déçoit par son interprétation du fils, faible en comparaison de l’intensité et de la générosité de ses deux partenaires de jeu. Souvent froide et détachée, sa composition empêche d’adhérer aux profonds dilemmes moraux vécus par son personnage. Ce constat est flagrant dans les passages où il se remémore ses souvenirs d’enfance qui auraient mérité plus d’émotions. Heureusement, son dernier échange avec sa mère, peu de temps avant le dénouement, constitue son meilleur moment où la fragilité, mieux sentie, devient plus émouvante et surtout plus incarnée.
Sans étonner, la mise en scène de René-Richard Cyr s’inscrit dans la continuité de son travail avec Boucher. Comme une bande dessinée, les deux décors qui représentent respectivement l’intérieur et l’extérieur de la maison familiale se déplacent latéralement sur le plateau de manière à rendre plus facilement lisible le déroulement de l’action.
Par contre, l’idée des retours en arrière avec le fantôme de la petite sœur décédée n’ajoute rien. Ces flashbacks n’éclairent que très peu la compréhension de l’histoire. Tout a été dit dans le texte des trois personnages sans avoir besoin d’utiliser des éléments surnaturels qui relèvent plus d’une certaine facilité décorative.
Excuse-moi, la nouvelle création du tandem Cyr-Boucher, qui, sans être l’une de leurs meilleures, comporte son lot de lucidité douloureuse et de moments poignants pour tirer quelques larmes, même chez les spectateurs les plus insensibles.