OFFTA - 4-5 juin 19h, 6 juin 2010 13h30
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ChroniquesChroniques
Max, Bérénice, Clichy

Textes de Emmanuel Schwartz
Mises en scène : Emmanuel Schwartz, Alice Ronfard, Jérémie Niel
Avec Marc Beaupré, Monia Chokri, Pascal Contamine, Émilie Gilbert, Francis La Haye, Ève Pressault, Mani Souleymanlou

Chroniques, c’est Maxquialesyeuxsortisducoeur, Béréniceadeuxsoeursquines’aimentpas et JeneconnaispasClichy,maisjem’ensuisfaitbeaucoupdeclichés, trois pièces d’Emmanuel Schwartz. Chroniques, c’est l’écriture comme cicatrice, les mots comme cerfs-volants, la digression comme survie, la phrase comme lieu d’introspection.

« Chroniques c’est le fond du fond du baril, là je me suis retrouvé, face au monstre, mille monstres dégueulasses mais que j’aime, mais qui me flattent mais qui me gênent, au fond, qui me gênent et dont j’ai honte mais qui me sont, ils me sont, ces monstres. Ils me sont. Et par eux, j’ai commencé à désapprendre à écrire pour commencer à parler. Voilà, mon état chronique, voilà, encore, Chroniques. »

Autour de ses textes, de son univers en décalage, le jeune auteur/acteur/danseur/musicien Emmanuel Schwartz, qui met lui-même en scène la première chronique, Max, a réuni deux autres metteurs en scène.

Alice Ronfard, forte de sa longue expérience sur les plus grandes scènes du Québec, s’attaque à Bérénice. Jérémie Niel, qui s’est fait remarquer avec ses créations à l’esthétique radicale, s’occupe de Clichy. Chroniques est une coproduction Abé Carré Cé Carré Compagnie de création et Pétrus. Abé Carré Cé carré, fondée par Wajdi Mouawad et Emmanuel Schwartz a produit Littoral, Incendies, Forêts et Le Rapécédaire. Pétrus, en résidence permanente à La Chapelle, a été fondé par Jérémie Niel et a produit La campagne, Son visage soudain exprimant de l’intérêt et Tentatives. Un projet polygame, multiforme et transgénérationnel, une coprésentation pour un spectacle à trois têtes, brut, urbain, un peu énervé.

Scénographie, costumes et accessoires : Julie Measroch
Lumière : Alexandre Pilon-Guay
Environnement sonore : Francis La Haye

Une coprésentation et une coproduction Abé Carré Cé Carré compagnie de création et Pétrus
Créée en résidence à La Chapelle

La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

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dates antérieures

Du 24 septembre au 10 octobre 2009, mardi au sam. 19h, La Chapelle

par Aurélie Olivier
cette critique pourra aussi être lue dans l'édition d'octobre 2009 du Sans-Papier, journal de la Télé-Université
www.teluq.uquebec.ca/journal/


Crédit photo : yulphoto.ca

Depuis l’arrivée de Jack Udashkin à sa direction artistique, le Théâtre La Chapelle connaît un véritable renouveau, proposant des spectacles audacieux et n’hésitant pas à accueillir de temps à autres des artistes venus d’ailleurs. Les amateurs de théâtre devraient certainement surveiller ce qui s’y passe cette année et le feront d’autant plus facilement que le théâtre de la rue Saint-Dominique est maintenant doté d’un site Internet fort complet (http://lachapelle.org).

Le second spectacle de la saison, Chroniques, réunit trois textes d’Emmanuel Schwartz, déjà bien connu comme danseur pour ses prestations dans les spectacles de Dave St-Pierre et comme comédien pour ses rôles dans Forêt de Wajdi Mouawad, dans la nouvelle mouture de Littoral (présentée au festival d’Avignon l’été dernier et tout récemment au Centre national des arts d’Ottawa) et dans L’Énéide d’Olivier Kemeid.

