Du 28 octobre au 5 décembre 2009
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Une maison face au nordUne maison face au nord

Texte de Jean-Rock Gaudreault
Mise en scène de Monique Duceppe
Avec Pauline Martin, Michel Dumont, Marcelo Arroyo, Geneviève Bilodeau, Jean-Sébastien Lavoie, Harry Standjofski

Le temps passe et tout passe avec lui. Voici venu le temps de la vie où les vieux souvenirs remontent à la surface.

Que faire quand ce qui nous entoure fiche le camp, et que nous en faisons partie?

Anne-Marie et Henri habitent à Chicoutimi depuis toujours dans une maison face au nord.

Lui, le « roi de la montagne », petit entrepreneur usé par la routine et le travail manuel, père de trois enfants en qui il a mis toute sa fierté et qui l’ont déçu.

Elle, mère inquiète, femme infatigable, déterminée, qui a toujours su faire face aux vents contraires, véritable pierre d’assise de sa famille, cette « reine du foyer » que nous connaissons tous.

Le temps est venu de faire l’inventaire. Que reste-t-il de nos rêves les plus chers quand il commence à neiger sur l’hiver de nos vies?

Une maison face au nord, une pièce forte, une écriture directe et franche qui explore avec lucidité la détresse de cette race d’hommes que la vie a déçue et, surtout, le courage de cette race de femmes qui fait les pays.

Décor : Marcel Dauphinais
Éclairages : Luc Prairie
Conception vidéo : Yves Labelle
Musique : Christian Thomas
Accessoires : Normand Blais

Des entrevues avec les auteurs sont disponibles au
http://www.duceppe.com/multimedia/entrevues.asp

Une production - DUCEPPE

Théâtre Jean-Duceppe
175, rue Sainte-Catherine O. - Place des Arts
Billetterie : 514-842-2112, 1-866-842-2112

par David Lefebvre

Un homme et une femme, une ville familière, une maison face au nord, face au bout du monde. Une montagne qui n'en est pas une, où la première neige devient la fameuse seconde chance d'effacer nos traces qu'on laisse et de tout recommencer. Un pays qui nous échappe, un pays à bâtir seul, à admirer seul, un pays à perte de vue. Des enfants ingrats, qui oublient mère, père, patrie et héritage, qui s'enfoncent dans une futilité décevante, dans des pièges matériels. Des déceptions, beaucoup, des rêves, aussi. Et une humanité, gigantesque, aussi vraie qu'émouvante.

Une maison face au nord, de l'auteur Jean-Rock Gaudreault, berce notre âme et la bouscule par ses propos chargés d'émotions. Montée pour la première fois par le Théâtre de la Rubrique, à Jonquière, au début de 2009, la pièce fait son entrée à Montréal avec éclat. Texte sur la quotidienneté, l'honnêteté, la fierté, l'appartenance et l'héritage, il aborde merveilleusement tous les sujets qui nous touchent de près ou de loin, de l'immigration à la mort, en passant par la politique et l'amour de deux personnes «qui vont pas ensemble pis qui finissent par se battre contre le reste du monde». Le discours est savoureusement contradictoire, jouant avec les clichés, faisant exploser cette colère sourde et héréditaire qui nous habite tout un chacun. Dans cette douceur de l'ordinaire, il y a pourtant une fermeté et une sensibilité qui touchent autant l'esprit que le coeur.

Le personnage d'Henri, cet entrepreneur fatigué, qui profite de l'inventaire de son entrepôt pour faire celle de sa propre vie, souverainiste pur laine, bavard, colérique et attachant, est campé avec aplomb par Michel Dumont. Le défaitisme d'Henri, lors de ses réflexions, est sans équivoque : «Mon vieux, tout ce qui t'entoure est en train de sacrer l'camp, pis t'en fais partie.» Celui d'Anne-Marie, la femme au foyer, infatigable, douce, prévoyante, mais déçue, traînant une tristesse au fond d’elle de n’avoir que peu de nouvelles de ses enfants, est magnifiquement interprétée par Pauline Martin. Ces deux rôles sur mesure collent comme une seconde peau à ces comédiens au talent immense. La première partie de la pièce appartient à Henri ; il y fait la rencontre de Larry (Harry Standjofski), un anglophone francophile qui habite La Baie depuis 40 ans et qui devient, au fil de discussions houleuses, l'un de ses meilleurs amis. Puis, du Guatémaltèque Henriquez (Marcelo Arroyo), qui, lui, deviendra un de ses meilleurs ouvriers. Henri s'ouvre soudainement au monde, et arrive à faire réellement une petite différence. La seconde partie est assurément celle d’Anne-Marie. Pauline Martin joue avec naturel et nuance, puisant dans une gamme d'émotion tout aussi large que poignante. Elle est cette mère de famille qui, tout à coup, doit refaire son territoire, doit brasser les petits et qui veut laisser des traces impérissables dans la neige de la Vie.

La mise en scène de Monique Duceppe laisse totalement transparaitre cette humanité et toute la force des mots de Gaudreault. La réalité qu’il dépeint avec humour peut paraître banale, mais elle est d’une sincérité désarmante, d’une grande authenticité qui conquiert le public. Le décor est à l'image de cette ouverture qu'Henri expérimente. Ni mur ni toit ne s’y retrouvent; une cuisine rudimentaire se dessine côté jardin, un plancher de ciment occupe le côté cour et la butte blanche, promontoire et havre de paix d’Henri, emplit l’arrière. Un ciel bleu, serti de filaments de nuages, ferme l'arrière-scène. Les éclairages inondent tout l’espace ou isole quelques parties d’une lumière blanche, presque pure. Une petite neige nouvelle tombe, lentement, quand l’hiver se montre le bout du nez, grâce à une projection vidéo bien utilisée. L’ambiance musicale, par contre, est tragique, s'appuyant sur une mélodie piano-cordes qui dramatise trop souvent l'atmosphère entre les scènes.

Dans ce pays où l'hiver arrive toujours d'avance, où l’impression de tout perdre est omniprésente, où s’accrocher peut parfois signifier perdre pied, il y a cet amour qui unit tout, qui ouvre les yeux et le cœur, et qui maintient ensemble ce qui se désagrégerait. Que lègue-t-on, à présent, à la génération qui veut les rênes du pouvoir, comment transmet-on quelque chose qui ne nous appartient même pas? Comment avance-t-on vers l’inaccessible quand on arrive à peine à comprendre et à définir ce que nous sommes? Une maison face au nord est un texte fort, simple, touchant, et où le quotidien de deux êtres ne peut être qu’extraordinaire.

31-10-2009

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