Mise en contes : Harry Standjofski
Auteurs : Yvan Bienvenue, Josée Bilodeau, André Ducharme, Danette Mackay, Greg MacArthur, Marie-Ève Perron et Harry Standjofski.
Avec Joël Marin, David Boutin, Sébastien René, Linda Roy, Emmanuel Schwartz, Marie-Ève Perron et Didier Lucien
Chaque année, les Contes urbains reviennent dans une édition originale nous parler de la ville, d’une ville, de notre ville. La seizième édition de ce qui est devenu un incontournable rendez-vous d’avant Noël ne fera pas exception. La ville dans le temps des fêtes demeure le thème central de cet événement à caractère festif regroupant plusieurs contes interprétés par différents comédiens.
December 11, 12, 13, 19, 20 at 8 PM - english version of Les contes urbains
DO YOU REALLY WANT TO HURT ME?
By Harry Standjofski and Danette Mackay
Told by Danette Mackay
A passing smile while Christmas shopping brings back a memory – if not to say awakens
an old secret – that a woman does not yet want to share with her curious daughter…
A TAIL TALE ART
By Greg MacArthur
Told by Patrick Costello
Easy money often comes at another price: a young street artist, answering a newspaper
ad, learns this lesson all too well in this twisted tale.
SHE STOOD STOCK STILL
By Josée Bilodeau
Told by Marcel Jeannin
We all regret not having reacted upon witnessing an injustice. And if the opportunity to
repair the error came by, what would you do? React? Be a hero?
M’SSIEU DOUGLÂSSE
By Yvan Bienvenue
Told by Chip Chuipka
We tell stories sometimes knowing that they’re just jokes, for a laugh - we all need laughs
in our lives. Sometimes, though, we’d like to think that our stories serve to… help us
reshape our world. It also happens that - maybe less often but it happens - that the tales
we tell are not stories to reshape the world; rather stories of watching it dissolve. Tales of
anonymous misery unwritten in the great book of history - because the world is too busy
revolving to bother with every goddamn detail of every goddamn story.
MAKEOVER
By Marie-Ève Perron
Told by Amanda Kellock
For the first time, Christmas dinner at her house! Everything is well planned, there will be
no surprises. Oh, yes, there will be. Surprise after surprise. And those who bring surprise
“gifts” never know how they will be received. At this disastrous family gathering, ‘tis
definitely better to give than to receive.
MY SISTER EATS BALLS
By André Ducharme
Told by Graham Cuthbertson
The warmest stories are those wherein we recognize ourselves. And the coldest, those we
wish we had never heard. Maybe, like this story, a story to make you hesitate before
answering an unexpected doorbell. And if you do recognize yourself in this story… turn
yourself in to the police.
SHAME
By Harry Standjofski
Told by Donovan Reiter
Tough work in tough times; a quiet story scratching at a life of daily gray, to see if there is
any poetry to be found. Not everyone celebrates at Christmas time; some are working in
houses that are no longer homes.
Une production Urbi et Orbi en codiffusion avec le Théâtre de La Manufacture
La Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246
par David Lefebvre
Noël est arrivé, les rues vont bientôt s'illuminer, les sapins endimanchés vont pousser dans les salons de millions de Québécois... mais le plus grand signe, pour les amateurs de théâtre, reste inconditionnellement le retour des Contes urbains à La Licorne.
Cette année, la cuvée qui nous est offerte est hétérogène, sans pourtant être disparate. Les différents auteurs ont l'imagination débordante et fertile en cette saison de réjouissance, et nous proposent sept contes mordants, hilarants, revendicateurs et métaphoriques à souhait. Certains propos sont très crus, plusieurs spectateurs pourraient s'étonner d'un langage aussi appuyé, mais ne sommes-nous pas dans le monde du langage oral, entre nous, à se conter des histoires pour ce qu'elles sont? Les oreilles chastes seront prévenues.
