Liam, le jeune frère d’Helen, interrompt un souper d’amoureux entre sa soeur et Danny, son mari. Il entre dans l’appartement, visiblement perturbé, son chandail couvert de sang. Il raconte avoir tenté d’aider un adolescent blessé qui gisait sur l’asphalte à quelques coins de rue de là. Où est-il exactement? Doivent-ils lui porter secours? Danny et Helen veulent comprendre ce qui s’est passé, mais le récit de Liam devient de plus en plus confus.
Avec Orphelins, Dennis Kelly aborde notre rapport à ces étrangers qui partagent notre milieu de vie, un rapport d’où émergent parfois la peur et l’insécurité. Avec une pointe d’humour noir, ceci devient l’occasion d’interroger les liens profonds qui unissent les familles. Comment pourrions-nous réagir si nous croyions que le clan familial est menacé? Jusqu’où serions-nous prêts à aller si nous nous sentions menacés par ceux qui représentent pour nous l’inconnu et la différence? Jusqu’où peut nous projeter la peur de l’autre?
Orphelins (Orphans), de l’auteur britannique Dennis Kelly, a été créée au Traverse Theatre d’Édimbourg en 2009, et sera présentée pour la première fois en français à Montréal dans une traduction de Fanny Britt. Maxime Denommée s’attaque ici à un deuxième texte de Dennis Kelly, puisqu’en 2009 il avait brillamment mis en scène la pièce Après la fin, du même auteur.
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Assistance à la mise en scène Marie-Hélène Dufort
Décor Olivier Landreville
Costumes Stéphanie Cléroux
Éclairages André Rioux
Musique Éric Forget
Accessoires Patricia Ruel
Direction artistique Jean-Denis Leduc
Crédit photo : Rolline Laporte
Tête-à-tête : Jeudi 19 janvier
Une production Théâtre de la Manufacture
par Gabrielle Brassard
Jusqu’où irions-nous pour protéger un membre de notre famille, surtout quand il est le seul qui nous reste? Mais quand on a soi-même une famille, où trace-t-on la limite? C’est la question que pose Orphelins, de Dennis Kelly, dans une traduction de Fanny Britt et une production du Théâtre de la Manufacture.
Liam, un jeune homme malchanceux qui s’attire souvent des ennuis, arrive en catastrophe, maculé de sang, dans l’appartement de sa sœur Helen, qui s’apprête à souper en tête-à-tête avec son copain Danny. S’engage alors un huis clos confus, lourd et cachotier. L’intrigue monte en crescendo tout au long de la pièce, qui dure une bonne heure et demie. La nature des agissements louches de Liam évolue au même titre que les difficultés que vivent Danny et Helen. Une tension qui remet en question à la fois la nature réelle de Danny et celle du couple.
Le trio est campé dans un décor d’appartement simple ; une table, une cuisine qu’on devine plus que l’on ne voit réellement, un salon où trainent quelques jouets d’enfants, une chambre dont on entrevoit que la porte. Mais surtout, de grandes fenêtres donnant sur un nouveau développement, de maison et de condos cossus, aux frontières desquelles s’érigent d’immenses tours d'habitation, qu’on suppose être des HLM. Cette vue est non négligeable dans la trame narrative : le couple habite dans un quartier mal famé, début de tous leurs ennuis, l’arrivée du frère incluse.
Teintée de pointes d’humour noir sur fond de propos graves remettant en question notre rapport à la société et entre individus, la dynamique des trois acteurs ne réussit toutefois pas à convaincre complètement.
Est-ce la mise en scène, sobre et épurée de Maxime Denommée, qui attaque pourtant pour la deuxième fois un texte de Dennis Kelly (Après la fin, 2008, reprise en tournée en 2010)? Ou la traduction du texte, saccadé, ou encore le jeu des acteurs, qui manque lui aussi de fluidité? Étienne Pilon, en personnage perturbé, porte la majeure partie de la trame dramatique du récit. C’est lui qui fait évoluer la pièce, en nous révélant peu à peu la «vraie» histoire. Steve Laplante, en antihéros, fait également changer la nature de son personnage et réussit bien à le faire. À cause de ses répliques particulièrement saccadées et courtes, Évelyne Rompré ne semble pas tout à fait à l'aise dans son personnage, surtout au début de la pièce. Elle reprend par contre le dessus dans les moments plus dramatiques, où l'émotion se fait sentir plus intensément.
Un malaise se fait ressentir dans Orphelins, mais il est difficile de dire s’il vient du texte, de l’interprétation des acteurs, des propos, ou de l’ensemble de ces facteurs. Peut-être est-ce aussi le tract du soir de première, malgré des acteurs solides.
Le malaise est certainement l’un des effets recherché de ce texte de Dennis Kelly, créé au Traverse Theatre d’Édimbourg en août 2009. Il a par la suite remporté les prix First Fringe et le Herald Angel Award. On peut facilement comprendre l’attrait de ce texte, écrit comme un véritable thriller, dont les dialogues courts et intenses tiennent en haleine le spectateur, et dont les thèmes sont d’actualité (le couple, le racisme, l’urbanité de la ville). Dommage, tous ses aspects ne sont pas tout à fait bien rendus par les Orphelins de Denommée.