La sonnerie incessante d’un cellulaire résonne dans un café. Une femme, Jean, en a assez et interpelle Gordon, le propriétaire du téléphone. Or, cet homme est mort. Prise d’une impulsion, elle répond aux appels et se met en tête d’apaiser la douleur des proches de cet homme. Le hic : Gordon n’était pas un homme bon. Son spectre donnera du fil à retordre à Jean, qui se verra dépassée par son altruisme, elle qui voulait seulement recréer un certain équilibre moral dans le monde ( ! ) Mission ? Folie passagère ?
Le cellulaire d’un homme mort explore le rapport passionnel que nous entretenons avec la technologie, notamment à travers les téléphones dits intelligents. Qu’est-ce qui nous rassure à ce point dans la présence de notre entourage lorsqu’on le côtoie virtuellement, alors qu’on passe une bonne partie de notre vie à éviter ce même entourage « en personne » ? Cette comédie surréaliste nous pose la question du sens que nous donnons à la mort, dans une société qui ne l’a jamais autant occultée.
Le Théâtre Debout est de retour à La Licorne avec cette pièce de Sarah Ruhl, une auteure américaine jouée et traduite internationalement. Dead Man’s Cell Phone a été créée en 2007 à Washington, puis montée en 2008, simultanément à New York et à Chicago. La traduction est signée Fanny Britt et la mise en scène Geoffrey Gaquère, qui dirigeait l’an dernier la pièce Amour/Argent, présentée à La Petite Licorne.
Assistance à la mise en scène Stéphanie Capistran-Lalonde
Décor Simon Guilbault
Costumes Marc Sénécal
Éclairages Étienne Boucher
Musique Nicolas Basque
Cartes Prem1ères
Date Premières : du 20 au 24 janvier
Régulier : 32$
Carte premières : 16$
30 ans et - : 22$
65 ans et + : 27$
Tête-à-tête : Jeudi 30 janvier
Une production Théâtre Debout
par Daphné Bathalon
Attablée dans un café, Jean, est soudain dérangée par la sonnerie incessante du cellulaire d’un homme installé à une table voisine. Agacée par la sonnerie qui ne se tait pas, elle se lève, s’approche et découvre que le propriétaire du cellulaire est mort. Déstabilisée et sous le coup d’une impulsion, elle s’empare du téléphone et répond à l’appel. Ainsi commence l’incursion de Jean dans la vie de Gordon...
Le cellulaire d’un homme mort, de l’Américaine Sarah Ruhl, est une pièce franchement drôle et divertissante, mais son propos sur la moralité et les problèmes de communication en cette époque où règnent les technologies de l’information (vastes sujets) se perd dans la fable tragico-romantique. Pour sa mise en scène, Geoffrey Gaquère a résolument pris le chemin de la comédie et de l’autodérision, mais, si le spectacle réussit à faire rire ou sourire à plusieurs reprises, la réflexion, elle, peine à percer. Le cellulaire d’un homme mort semble en effet se chercher un ton. La production adopte tantôt la forme réaliste de la critique sociale caustique, tantôt celle d’un conte fantastique où on peut à loisir passer d’un échange romantique réaliste au polar de série B dans un aéroport africain ou au délire dans une buanderie céleste.
La formule n’est pas sans rappeler le format cabaret du décapant Coma_Unplugged, mais la comparaison s’arrête ici, car la mise en scène de Gaquère n’atteint jamais l’équilibre entre l’absurde et la critique. Il y a pourtant d’excellentes répliques dans Le cellulaire, qui créent des moments savoureux. Tous les échanges autour de la table familiale ou du cercueil sont par exemple absolument délectables. Et la distribution sert bien le texte en adoptant avec naturel le registre comique. Christiane Pasquier, en mère « drama queen » à l’extrême, dévoile d’incroyables qualités de comique, notamment lors de ses interactions avec son fils cadet, sa bru et Jean. Dans la peau de Jean, Johanne Haberlin suscite aisément l’attendrissement du public, mais ne parvient malheureusement pas à nous embarquer dans sa quête de réhabilitation. Patrick Goyette hérite quant à lui du rôle délicat du mort. Si ses réflexions plus mystiques sur le sens de la vie et de la mort détonent singulièrement du ton adopté par le reste de la distribution, il incarne en revanche à merveille le mort un peu surpris, souvent amusé, qui se retrouve témoin malgré lui des actions et pensées que lui prête Jean.
La scénographie de Simon Guilbault, bien qu’épurée, surcharge inutilement l’espace de jeu et réduit de beaucoup la liberté de mouvement des comédiens. Plafond bas, murs de scène rapprochés, gros bloc central qui sert à la fois de table et de cercueil : la scène de la Petite Licorne n’étant déjà pas bien grande, était-il nécessaire de la comprimer encore davantage?
À trop verser dans l’humour, la production du Théâtre Debout perd toute la force de sa réflexion critique sur la société. Ironiquement, la production, qui traite de nos étranges rapports avec les technologies de l’information, souffre d’une singulière difficulté à communiquer avec le public.