L'un des liens importants entre les récits, mis à part le sexe et le temps des Fêtes, est ce qu'on appelle la perspective, soit la manière de voir les choses d'un angle différent, autrement. Linda Roy (excellente) est la première à entrer en scène : une femme rencontre par hasard une vieille connaissance dans un centre d'achat. Une rencontre qui ne dure que quelques secondes. Elle se remémore alors des moments de sa vie, se rappelle comment elle était «pétard», comment elle gagnait souvent plus d'argent en trois soirs que les chargés de cours à l'université où elle terminait son bac. Mais elle se souvient surtout d'un soir où la folie a éclaté (Veux-tu vraiment me voir pleurer? de Harry Standjofsky et Danette MacKay, traduit par Daniel Gauthier). Suit Emmanuel Schwartz (tout aussi juste que rigolo) dans une histoire de tagueur urbain, de jeune artiste qui prône l'expression libre pour la masse, qui écope d'une amende de 2000$ pour un graffiti sur une crèche du centre-ville. Le soir même, il découvre une petite annonce offrant.... 2000$ pour des tests en laboratoire d'une certaine compagnie Harper Pharmaceutics. Véritable plaidoyer, à mots couverts et aux multiples images, sur les coupures en culture et sur la manière dont les artistes sont perçus par les Conservateurs et une partie de la population, le texte frappe la cible (Queue de raconte-art, de Greg MacArthur, traduit par le comédien). Le coeur tordu de la ville, de Josée Bilodeau, conté par David Boutin (qui rend son personnage fort crédible, mais le comédien force inutilement sa voix à devenir rauque - nous perdons alors quelques mots), est l'histoire d'un homme, comme tout le monde, qui est témoin d'une dispute de couple au milieu de la rue. Toute la journée, il ressasse l'histoire dans sa tête, lui qui aurait voulu, pour une fois, s'interposer, faire valoir la justice. Il en a finalement la chance, après une promenade en solitaire, alors qu'il rencontre le couple une deuxième fois à la sortie d'une église. Mais il faut se méfier des apparences, et des interventions trop brutales. Tout juste avant l'entracte, le toujours étonnant Joël Marin, un habitué maintenant des Contes urbains, nous entretient d'une histoire, comme lui seul peut le faire, de malheur ordinaire, d'une histoire qui, au lieu de refaire le monde, le voit se défaire. C'est celle de Douglas, surnommé Ti-Guy, cet homme au retard intellectuel, à la mère morte en couche, élevé chez les soeurs qui aimaient bien faire sortir le méchant de sa zézette, qui se retrouve à Douglas (drôle de hasard), l'asile situé à Verdun. La seule personne qui lui reste au monde, son grand-père, finit par apprendre son existence. Ils se voient tous les Noëls, mais cette fois-ci, les réjouissances vont s'avérer mortuaires (M'ssieu Douglâsse, d'Yvan Bienvenue).
Le conte qui a provoqué le plus de réactions le soir de la première est celui de Marie-Ève Perron, qu'elle interprète elle-même, intitulé La soirée de la dinde. Une jeune femme décide de se prendre en main et d'inviter parents et amis pour une réception des Fêtes qu'elle veut réussie. Se prouver, à elle et aux autres, qu'elle sait recevoir. Quinze petites bouchées, cocktail dinatoire, bûche à la crème glacée dans des coupes multicolores, bref elle y met le paquet pour épater la galerie. Mais une surprise l'attend, et toute une. Heureuse gagnante d'une émission télé qui lui permet de regarnir sa garde-robe, de se faire maquiller et coiffer, car selon ses proches, elle le mérite, elle perçoit le message autrement, comme si, au naturel, elle n'était pas assez belle ni assez bonne pour eux. L'histoire peut paraître banale au départ, mais se révèle être une véritable petite thérapie pour plusieurs personnes dans l'assistance. Les mots, percutants et pleins de vérité, ont soulevé les cris et les applaudissements de la foule. La soirée se termine avec deux contes plutôt particuliers. Le premier, Ma soeur mange des boules, d'André Ducharme, livré par Sébastien René, trempe légèrement dans l'absurde et l'horreur et met en scène une famille pas très normale (le père qui décède sur le bord de la porte, le jeune garçon qui devient tout à coup l'homme de la maison et la soeur qui mange, entre autres, les boules du sapin de Noël). Se retrouvant seuls pour le Réveillon, les deux jeunes décident d'aller cogner à une porte du voisinage pour inviter les gens à festoyer avec eux. Mais les célébrations vont faire perdre la tête aux convives... Puis, Didier Lucien vient nous raconter une «expérience hors du commun» qu'il aurait vécue lors d'une représentation des Contes urbains, il y a presque 15 ans. Alors que Sylvie Drapeau se mettait à nu pour un texte parlant de torture et de viol, un homme dans la salle riait à gorge déployée. Les amis de la comédienne, en colère, se rabattent sur l'homme à la sortie du théâtre. Didier fait alors la découverte de ce qui provoquait l'hilarité chez le spectateur. Un exemple frappant, si l'on peut dire, des différentes perspectives possibles sur les choses et les situations.
La soirée s'avère somme toute terriblement plaisante. Le concept de la mise en scène n'a pas changé d'un iota. Petite scène, chaise (en métal cette année), et Éric Asswad à la musique, côté jardin. Il n'est nullement question du talent du musicien, qui nous impressionne encore cette année avec son bluegrass/folk/free-style, aux interprétations inspirées (quoique parfois longues) de quelques classiques du temps des Fêtes, souvent méconnaissable (Le petit renne au nez rouge, Vive le vent...), mais pour les habitués des Contes urbains, on pourrait dénoter à la mise en scène un manque d'audace, ou un certain piétinement. On change difficilement, semble-t-il, une formule gagnante qui fonctionne, mais avouons toutefois qu'elle fonctionne toujours foutument bien.