Du 24 février au 7 mars 2009, du mardi au samedi 20h,
matinée le dimanche 1er mars à 15h
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Tshepang

Text and Direction / Texte et mise en scène : Lara Foot Newton
Actors / Interprétation : Mncedesi Shabangu, Kholeka Qwabe

Tshepang est le récit bouleversant d’un fait divers qui a ébranlé l’Afrique du Sud en 2001. Dans un petit village, six hommes furent accusés du viol brutal d’un enfant de neuf mois nommé Tshepang. Il s’avéra plus tard que ces hommes étaient innocents et que le véritable coupable était un proche. Mais la boîte de Pandore était ouverte. La médiatisation de ce crime eut pour effet de révéler des centaines d’histoires similaires. Avec 20 000 recensements de viols d’enfants par année, on commença alors à parler d’une véritable épidémie. Lara Foot Newton, auteure et metteure en scène, s’est rendue en 2002 dans ce petit village pour en apprendre plus sur le contexte social et psychologique qui peut mener à de tels événements. Visuellement inventive, Tshepang est le portrait d’une ville coupée de son propre coeur par la pauvreté, une pièce humaine et sensible qui se garde bien de tomber dans l’horreur graphique ou le jugement rapide.

Scenography, Figurines and Objects / Décor, figurines et objets : Gerhard Marx
Lighting / Lumière : Wesley France
Assistant to the Director / Assistance à la mise en scène : Leila Henriques
Research Assistant / Assistance à la recherche : Bheki Vilakazi

Une présentation La Chapelle
Une production Maurice Podbrey pour Mopo Cultural Trust

La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

par Daphné Bathalon

De combien d’histoires d’horreur ayant lieu sur le continent africain a-t-on entendu parler? Combien de meurtres, de viols, de morts à chaque heure du jour? Pour aborder ce sujet sur une scène à Montréal sans verser dans le pathos, Le Théâtre La Chapelle a fait l’heureux choix de donner la parole à une artiste d’Afrique du Sud, Lara Foot Newton. Auteure dramatique et directrice de théâtre, Newton propose, avec Tshepang, une pièce sombre d’où perce un faible espoir, celui que représente, après son viol, la survivance d’un bébé de 9 mois.

Inspirée d’un fait divers qui a secoué l’Afrique du Sud en 2001, la pièce raconte la suite de l’histoire, ce qui s’est passé après que la tempête médiatique consécutive au viol soit retombée et que les gens du village aient repris le cours de leur vie. Un homme, Simon, a recueilli la mère du bébé violé, qu’on a rebaptisé Tshepang (espoir en tswana). Elle n’a pas dit un mot depuis qu’elle a appris le sort de son enfant il y a trois ans. Accusateur, Simon dénonce l’attitude des villageois, leur absence de réaction, leur silence et leur manière de vivre. Il dénonce aussi ce qui a causé la déchéance de ce village et l’a mené à la honte : l’alcoolisme, la violence, le chômage. « Ce village a été violé il y a longtemps » déclare-t-il. Lui-même lutte pourtant contre sa pauvreté, son envie d’aller boire à la taverne, comme les autres, pour oublier et passer le temps. Si on ne sort pas trop abattu de la salle du Théâtre La Chapelle, c’est un peu grâce à Simon, habile conteur, un peu naïf, mais généreux de paroles. Grâce à son humour parfois grinçant, à sa franchise et à ses réflexions, on garde espoir.

Mncedisi Shanbangu incarne ce narrateur qui nous apparaît d’emblée sympathique et très dynamique. En quelques répliques efficaces, Simon trace le portrait des villageois, de Ruth (Nonceba Constance Didi), de la situation sociale, de la misère des ouvriers désoeuvrés et alcooliques et des filles-mères. Il s’agit d’une communauté, comme l’explique Simon, coupée de son propre cœur par une extrême pauvreté. Le mot « viol » met longtemps à surgir, mais il finit par tomber et c’est alors un déluge de paroles chez Simon. De son côté, Ruth se déplace comme un fantôme dans l’espace : ses mouvements sont mécaniques, son regard est absent et son esprit, déconnecté de la réalité. Pour tout dire, on frissonne en entendant la colère dans les paroles de Simon et en voyant le désespoir catatonique de Ruth.

Matériaux et costumes traduisent la pauvreté des lieux : un lit en fer, un tas de sel blanc, un village miniature fait de boîtes en bois, quelques vêtements en piteux état. Simon peuple le village de ses sculptures qu’aucun touriste ne vient lui acheter, tandis que Ruth, juchée au sommet de la montagne de sel, écume son chagrin en silence, raclant le sol et le sel de ses mains. Le son ainsi produit est, à certains moments, assez fort pour supplanter la voix du narrateur. Il y a là une puissante métaphore de la douleur silencieuse, mais monstrueuse ressentie par la mère. Par ailleurs, la scénographie de Gerhard Marx mise beaucoup sur ces images : comme celle de la mère trimballant sur son dos, plutôt que son  bébé, le lit sur lequel il a été violé.

Du village, on ne verra rien; du drame, on verra tout. Dans une scène poignante, imagination et économie de gestes nous font finalement assister au viol : on reste saisi et secoué. Newton voulait créer une pièce qui soit comme une amorce de guérison. Tshepang est un guide qui montre le chemin à emprunter, non pour comprendre les 20 000 viols rapportés chaque année en Afrique, mais pour recommencer à vivre et à aimer.

02-03-2009

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