Du 16 septembre au 4 octobre 2008
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Le palier

Texte : Réal Beauchamp et Jean-Guy Côté
Mise en scène : Frédéric Dubois
Avec : Marie-Ginette Guay et Lucien Ratio

Nicolas, 20 ans, et Julie, 57 ans, vivent seuls l’un en face de l’autre, au troisième étage d’un immeuble à appartements. Sur le palier, ils se croisent, puis s’apprivoisent. Au départ improbable, une solide amitié naîtra pourtant entre eux. Il est au printemps de son existence, elle apprend que la sienne sera moins longue que prévu… Au-delà des portes du palier, celles de la vie vont s’ouvrir et se fermer pour eux. Dans ce cheminement, ils vont s’attacher l’un à l’autre et s’accompagner doucement, sans même s’en rendre compte.

Lumineuse et remplie de tendresse, cette création du Tandem propose une réflexion sur la solitude, les relations intergénérationnelles et le choix de mourir dans la dignité. MASQUE DE LA « PRODUCTION RÉGION » 2006.

Assistance à la mise en scène : Simon Lemoine
Décor : Yasmina Giguère
Costumes : Paco Bureau
Bande sonore : Jonathan Monderie-Larouche
Lumières : Lyne Rioux

Une production du Théâtre du Tandem en codiffusion avec le Théâtre de La Manufacture

La Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

par Mélanie Viau

Entre deux programmes au Cégep, Nicolas se demande où est sa place dans le monde. Julie, de trente-sept ans son aîné, cherche à amorcer une nouvelle vie, des métastases dans les reins. Apparemment, ces deux êtres un peu sauvages, encabanés dans leur petite solitude, n’ont absolument rien en commun, excepté cet espace exigu faisant d’eux des voisins de palier. Un espace de débordement ménager, mais surtout un espace de transit, un non-lieu destiné aux mouvements pressés de sortie et à ceux, épuisés, de rentrée. Entre deux courses de départ et d’arrivée, Nicolas et Julie ont choisi de s’échanger un sourire, de s’arrêter pour se reconnaître, pour se choisir. Le Palier devient pour eux le foyer garant d’une solide amitié fondée sur l’échange et la discussion, le lieu anonyme où l’on se sent en confiance, où l’on a le droit de garder la porte fermée sur l’intimité de sa demeure. Et c’est dans cet espace de mouvement qu’ils provoqueront ensemble les grands mouvements de leur vie, ceux qui préparent à toutes les lancées vers l’inconnu.

Nouvellement récipiendaire du prestigieux Prix John-Hirsh soulignant le début d’une longue carrière prometteuse, Frédéric Dubois se fait metteur en scène de la Rencontre. Reconnaître l’autre en soi, avoir le courage de s’ouvrir le cœur et de provoquer les changements, poser un regard neuf sur tous ces petits riens qui produisent notre quotidien, tout cela contient une réelle puissance théâtrale totalement accessible en laquelle le public se sent inclus, car on parle de lui. Et c’est avec un léger retrait que le metteur en scène laisse place aux moments d’échange et ce qu’il en émane, mettant à l’avant-plan les deux personnages imaginés par Réal Beauchamps et Jean-Guy Côté afin de les regarder vivre et créer d’eux-mêmes la trame de leur destinée. Et même s’ils ne portent pas le poids d’un Hamlet ou d’une Antigone sur leurs épaules, ce jeune héros perdu qui a dû apprendre à devenir un homme trop tôt et cette superbe femme à la vie écourtée par la maladie font preuve d’une force morale et d’un don de soi qui sauront bouleverser le flot tranquille des heures lourdes du quotidien.

Au point de vue du montage, le texte, dont l’action s’étire sur plusieurs mois, détient la force rythmique d’une œuvre cinématographique. Ici, la cohérence de chaque détail scénique renforce l’idée du réalisme souhaité. Le décor (Yasmina Giguère), bâti tout en relief pour un volume dynamique, offre un support parfait aux éclairages (Lyne Rioux) visant à recréer l’impression d’une lumière naturelle plongeant le corridor dans l’ambiance propice à chaque heure de la journée (ajoutons ici un léger bémol sur l’utilisation des noirs venant étouffer certaines fins de scène). La bande sonore (Jonathan Monderie-Larouche), puisée à même la passion musicale de Nicolas, offre une extension très actuelle au récit. Et dans leurs multiples costumes (Paco Bureau) faisant figure de garde-robe de tous les jours, Lucien Ratio et Marie-Ginette Guay (détenant tous deux une nomination aux Masques pour la première production de Le Palier en 2006) font preuve d’une rare complicité qu’il importe de souligner. Leur dévotion, leur profonde écoute mutuelle, leur émotion franche et leur foi en le moindre petit geste élève leur duo de personnages au rang de ceux qui auront marqué la dramaturgie québécoise.

Le Palier, dans sa grande tristesse et ses petites joies teintes de mélancolie, cherche à faire irradier de la rencontre avec l’autre l’espoir d’un partage, d’un support, d’une écoute. Un portrait à la loupe des petites vies que l’on garde chacun pour soi, regorgeant d’un réel humanisme dont on peut tirer plusieurs leçons.

20-09-2008

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