Décor : Réal Benoît
Éclairages : Martin Labrecque
Accessoires : Normand Blais
Une production - Duceppe
Théâtre Jean-Duceppe
175, rue Sainte-Catherine O. - Place des Arts
Billetterie : 514-842-2112, 1-866-842-2112
par Olivier Dumas
La période des Fêtes a cette année la cote dans les théâtres montréalais. Entre la Revue 2010 et le pétillant boulevard Treize à table présentés récemment par le Rideau-Vert, une formule cabaret à l’Espace libre et la reprise du spectacle musical Noël 1933, le Théâtre Jean-Duceppe propose Minuit chrétien, une sarcastique comédie.
René-Richard Cyr a adapté le texte du dramaturge français Tilly aux réalités du langage et des traditions québécoises avec ses lourds secrets et ses vérités enfouies sous le boisseau. Avec une distribution imposante, il démontre son savoir-faire en tant que directeur d’acteurs dans une partition satisfaisante, mais que l’on aurait aimé par moment plus mordante.
La pièce se déroule la veille de Noël à Saint-Sauveur, une petite ville de banlieue dépeinte comme un lieu petit-bourgeois plutôt conservateur. Après un extrait de l’air de Minuit chrétien de Richard Verreault, une famille nombreuse s’apprête à festoyer lors d’un souper avec ses inévitables huîtres, foie gras, dinde et beaucoup de champagne. La soirée s’amorce dans la bonne humeur, mais une suite de malentendus fera tourner la réunion au vinaigre.
Le spectacle présente plusieurs des stéréotypes familiaux: le père macho porté sur la bouteille entre deux blagues sexuelles (Gilles Renaud), la mère naïve et protectrice (Michèle Deslauriers), la vieille grand-mère dont on veut se débarrasser après l’avoir dépouillé de ses biens (Adèle Reinhardt), le fils à l’homosexualité non avouée (Vincent-Guillaume Otis), la fille, une chipie vendeuse de bébelles (Émilie Bibeau), son mari étroit d’esprit et vulgaire (Bobby Beshro), la sœur snobinarde de la mère (Monique Spaziani) et son mari médecin coureur de jupon (Yves Amyot). À ce tableau, s’ajoutent l’amie accaparante de la famille, coiffeuse de profession (Chantal Baril), ainsi que la soi-disant copine du fils (Anne-Élisabeth Bossé).
Le public ne se retrouvera aucunement dépaysé devant une succession de clichés et lieux communs caractéristiques des comédies sur les conflits familiaux. Les moments cocasses fonctionnent parfaitement, en témoignent les réactions enthousiastes du public.
Pourtant, la transposition de René-Richard Cyr n’est pas sans faille, en raison notamment de certaines longueurs. Lors de la représentation médiatique, la première demi-heure tardait à décoller, souffrant d’un rythme trop lent qui se réajustera probablement au fil des représentations. Pour le dénouement, on sent que l’auteur a voulu étirer la sauce inutilement, diminuant ainsi l’intensité de la conclusion.
Pièce à personnages multiples, l’œuvre comporte des scènes en périphérie de l’action principale plus distrayantes qu’éclairantes. Certaines de ces situations, comme une grossesse non désirée, un scandale impliquant le père de la «copine» du fils ou encore la consommation de cocaïne, sont à peine évoquées sans s’insérer dans l’enchevêtrement des intrigues. Un meilleur dosage aurait permis un équilibre plus heureux entre les rires et la réflexion.
La plus grande qualité de Minuit chrétien demeure néanmoins sa capacité à faire rire devant ce miroir où se reflètent nos malaises collectifs et sociaux. Près de l’univers de Serge Boucher (auteur de prédilection du metteur en scène), les protagonistes préfèrent vivre dans le mensonge et la négation de la réalité, engouffrés dans un conformisme anodin.
La distribution se révèle d’une brillante justesse. Soulignons au passage la pimbêche rendue avec aplomb par Émilie Bibeau, la sœur prétentieuse de Monique Spaziani, l’aplomb d’Anne-Élisabeth Bossé et la prestance de Gilles Renaud dans son rôle de père à la fois pathétique et blessé.
Classique dans sa forme et son contenu, Minuit chrétien demeure une occasion idéale pour rire de nos travers avant de déguster le foie gras et la dinde arrosée de champagne.