Un bocal vide qui génère de l’angoisse. Un numéro d’horreur où deux jumelles en robes de nuit blanches n’arrivent pas à trouver le sommeil. La folle épopée de Jeanne, aux prises avec une « clémentite », maladie étrange qui gravite autour des clémentines. Ou encore Julie, cette jeune fille timide qui anime des séances dans un planétarium. Le Projet Bocal utilise la forme courte et propose, à travers des numéros théâtraux débridés et quelques chansons bien ressenties, un voyage vers l’inattendu et le plaisir du fun.
Sur un ton souvent décalé, saupoudré de dérision, les trois acteurs/créateurs du Projet Bocal explorent entre autres les thèmes de l’espérance, de l’amour et de la crainte de l’avenir et du monde adulte. Mais plus profond encore est leur désir de jouer avec la forme, dans le but de provoquer la surprise et de faire apparaître cette fantaisie qui nous habite tous.
Récemment diplômés du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, Raphaëlle Lalande, Sonia Cordeau et Simon Lacroix ont fondé à l’automne 2011 le Projet Bocal. Avec cette compagnie, ils souhaitent ardemment créer dans le plaisir des spectacles qui étireront leur imaginaire et celui des spectateurs. Ils sont d’ailleurs fortement inspirés par cette citation du philosophe Gaston Bachelard qui affirme que « la vie réelle se porte mieux quand on lui donne ses justes vacances d’irréalité ».
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Aide et conseil à la scénographie Elen Ewing
Éclairages Jérémie Boucher
Assistance à la mise en scène Camille Gascon
Tête-à-tête : Jeudi 21 mars
Une production Projet Bocal
par David Lefebvre
Après Théâtre sans animaux (2003, 2006), ou même Pour faire une histoire courte (2004), c'est avec bonheur que l'on retrouve le théâtre absurde à la (Petite) Licorne, grâce au collectif Projet Bocal, composé de Sonia Cordeau, Simon Lacroix et Raphaëlle Lalande. Si le trio nous promettait « un voyage vers l’inattendu et le plaisir du fun » (sic), le pari est relevé avec brio.
Il est difficile de ne pas comparer la forme que prend le spectacle - courtes pièces et chansons - au succès télévisuel Les Appendices. Le type d'humour y est souvent comparable, et le trio compte tout de même dans ses rangs l'une des deux filles de l'émission humoristique de Télé-Québec. Ceci dit, les trois comparses propose une création bien distincte : ils s’en permettent allègrement et s’amusent indubitablement sur la petite scène très fifties, avec rideaux de dentelle, costumes, table, chaises et frigo style Westinghouse rétro par lequel les comédiens font leur entrée. Sans oublier les dizaines de pots Masson qui servent de luminaires, accrochés un peu partout au-dessus de la scène.
Cordeau, Lacroix et Lalande, qui signent les textes et la mise en scène, proposent ainsi une quinzaine de sketches ou courtes formes, à l’humour parfois burlesque, souvent absurde ; le trio maîtrise à la perfection l’effet de décalage pour provoquer le rire, et ce, de façon presque instantanée. Que ce soit devant un gros bocal dont le vide devient rapidement terrorisant et qu’on essaie, en vain, de remplir de sons et de mots ; un pastiche de film d’horreur ; des discussions qui dégénèrent totalement ; une animatrice d’un centre spatial plutôt timide ; les élucubrations d’une femme en jouissance qui désire aller manger du poisson froid avec les Inuits et faire tellement de compote de pommes qu’elle s’habillerait des pelures et des pépins ; d’une annonce de mise à pied ou d’une surprenante maladie qui fait jaillir des agrumes par tous les orifices du corps, on ne peut que s’esclaffer jusqu’en avoir mal au ventre. Si, parfois, on frise l’hyper vulgarité, dans un sketch entre la parodie des pièces irlandaises qui ont fait la renommée de La Licorne lors des dernières années et une blague salace, tout est si grotesque et caricatural qu’on ne peut qu’en rire sans en être offusqué. Un moment plus tendre vient s’immiscer au cœur de cette création singulière, donnant la parole tour à tour aux trois comparses. Alors que le premier nous partage un texte poético-romantico-lugubre, la seconde nous révèle un souvenir de jeunesse tragique où elle perd son cornet dans la piscine, puis la troisième discourt sur les espérances d’amours éternelles, des paresseux de l’affect et des affirmations que l’on voudrait irréfutables, tout en faisant référence au chanteur Johnny Ace et son succès Pledging My Love.
La musique fait d’ailleurs partie intégrante du spectacle, rappelant un des moments marquants de la création Éponyme (Fake-Fiction), de Le P.I.Q.U.A.N.T. (Usine C, avril 2011) : le gang du Bocal offre quelques versions plutôt bien foutues de quelques hits, dont You Belong to Me de Jason Wade, Total Eclipse of the Heart de Bonnie Tyler, en belle harmonie, et un You Can’t Hurry Love (Phil Collins) qui reste longtemps en tête, bien après la fin du spectacle. Mais c’est grâce à trois chansonnettes originales, dont une très sentie et jouissive qui rappelle le style direct de Lisa Leblanc avec « J’m’en câlisse… en pyjamas à 6h… », que le groupe s’éclate totalement, à la guitare, à la mandoline, au xylophone ou au tambourin. À croire que ces trois-là savent tout faire, et bien le faire.
Savoureux et efficace jusqu’à la dernière seconde, ce Projet Bocal divertit la galerie de façon tout aussi intelligente qu’absurde. Un moment de pur (et parfois d’étrange) bonheur qui fait espérer une deuxième édition du projet, tant le foisonnement créatif de ces jeunes comédiens et auteurs décoiffe et réjouit.