Sophie s’enfuit. Récemment mise à pied, ébranlée, elle est hantée par des propos injurieux. Elle roule toute la nuit. Au matin, elle s’arrête dans un gîte du passant. À des centaines de kilomètres de chez elle, Sophie est accueillie avec bienveillance par un jeune chômeur et sa tante. Au cours de son séjour, l’alcool aidant, des liens se créent, les inhibitions s’envolent et la complicité s’installe entre la voyageuse et ses hôtes. Et si la présence de Sophie dans ce coin reculé n’était pas fortuite?
Ce thriller psychologique, grand succès de la dramaturge Catherine-Anne Toupin, entraîne les spectateur·trice·s dans une valse vertigineuse et enivrante. La pièce braque une lumière froide sur la cyberintimidation et la brutalité sexiste. Depuis sa création, La meute récolte les éloges unanimes du public et de la critique. Présentée à guichets fermés à La Licorne en 2018, la pièce reste d’une actualité troublante en cette ère de dénonciations sur les réseaux sociaux.
Texte Catherine-Anne Toupin
Mise en scène Marc Beaupré
Avec Guillaume Cyr, Catherine-Anne Toupin, Lise Roy
Crédits supplémentaires et autres informations
Décor, accesoires et costumes Odile Gamache
Lumières Julie Basse, Étienne Boucher
Musique Alexander MacSween
Conception vidéo Antonin Gougeon-Moisan / HUB Studio
Assistance à la mise en scène Marie-Hélène Dufortt
Durée -
Tarif 53$
Une production La Manufacture
critique publiée lors de la création en 2018
Dire que la nouvelle pièce de Catherine-Anne Toupin était très attendue serait peu dire. Dix ans après la création par La Manufacture de sa pièce À présent, qui a connu un vif succès aussi bien au Québec qu’au Royaume-Uni, l’auteure et comédienne frappe fort avec La meute, une histoire percutante et une prise de parole essentielle et exigeante.
Une femme, Sophie (Catherine-Anne Toupin), a roulé toute la nuit, dans ce qu’on devine d’abord être une fuite pour sa survie. On la rencontre au moment où elle cogne à la porte du gîte tenu par Louise (Lise Roy) et son neveu Martin (Guillaume Cyr). Elle y trouve refuge, et entre eux s’établit une relation étrange et spontanée.
Sans trop en dire, car une partie du plaisir à découvrir cette pièce est de voir les morceaux du casse-tête tomber en place, le thriller psychologique La meute se joue des perceptions : qui est victime, qui est bourreau, qu’est-ce qui relève de la vengeance ou de la cruauté, et surtout, qui manipule qui? La pièce nous sort de la conception habituelle des personnages masculins et féminins et des rapports qu’ils entretiennent. L’esprit du spectateur demeure ainsi constamment en éveil, attentif aux éléments de l’intrigue, sensible à la trame émotive complexe qui constitue les personnages.
Aujourd’hui, Internet en général et les réseaux sociaux en particulier sont devenus le lieu par excellence pour déverser sa colère ou sa haine de tout ce qui ne fait pas partie de notre groupe d’appartenance, dans un flot ininterrompu de commentaires, d’opinions, de jugements ou même de condamnations. Et Catherine-Anne Toupin le transcrit avec une grande justesse dans La meute. Son écriture incisive est bien servie par une mise en scène juste ce qu’il faut d’angoissant, signée par Marc Beaupré. La violence omniprésente dans les propos rapportés par la jeune femme rôde aussi en permanence dans les ombres qui encerclent les personnages. Grâce aux éclairages de Julie Basse et d’Étienne Boucher, ombre et lumière sont d’ailleurs découpées au scalpel. Ils jettent à l’occasion une lumière tranchante en direction des spectateurs dont chacun a sans doute fait partie d’une meute d’un genre ou d’un autre à un moment dans sa vie. C’est humain, viscéral, ce besoin de se regrouper pour être plus fort, quitte à se créer une menace contre laquelle se dresser.
La meute rassemble un trio d’acteurs de talent au sein duquel Guillaume Cyr se démarque tout particulièrement. Il livre une performance renversante dans un rôle difficile à défendre; son jeu nuancé fait ressortir autant la vulnérabilité que la colère de son Martin. Impossible de juger son personnage sans juger également les autres. Face à lui, Catherine-Anne Toupin manie à merveille son texte dans une parole parfois syncopée à l’extrême.
Avec sa nouvelle pièce, Toupin nous enfonce le nez dans la fange vaseuse du Net, à la fois écœurante et fascinante. Son écriture fine saisit bien la teneur du discours ambiant et cette violence qui s’immisce partout au point de devenir une sorte de petit terrorisme du quotidien, que plusieurs balaient encore du revers de la main, sous couvert d’humour, de liberté d’opinion et du droit de tout dire.
La meute, qui s’inscrit parfaitement dans le mouvement de ras-le-bol et de volonté de reprise de contrôle #moiaussi, expose et questionne le vacarme constant de cette colère érigée en mode d’expression, mais sans porter de jugement; la pièce n’en a qu’une plus grande résonance.
Dates antérieures (entre autres)
La Licorne
Du 16 janvier au 17 février 2018, supplémentaire les dimanches 28 janvier et 4 février à 15h
Autre série de supplémentaires : Du jeudi 7 juin au samedi 16 juin, mardi au vendredi à 20h,
samedis 16h et 20h
Du mardi 21 août au samedi 1er septembre 2018, du mardi au samedi à 20 h
Du 29 octobre au 23 novembre 2019, du mardi au jeudi 19h, vendredi 20h, samedi 16h
Supplémentaires les samedis 2, 9, 16 et 23 novembre à 20 h
+ Tournée 2018-2019