C’est la fin de semaine du solstice d’été à Édimbourg. Helena, une avocate spécialisée en divorce, et Bob, un revendeur de voitures volées, se rencontrent dans un bar et couchent ensemble. Tous deux s’entendent pour ne jamais se revoir, mais avant de se quitter, Bob propose à Helena de l’aider à dépenser les 15 000 « cash » qu’il a sur lui. Commence alors un exaltant 48 heures de perdition ! Entre une saoulerie avec une gang de gothiques et une soirée de bondage japonais, ils découvriront qu’ils ont peut-être plus en commun qu’ils le croyaient !
Dans cette anti-comédie romantique où il pleut toujours et où le sexe est loin d’être parfait, David Greig pose un regard amusant et loin de tous les clichés sur l’amour, les rêves et l’accomplissement de soi. La musique occupe également une place de choix dans le récit des aventures de Bob et d’Helena, qui entonnent tour à tour La chanson du pénis de Bob, L’amour brise les coeurs et plusieurs autres.
Après avoir ensoleillé les printemps 2012 et 2013 à La Petite Licorne, Midsummer est de retour pour une troisième saison ! Cette pièce, dont le texte est de David Greig et la musique de Gordon McIntyre, est ici traduite par Olivier Choinière. La mise en scène est confiée à Philippe Lambert, qui a récemment mis en scène Pervers (2013) pour La Manufacture.
Section vidéo
Costumes et accessoires Josée Bergeron-Proulx
Éclairages André Rioux
Arrangements musicaux Pierre-Luc Brillant
Régulier : 32$
30 ans et - : 22$
65 ans et + : 27$
Tête-à-tête : Jeudi 15 mai
Une production La Manufacture
Dates antérieures (entre autres)
Du 5 mars au 14 avril 2012, du 29 avril au 23 mai 2013, La Licorne
par Pascale St-Onge
C'est dans une ambiance décontractée et feutrée d'un style cabaret que se retrouvent à nouveau sur scène les deux comédiens Isabelle Blais et Pierre-Luc Brillant, pour la reprise de Midsummer, précédant une tournée. Gardant le meilleur des comédies romantiques, du théâtre d'été et même des romans « chick lit » tout en y ajoutant une touche personnelle de réflexion et de musique, cette pièce ne tombe pas dans la facilité pour autant et s'avère être un moment de pur bonheur théâtral.
Entrecoupés de mélodies grattées à la guitare qui nous rappellent un peu les chansons des soeurs Boulay, les deux personnages nous racontent leur rencontre qui aurait dû être sans lendemain. Lui, Bob, voyou sans avenir à la merci de son patron qui a abandonné toutes ses envies comme celle de partir en Belgique pour faire de la musique de rue. Elle, Helena, une avocate spécialisée en divorce qui croule sous la pression de ceux qui voudraient qu'elle ait une famille et une vie stable. Ils ne se ressemblent en rien, et pourtant...
C'est sous les mots de David Greig, traduits par Olivier Choinière de façon très juste, que l'aventure commence et que se déroule ainsi une épopée hilarante de 48 heures dans Édimbourg, racontée par le duo comme s'il s'agissait déjà d'un souvenir. Les deux comédiens sont dirigés avec nuance par Philippe Lambert, passant du jeu très naturel à l’exagération ; ainsi, le style, autant pour les chansons, la narration et l'incarnation de leurs péripéties, change, devient flexible et varie énormément, sans toutefois devenir incohérent. Les choix de mise en scène demeurent toujours simples et efficaces, donnant un ton très intime à l'ensemble. On pourrait facilement avoir l'impression que tout nous est raconté au beau milieu d'un souper entre amis et où tout le mobilier d'un appartement est mis à contribution de l'anecdote.
Cette histoire d'ailleurs semble parfois inventée, ou du moins amplifiée. Ils le disent eux-mêmes : plus on raconte une histoire, plus celle-ci dérape ; alors qu'est-ce qui est vrai? Peu importe, car leur façon de nous la raconter est tendre, drôle et délectable. Les mélodies, bien que parfois presque trop simples, se mêlent judicieusement à la pièce, ne tombant pas dans le piège facile de certaines pièces de théâtre musical en nous racontant carrément ce qu'il vient tout juste de se dérouler sous nos yeux. Au contraire, ceux-ci viennent parfaire et nuancer les réflexions ou ajoutent une poésie agréable à ces personnages au langage pourtant très cru. Les deux comédiens possèdent chacun leur bagage et expérience musicale qui se met parfaitement au service de la pièce, en plus de leur qualité de jeu et de leur complicité impressionnante, qu'on connaissait déjà suite au visionnement du film Les aimants, notamment.
