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Du 8 avril au 16 mai 2015
Judy Garland, la fin d'une étoile
Texte Peter Quilter
Mise en scène Michel Poirier
Traduction Michel Dumont
Avec Linda Sorgini, Roger La Rue et Éric Robidoux

Nous sommes à Londres en 1968, la grande Judy Garland s’apprête à remonter sur scène pour une ultime série de spectacles. Âgé de 46 ans, elle est entourée de Mickey son dernier mari et de son fidèle pianiste Anthony. Ils agissent en réels cerbères afin de protéger la star du monde intransigeant de la planète Hollywood, et surtout d’elle-même et de sa propre démesure. Malgré sa forte dépendance aux barbituriques et un passé parsemé d’abus de toutes sortes, elle reste droite, fière et veut offrir au public une dernière chance de l’acclamer, coûte que coûte. On est bien loin de l’adolescente qui incarna Dorothy dans le célèbre film, Le Magicien d’Oz.

La pièce de Peter Quilter permet une réelle incursion dans l’intimité de cette battante, de cette femme courageuse, mais aussi fragile et instable. Un drame musical qui témoigne de la splendeur et de la vulnérabilité d’une des plus grandes stars américaines qui a connu un destin des plus foudroyants.


Section vidéo


Décor : Olivier Landreville
Costumes : Pierre-Guy Lapointe
Éclairages : Lucie Bazzo
Musique : Christian Thomas
Accessoires : Normand Blais
Assistance à la mise en scène : Geneviève Lagacé

Une production DUCEPPE


DUCEPPE
175, rue Sainte-Catherine O. - Place des Arts
Billetterie : 514-842-2112, 1-866-842-2112

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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : François Brunelle

Sur le plateau de Duceppe, l’étincelante Linda Sorgini et ses deux partenaires tirent leur épingle du jeu dans le peu mémorable Judy Garland, la fin d’une étoile.  

Écrite par Peter Quilter et plébiscitée par les critiques anglo-saxonnes dans sa version originale, la pièce relate quelques mois avant la mort de la star et mère de Liza Minnelli, son séjour à Londres dans une luxueuse chambre d’hôtel (qu’elle qualifie pourtant «de trou»). Le club Talk of the Town doit symboliser son énième retour sur scène, après des années d’échecs dont une tournée catastrophique en Australie et son congédiement du film Valley of the Dolls. Son futur cinquième mari et agent, Mickey Deans, l’accompagne, tout comme son dévoué pianiste, Anthony, qui la réconforte et la soutient à tout instant. En toile de fond se trament des changements socioculturels. La tradition d’une sorte de vaudeville et de la comédie musicale dont l’artiste constitue une égérie, cède le pas à de nouvelles modes (dont au courant peace and love). L’ancien monde s’éclipse devant un nouveau, plus bruyant.   

La compagnie de théâtre de la Place des Arts avait déjà monté une autre oeuvre de Quilter, soit La Casta Flore, un texte plus léger basé également sur une célébrité, soit Florence Foster Jenkins (interprétée par Pierrette Robitaille), reconnue comme « la pire chanteuse du monde ». Ce genre du répertoire interpelle toujours un large public, car il permet à une comédienne d’illustrer un large éventail d’émotions excessives, comiques pour Robitaille, mélodramatiques ici pour Sorgini. Les partitions souvent faiblardes compensent par des numéros d’actrices qui font leur «show», qui s’éclatent, qui sortent leurs tripes sans gêne. Par ailleurs, quand le personnage a bel et bien existé, l’identification de l’interprète à son modèle attire souvent la sympathie et mérite le respect.

L’existence tragique de Judy Garland constitue en soi une excellente matière pour une œuvre dramatique. Célèbre dès l’enfance et bourrée de pilules par sa mère, elle deviendra assez tôt une immortelle grâce au Magicien d’Oz et son hymne mainte fois repris, Over the Rainbow (entendu en tombée de rideau), ses mariages tumultueux, ses comportements erratiques de diva, son triomphe dans Une étoile est née, ses démêlés avec ses producteurs. Sa mort à l’âge de 47 ans en fait une star planétaire au même titre que Marilyn ou Elvis, notamment auprès des gais.  

Pourtant, certains de ces épisodes sont remâchés avec platitude, sans recul ou sans une mise en perspective nouvelle. La critique de cinéma Pauline Kael écrivait dans Chroniques européennes à propos de Providence d’Alain Resnais et de la langue du théâtre sur grand écran, qu’un « film qui sonne comme une pièce est pire encore (qu’une mauvaise pièce) ». On a l’impression ici de se retrouver devant un téléfilm d’après-midi, transposé à la scène avec le scénario éculé de la vedette claudicante qui échoue à chacune de ses tentatives de reprises en main et qui se permet les pires vices, surtout durant la première partie du spectacle. Après l’entracte, le ton devient plus juste, plus contrôlé et plus émouvant, malgré la chute inéluctable. La mise en scène aurait gagné à un meilleur dosage dans les séquences de tension, et à mieux lier les dialogues avec les numéros musicaux de la dynamique et toujours impeccable Linda Sorgini.


Crédit photo : François Brunelle

Un peu comme dans la pièce Les Leçons de Maria Callas de Terrence McNally, l’auteur se permet de dépeindre son sujet avec des phrases et des poses peu flatteuses (comme la scène où la vedette se retrouve à quatre pattes en imitant un chien qui jappe) ou des expressions très vulgaires sans ajouter une touche d’esprit. Entre l’adoration et la déconstruction de l’icône, il relate ses expériences sexuelles avec Vincente Minnelli (qui l’a dirigé dans quatre longs-métrages, dont Le Chant du Missouri), en plus de lancer quelques revendications peu subtiles pour les homosexuels (comme quoi, par fidélité, « les gais aimeraient même que leur idole vomisse sur eux », lance la chanteuse-actrice).

Fort heureusement, la distribution se révèle douée, et par moment fabuleuse. L’amant interprété par Éric Robidoux rend bien la sensualité et l’ambition opportuniste d’un gérant  souvent exaspéré devant les trébuchements de sa flamme célèbre. Roger Larue insuffle une ferveur touchante à cet assidu complice qui réconforte l’idole même dans ses périodes les plus noires. Sous les habits et la perruque de Judy Garland, Linda Sorgini compose une femme entière, féroce et fragile. Ses prestations chantées se démarquent par leur fougue et la ressemblance avec l’originale. L’audition d’immortelles mélodies de la musique populaire (The Man That Got Away) demeure toujours agréable pour les oreilles. Généreuse, l’actrice revient même donner un rappel vêtue d’une élégante robe rouge.

Aretha Franklin disait à propos de Garland: « This woman was soul personified ». Après deux heures entrecoupées d’un entracte, la production Judy Garland, la fin d’une étoile aurait dû nous faire sentir davantage, justement, cette âme et cette passion qui transcende son destin de naufragé imbibé d’alcool et de médicaments.

13-04-2015