« Le monde, y en ont rien à crisser que ma fille soit morte, pis c’est normal. Moi, dans ‘vie, tout ce que j’ai de besoin, c’est que le monde m’aime, pis que ça soit l’fun, that’s it. Pas d’aller souffrir sur scène. Chus pas un ostie de personnage! »
Docu-fiction retraçant la naissance et la mort d’un enfant, Beauté, chaleur et mort fait l’autopsie d’un couple plongé dans l’abîme du deuil. Poème viscéral dédié à ceux qui furent frappés par la foudre et qui se sont réveillés, un beau jour, au milieu des débris de leur vie, étonnés d’être toujours vivants. Ce spectacle est une pièce de résilience, une preuve d’amour, une chanson militante. En fait, il est tout à la fois : récit, témoignage, humour et questionnement... Et tout ça, pour dresser l’inventaire de ce que nous sommes devenus.
Projet MÛ est une compagnie de création théâtrale fondée en 2006 par Nini Bélanger. La compagnie privilégie un fonctionnement par cycles qui lui permet d’explorer sur une plus longue période un sujet, un auteur ou un mode de production. Après avoir conclu un premier cycle avec la pièce Endormi(e), présentée la saison dernière à La Chapelle, la compagnie inaugure avec Beauté, chaleur et mort son nouveau cycle portant cette fois sur la perte et le deuil.
Assistance à la mise en scène : Manon Claveau
Scénographie et accessoires Julie Vallée-Léger
Lumière David-Alexandre Chabot
Environnement sonore Nicolas Letarte
Cartes Prem1ères
Date Premières : 18 au 26 janvier 2011
Régulier : 26$
Carte premières : 13$
Une présentation et une production de Projet MÛ
La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738
par Olivier Dumas
Avec Beauté, chaleur et mort, la compagnie théâtrale Projet MÛ expose la douleur du deuil d’un nouveau-né. Qualifiée d’hyperréalisme par le couple formé dans la vie par Nini Bélanger et Pascal Brullemans au lever du rideau, la pièce brise habilement les frontières entre la fiction et la réalité.
En pénétrant dans la salle du Théâtre La Chapelle, nous voyons sur la scène une famille discutant dans la bonne humeur. Un père, une mère, un adolescent et une fillette font visiblement abstraction des spectateurs qui un à un prennent place. Pendant que les lumières se tamisent, les deux enfants quittent la scène pour les coulisses. L’homme, Pascal Brullemans, s’avance et se présente comme dans le théâtre brechtien. Dramaturge (il a écrit entre autres deux très bonnes pièces présentées au Théâtre de Quat’sous, Corps étrangers et Chasseurs) peu doué pour jouer la comédie (selon ses dires), il raconte le drame vécu par lui et sa conjointe, la metteure en scène Nini Bélanger, qui ont perdu une petite fille peu de temps après sa naissance. D’une durée de 90 minutes, le récit s’amorce sur la conception de la disparue pour se conclure sur l’acceptation de son départ.
En cette époque où la téléréalité occupe le haut du pavé auprès des spectateurs du monde entier, de par son sensationnalisme pervers et son penchant voyeur disséquant les faits les plus abrutissants, la production surprend par son traitement respectueux d’un sujet lourd et délicat. Même si les deux protagonistes dévoilent leur histoire sans fausse pudeur, le propos se révèle éminemment sincère. Un propos qui profite d’une rigueur malgré ses allures de simplicité. Il suffit de quelques passages, comme l’arrivée à la guérite de l’urgence d’un hôpital ou les appels téléphoniques pour une crémation, pour faire comprendre au public la pertinence du travail du Projet MÛ. La sobriété du texte et de la mise en scène s’inscrit parfaitement dans l’esprit de ce «réalisme extrême», sans renier les exigences d’un théâtre que l’on pourrait qualifier de documentaire, évoquant les films de la grande cinéaste québécoise Anne-Claire Poirier.
Quelques accessoires, dont une table de cuisine, un fauteuil et une machine distributrice (qui rejette même à un moment les pièces de monnaie), suffisent pour récréer aussi bien la maison familiale, l’hôpital et le lieu de travail de Pascal Brullemans. Par ailleurs, la conception sonore de Nicolas Letarte surprend toujours par son accentuation des bruits récurrents du quotidien, conférant une dimension encore plus réaliste au propos.
Le soir de la première, il manquait un peu d’assurance au couple pour porter leur témoignage à la dimension émouvante souhaitée. Surtout au début de la représentation, le public perdait certaines répliques de Brullemans en raison d’un léger manque de projection de la voix. Cette même situation s’est reproduite à quelques reprises lors d’échanges sur le ton de la confidence, dialogues qui gagneraient à être plus audibles. Heureusement, la pièce Beauté, chaleur et mort trouve rapidement son rythme et son élan pour témoigner d’une tragédie humaine difficile à oublier.
Bien que certains spectateurs aient toujours des réserves à l’égard de l’approche documentariste au théâtre, cette nouvelle création de Nini Bélanger et Pascal Brullemans saura en toucher plusieurs par la sincérité de la démarche.