Texte Dennis Kelly
Traduction Olivier Choinière
Mise en scène Sylvain Bélanger
Avec Évelyne Brochu, Josée Deschênes, Hubert Proulx et Richard Thériault et 10 autres comédiens
Donna McAuliffe vient d’être jugée non coupable du meurtre de ses deux enfants. Le dramaturge invite sur scène les acteurs de ce fait divers et les interroge. Chacun expose sa version des faits, teintée de sa perception et de ses intérêts personnels : la mère de Donna, candidate aux élections locales, le docteur Millard qui décèle un rare syndrôme chez Donna, son mari Martin qui refuse de parler et menace de poursuites. Seule Donna paraît ne pas avoir conscience des enjeux de sa mise à nue.
Dennis Kelly dépeint la façon dont la vérité est souvent compromise dans notre société d’information où les médias tentent de combler la soif d’émotions fortes de leur public. L’auteur questionne notre propension à vouloir contrôler la vérité et poser notre jugement sur des actes défiant logique et morale.
Cette pièce de Dennis Kelly, auteur que nous connaissons bien à La Licorne pour Après la fin, Orphelins et Amour/Argent, était créée en 2007 au Birmingham Repertory Theatre d’Angleterre. Le Théâtre du Grand Jour nous présente ici Comment s’occuper de bébé (Taking Care of Baby) dans une traduction d’Olivier Choinière et une mise en scène de Sylvain Bélanger, qui a notamment signé de grands spectacles pour La Manufacture tels que Félicité et Yellow Moon.
Section vidéo
Assistance à la mise en scène Jean Gaudreau
Éclairages André Rioux
Musique originale Alexander Macsween
Réalisation et montage vidéo Ulysse Del Drago
Conception visuelle Sylvain Bélanger
Régulier : 32$
30 ans et - : 22$
65 ans et + : 27$
Tête-à-tête : Jeudi 13 mars
Une production Théâtre du Grand Jour
par Gabrielle Brassard
«Il y a la vérité, et il y a ce qu’on croit être la vérité».
Crédit photo : Yanick Macdonald
Cette phrase représente bien la nouvelle pièce de Dennis Kelly (Les Orphelins), Comment s’occuper de bébé, présentée ces jours-ci à La Licorne. Cette histoire, autant dans son contenu que dans sa mise en scène, entretient le mystère de la vérité d’un bout à l’autre. On en sort mitigé, et sans réponses précises sur les secrets qu’elles révèlent…ou non.
Traduite de l’anglais par Olivier Choinière, dans la langue juste et drue qu’on lui connait, Comment s’occuper de bébé, une production du Théâtre du Grand Jour en codiffusion avec la Manufacture, est un tour de force, une fois de plus, de la compagnie à qui l’on doit notamment Venise-en-Québec (coup de cœur éternel), L’Enclos de l’éléphant et Billy (les jours de hurlement). Avec une distribution très solide, une intrigue captivante et des mises en abîme originales, cette expérience théâtrale vaut le détour.
Les deux enfants de Donna sont morts. Terribles accidents, hasards ou meurtres? Nul ne semble le savoir, ou le croire, mais Donna est déclarée non coupable. Sa mère clame son innocence sur toutes les tribunes. Parce qu’elle est mère, ou candidate aux élections municipales de sa ville? Difficile à dire. Le docteur Millard a une théorie sur les mères qui commettent des infanticides, mais est-elle réelle ou non, justifie-t-elle tout?
On comprend, au début, que Dennis Kelly a entamé un processus de récolte de témoignages des différents personnages pour créer cette histoire ; la mère, la fille, le docteur, le mari réticent. À travers un mélange de témoignages sur la scène, dédoublés sur des écrans qui constituent l’essentiel du décor, on suit la vie, et, surtout, la version de l’histoire, de chacun et chacune, en étant de plus en plus confus, entre la vérité et ce qu’on croyait l’être, jusque dans le processus même de création. Tout nous méprend ; le texte qui défile à l’écran qui se métamorphose en mots incompréhensibles et qui nous fait hésiter à croire ce qu’on y lisait d’abord, la tournure des évènements, ou encore certains personnages qui remettent en question plusieurs choses.
Outre la force de la mise en scène (Sylvain Bélanger), qui réside beaucoup dans la conception visuelle et la vidéo (de Bélanger, Ulysse Del Drago et Jean-Mathias Conrréard), c’est sans conteste la performance des comédiens et des comédiennes qui rend exceptionnelle Comment s’occuper de bébé.
Il est rare de voir des pièces où la troupe est égale dans les performances, mais ici, sincèrement, tous et toutes proposent un jeu solide et maîtrisé. Evelyne Brochu et Josée Deschênes jouent un duo mère-fille touchant, dur et sincère à la fois, l’une en fille dépassée par les évènements, l’autre en mère combattive et toujours forte, peu importe les circonstances. Richard Thériault incarne un docteur confiant qu’on voit se décomposer alors qu’on ne s’y attendait pas nécessairement. Les Henri Chassé, Luc Senay et Anka Rouleau qu’on ne voit qu’à l’écran en personnages secondaires sont également excellents et apportent des éléments nouveaux à cette histoire, qui ressemble vaguement à une enquête de l’interne. Même le journaliste, dont on entend que la voix (toujours bon Guillaume Tremblay) est juste dans le ton, lui qui incarne l’auteur en narrateur-enquêteur, à la fois dans l’histoire et dans la forme.
Quelques longueurs tout de même viennent alourdir un peu la pièce de presque deux heures, particulièrement lors des vidéos et dans les moments sans paroles sur scène, mais somme toute, une nouvelle pièce de Kelly qui fera sûrement autant parler d’elle que Les Orphelins, et dont personne ne sortira indifférent.