15 et 16 février, 1er, 2, 8, 9, 10, 15, 16, 17, 22, 23 et 24 mars 2009

Les guerriers Facebook

Texte : Ian-Thierry Murchison et Mathieu Quesnel
Mise en scène : Justin Laramée
Avec : Catherine-Amélie Côté, David Laurin, Ian-Thierry Murchison, Mathieu Quesnel, Léa Simard et Guillaume St-Amand
Collaboration spéciale : Marika Lhoumeau, Valérie Deault et Éric Jean.

Les Guerriers Facebook est une irrévérencieuse comédie tragique qui aborde les thèmes de l’hyper communication technologique, du cyber porno, de l’obsession de la performance professionnelle et sexuelle, du besoin d’amour et de reconnaissance noyé dans les dépendances, etc. Il s’agit d’une pièce moderne s’identifiant aux moeurs des jeunes adultes d’aujourd’hui. Il y a Dany, un préposé aux bénéficiaires drag-queen, Simon, un jeune acteur sans travail issu de l’UQAM, sa blonde, Kate, qui vient de décrocher un poste d’assistante de recherche en nouveaux médias à New York, Thierry, un futur professeur au secondaire qui vient d’apprendre qu’il est stérile à cause des boissons énergétiques, Marc-André, un « one night » de Dany, livreur de poulet et auteur de blogues populaires sur internet, puis
Nathalie, une fille avec un surplus de poids. Les Guerriers Facebook est un portrait décapant de la Génération Y, celle que les auteurs se plaisent à nommer la génération Facebook.

par Mélanie Viau

Avez-vous déjà questionné vos motivations à vivre une existence virtuelle sur la planète Facebook ? Certes, c’est un outil génial pour élargir l’étendard de nos communications, mais n’est-ce pas étrange d’avoir des centaines d’amis à qui on ne parle jamais en face à face, lesquels on peut d’ailleurs supprimer avec un simple clic sans avoir à ne débattre aucun conflit ? Et si Facebook n’était qu’un effet concret du malaise social dans lequel nous baignons, dicté par une totale démocratie de l’information et un besoin vital de s’afficher pour revendiquer son statut d’être humain ? Avec Les Guerriers Facebook, le Théâtre de la Grosse Jambette dresse un portrait cinglant et dénaturé de la Génération Internet avec un regard critique auquel personne n’échappe. En espérant que cela vous choquera… avec humour, bien sûr !

Kate la wanna be jet set à New York (Catherine-Amélie Côté), Simon le comédien pourri diplômé de l’École Supérieure de Théâtre de l’UQAM (David Laurin), Thierry le futur prof au secondaire en veste de chevalier (Ian-Thierry Murchison) et Dany le kinoïde gays et lesbiennes (Mathieu Quesnel) n’ont absolument rien en commun en dehors du fait qu’ils partagent le même appartement ou plutôt, le même lieu de passage. Dans cet espace exigu, parasité d’ondes de toutes sortes, la communication à sens unique s’exprime dans la friction et le rejet de l’autre. En guerriers, chacun y va de son propre intérêt, cherchant à atteindre la pleine réalisation de ses aspirations au détriment de toute forme de valeur morale. Le cyber porno établit les standards de leur sexualité, l’obsession de la réussite professionnelle fait d’eux des fourbes sans scrupule et leur avenir se montre aussi stérile que leur ouverture d’esprit. On pourrait croire à des personnages plus grands que nature, mais qu’est devenue exactement notre nature ?

Par un échantillonnage de discours et de paroles prisées ici et là dans leur propre quotidien montréalais, les signataires du texte, soit Mathieu Quesnel et Ian-Thierry Murchison, sont arrivés à traduire en images excessivement fortes une vision sociale qui nous façonne aussi bien qu’elle nous échappe. D’un rythme impeccable, la trame narrative prend plusieurs virages inattendus, faisant en sorte qu’on s’accroche solidement au destin tordu de ces personnages incroyablement cohérents dans leur monstruosité. La langue s’exhibe de toute censure et on mord dans le tabou à pleines dents.

Justin Laramée signe une mise en scène efficace, dans laquelle l’hystérie s’empare du dynamisme scénique dans un mouvement d’allers et venues constants entre l’intérieur et l’extérieur de La Petite Licorne. Des moments de silence supplémentaires auraient été les bienvenus, comme celui – un véritable bijou ! – dans lequel nous assistons au dérapage psychédélique de Dany riant avec lui-même en testant les lois de la physique dans son salon. Les six comédiens entretiennent une réelle complicité sur scène, faisant preuve d’une écoute franche et professionnellement apte à rendre toute la complexité des relations entretenues par leurs personnages. Chacun d’eux explore les clichés sans s’y complaire et voilà, le miroir nous renvoie des reflets bien connus.

Irrévérencieux, pervers et franchement provocant, Les Guerriers Facebook n’a pas la prétention de revendiquer un point de vue contestataire sur notre société. Par son pouvoir extrêmement divertissant, il nous invite, au contraire, à prendre le tout avec un certain recul… et voir où nous nous situons dans ce merveilleux monde du virtuel.

20-02-2009