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Du 15 janvier au 23 février 2008,
supplémentaires : 2, 9, 16 et 23 février à 15h

À présent

Texte de Catherine-Anne Toupin
Mise en scène de Frédéric Blanchette
Avec Éric Bernier, Monique Miller, David Savard, François Tassé, Catherine-Anne Toupin

Récemment installés dans leur nouvel appartement, Alice et Benoît essaient tant bien que mal de retrouver une certaine quiétude après une période difficile. Mais le jeune couple devra faire face à des voisins de pallier aussi singuliers qu'envahissants : la famille Gauche. Au départ plutôt sympathique, le vernis ne tarde pas à afficher de nombreuses craquelures pour le moins dérangeantes dans le tableau de famille offert par Gilles, Juliette et François, leur fils de 35 ans. S'immisçant insidieusement dans la vie, les désirs secrets et l'intimité d'Alice et Benoît, ce trio peu conventionnel à bien des égards bouleversera à tout jamais leur existence.

Récipiendaire du Prix spécial du jury Françoise-Berd attribué par le Fonds Gratien-Gélinas, À présent est le deuxième texte de Catherine-Anne Toupin. On lui doit aussi L'Envie, créé par le Théâtre ni plus ni moins, compagnie qu'elle a cofondée avec ses acolytes Frédéric Blanchette et François Létourneau.

Assistance à la mise en scène : Marie-Hélène Dufort
Décor : Olivier Landreville
Costumes : Marc Senécal
Éclairages : André Rioux
Musique originale : Yves Morin
Accessoires : Patricia Ruel
Maquillages : Angelo Barsetti

Crédit photo : Roline Laporte

Une production du Théâtre de La Manufacture

La Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

 

par David Lefebvre

Avec À présent, Catherine-Anne Toupin signe son deuxième texte pour le théâtre, après L’Envie. L’univers hitchcockien et du film noir semble encore beaucoup inspirer l’auteure et comédienne. Elle raconte ici l’histoire d’Alice (Catherine-Anne Toupin) et Benoît (David Savard), couple marié depuis 3 ans, qui ont perdu récemment un enfant en bas âge. Alice entend toujours l’enfant pleurer dans sa tête, et lutte contre le besoin d’aller vérifier dans la chambre si tout va bien. Ils font un jour la connaissance de leurs voisins de pallier, la famille Gauche, formée de Gilles (François Tassé), Juliette (Monique Miller) et du timide François (Éric Bernier). Bien qu’au départ sympathiques, les voisins deviennent carrément envahissants. Juliette veut tout voir, obnubilée par le logement, et Gilles n’a surtout pas la langue dans sa poche, imposant les décisions aux autres par des questions imparables. Leur présence bouleversera à jamais l’univers d’Alice et de Benoît.

Explorant les coins et recoins sombres de la nature humaine, À présent nous plonge dans un monde irréel répondant à sa propre logique, au fond des noirs désirs qui sommeillaient à l’intérieur des personnages, faisant soudainement irruption et les gardant sous le joug de ceux-ci : pulsions de curiosité, de domination, de sexualité. Alors que la jeune femme tente de raviver le désir chez son partenaire, elle qui sent un besoin sexuel inassouvi frustrant lui fouetter le corps, il ne pense plus qu’à sa mère qu’il n’a pas connue, pensée liée à cette voisine qui a perdu un enfant. Leurs recherches intimes les poussent vers des situations appelant l’interchangeabilité. Chaque scène, qui nous entraîne davantage vers l’intrigante fin, se succède dans un réel suspense parfois absurde, parfois érotique, mais de plus en plus déstabilisant. Les dialogues sont directs; personne ne se gêne vraiment pour dire ce qu’il pense, même si le propos est totalement blessant ou déplacé.

Crédit photos : Marlène Gélineau Payette

Évoluant dans un décor d’appartement très réaliste, conçu par Olivier Landreville, et sous les éclairages d’ambiance d’intérieur d’André Rioux, les comédiens offrent une prestation absolument convaincante. David Savard en jeune docteur et bon mari, ne rêve plus que de retrouver une mère perdue; par les actes libertins de Juliette (toujours excellente Monique Miller), il finit par se retrouver carrément sous ses jupes. François Tassé interprète avec mystère le magistral Gilles Gauche, ancien chercheur qui, en imposant ses propres réflexions sur des questionnements embarrassants, arrive toujours à ses fins, qui par hasard pointent vers Alice. Catherine-Anne Toupin joue cette Alice, visiblement dérangée, bouleversée par les changements absurdes que les événements récents occasionnent, pour arriver à ne même plus s’interroger sur ceux-ci, jusqu’à la crise finale. Éric Bernier nous offre un François au départ timide, enfant délaissé par ses parents qui lui préfère le benjamin décédé, mais qui finit tout de même par imposer sa présence indirectement chez le couple voisin.

Frédéric Blanchette, complice de longue date de l’auteure, connaît parfaitement et apprécie beaucoup l’univers de la jeune femme – et ça se sent. Sa mise en scène et sa direction d’acteur rappellent aussi le style du film noir ou encore Harold Pinter (auteur qu’il a monté à plus d’une reprise), dans lesquels les scènes s’imbriquent lentement les unes dans les autres, laissant place à l’interprétation, grâce aux silences et aux dialogues qui ne répondent pas toujours à tout, pour former une étonnante histoire de désirs refoulés, d’intense folie, de dangereuses liaisons, où la peur pousse inexorablement vers un inconnu tout aussi étrange qu’attirant. Alors que certaines d’entre elles sont teintées d’humour noir, d’autres sont passablement surprenantes, voire perturbantes. La réalité déraille alors peu à peu, pour nous bercer entre fantasme, inconscience et réalité.

20-01-2008