Les trois textes de Schwartz ont en commun de donner vie à des personnages écorchés vifs, qui croulent sous le poids de leur héritage familial et parlent une langue abrupte traduisant la violence du monde dans lequel ils vivent et leur difficulté à communiquer avec leurs semblables. Voilà une nouvelle voix déjà pleine de personnalité et qui a assurément beaucoup à dire.

Dans Maxquialesyeuxsortisducoeur, que Schwartz a choisi de mettre en scène lui-même, on découvre Max, un adolescent vivant dans un univers poétique peuplé de dragonnes aux yeux bleus, qui a tendance à se confondre avec la réalité. Le texte est violent, foisonnant et n’hésite pas à superposer les récits et les époques. La mise en scène traduit la perte de repères de vies qui sentent le brûlé, d’individus auxquels les mots ne suffisent plus pour exprimer le fond de leur pensée. Les protagonistes s’aspergent de liquides divers, se couvrent le corps de paillettes, s’enroulent dans du plastique, déchirent des mètres de papier brun. Autant dire que le spectateur ne sait plus où donner de la tête, face à des comédiens dispersés aux quatre coins de la scène et parlant tous en même temps. Si ce désordre bruyant est quelque peu désagréable, il traduit toutefois bien le sentiment de noyade qu’éprouvent manifestement les personnages, parfois à la limite du délire. Monia Chokri y adopte la posture voutée et l’œil vitreux d’une adolescente en mal d’être, prête à se laisser guider par le premier venu, tandis que Marc Beaupré incarne avec verve un Max au bord du gouffre.

Béréniceadeuxsoeursquines’aimentpas, qui avait été présentée à la 6e édition du Festival du Jamais lu en 2007, est mise en scène par Alice Ronfard. Ève Pressault, seule en scène à l’exception d’un guitariste, fantôme de son amour passé, y livre une performance absolument bouleversante. Voilà une comédienne que l’on aimerait voir plus souvent sur nos scènes. Ici, elle incarne Bérénice, une jeune femme qui part à la découverte d’elle-même par un périple sur les lieux de son passé. « On survit à nos familles comme on survit à une pluie de couteaux pas de parapluie : plein de cicatrices », lance la jeune femme en quête d’identité après que tout ce qui faisait son quotidien a disparu. La mise en scène de Ronfard, faisant la part belle à la pénombre, repose sur trois espaces distincts délimités par des carrés de lumière et investis tour à tour. Des caméras vidéo dédoublent l’image de Bérénice en la projetant sur le mur du fond, comme si elle était devenue spectatrice d’elle-même. Sur le sol, des cahiers éparpillés dans lesquels la défunte mère de Bérénice a consigné sa vie au jour le jour. L’histoire de Bérénice, on l’apprendra par bribes, certains éléments demeurant à jamais inexpliqués pour cause de disparition des personnes concernées. Encore là, la souffrance et l’incommunicabilité nous sautent au visage et continuent de nous hanter après la fin du spectacle. Un moment marquant.

JeneconnaispasClichy,maisjem’ensuisfaitbeaucoupdeclichés, mis en scène par Jérémie Niel, présente deux histoires parallèles qui finissent par se rejoindre. Côté cour, Marc Beaupré s’illustre et nous fait rire dans le rôle d’un Québécois en visite à Paris sur les traces de Bernard-Marie Koltès, tâchant de se convaincre par un bavardage incessant que tout va pour le mieux. Côté jardin, à moitié dissimulé derrière un filet noir, un homme au bord de la crise de nerfs incarné avec brio par Mani Souleymanlou, tape sur un flic ligoté sur une chaise et menace de le tuer. Ici, point de bavardage, mais de l’ombre, des silences, des halètements amplifiés et beaucoup de jurons. La variation sur le thème bourreau-victime, plantée dans ces cités françaises où la violence fait loi, est certainement la moins intéressante de tout le spectacle, dégageant des airs de déjà-vu, mais le traitement qu’en fait Niel est toutefois séduisant. Son recourt à l’amplification des sons prouve une fois encore son efficacité pour nous faire découvrir une dimension que nos yeux, rendus inefficace par la pénombre, ne peuvent appréhender.

27-09-2009

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