Après ce tourbillon d'action, d'humour et de tendresse se dégage un sentiment très fort qui nous rappelle l'importance du moment présent, car à l'âge de Bob et d’Helena, une fois la trentaine bien entamée, on réalise qu'il est trop tard pour revenir sur nos pas et que nous sommes les seuls responsables des rêves que nous n'aurons pas réalisés. Sans pour autant nous offrir une finale à la « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants », ils ont constaté que la vie est une route à sens unique et ont remédié à ce problème. La perte de la jeunesse n'est pas la fin de la vie. Au retour du beau temps et à l'approche de la conclusion d'une saison théâtrale très animée, le retour de Midsummer fera bien des heureux. Une pièce légère, mais de grande qualité et qui nous met le sourire aux lèvres.
par David Lefebvre (2012)
T’es fait d’où tu viens, et tu vas où tu dois aller…
David Greig est présentement l’un des auteurs et dramaturges les plus en vue d’Écosse. Récipiendaire de quelques prix au milieu des années 2000, dont le Laurence Olivier Awards pour sa version de Caligula, Greig s’est imposé chez nous seulement en 2010, grâce à La Manufacture qui a monté, à l’Espace Go, la pièce Yellow Moon, acclamée par la critique et le public. La compagnie récidive en pigeant dans le répertoire du dramaturge écossais une autre pièce, soit l’atypique et originale Midsummer, une comédie qui aborde la crise identitaire de la mi-trentaine, la réalisation de soi, les moments décisifs, la vieillesse et ses regrets, la folie de vivre (ou vivre ses folies) et l’envie de foutre à la poubelle, au moins une fois, les limites que l’on s’inflige.
Bob et Helena, deux âmes esseulées, sont aux antipodes l’un de l’autre. Alors que Bob est un petit voyou sans envergure, lisant Doïsteievsky pour se remonter le moral, Helena est avocate spécialisée en divorce. Ils se rencontrent la veille du solstice, dans une buvette, alors qu’elle attend son amant marié qui ne vient pas et qu’il patiente pour un coup illicite. Elle est trop bien pour lui, il n’est pas son type, ils ne devraient absolument pas coucher ensemble. Et pourtant. Le lendemain, alors qu’Helena gâche le mariage de sa sœur et que Bob a la garde de 15 000$ en petites coupures, le hasard les ramène sur le même chemin. Ils décident de tout claquer durant le même week-end, sans penser au lundi ou au danger qui les attend.
Ce qui charme d’abord de Midsummer, c’est sa forme éclatée, à mi-chemin entre le conte, par sa narration forte et omniprésente, le jeu dit plus conventionnel et la comédie musicale, sans pourtant en être une. Grieg, en entrevue, s’amuse à dire que Midsummer est une « pièce avec des chansons » (a play with songs). Neuf, pour être plus précis, neuf pièces musicales originales, signées Gordon McIntyre (guitariste de Ballboy, band indie d’Édinbourg), relativement simples, aux accents folk, parfois country. Si les protagonistes ne s’expriment pas directement au travers des paroles pour faire avancer le récit, elles sont pourtant le reflet de leurs pensées, l’évocation de leurs émotions : L’amour brise les cœurs en deux, Chanson du lendemain de veille…
Philippe Lambert signe une mise en scène conviviale, intimiste, rappelant à certains moments Yellow Moon, ou, de façon plus générale, deux de ses projets précédents, soit Les points tournants et Rearview. Il réunit avec brio deux comédiens de talent, qui ont œuvré avec succès sur les planches, devant les caméras ou encore sur la scène musicale québécoise : Pierre-Luc Brillant (aussi aux arrangements musicaux) et Isabelle Blais, respectivement membres des Batteux Slaques et de Caïman Fu. Guitares acoustiques en main, le duo interprète Bob et Helena, ainsi que quelques autres personnages, avec désinvolture, humour et beaucoup de liberté. C'est un réel plaisir de revoir ces deux comédiens sur scène, qui avait partagé l’écran dans Borderline de Lyne Charlebois, et qui font preuve, ici, d’une grande et touchante complicité.
Comédie romantique tout à fait contemporaine, sympathique et douce-amère, Midsummer fonctionne à plusieurs niveaux, grâce surtout à cette superbe qualité d’offrir une histoire d’amour intelligente, drôle, perspicace et près du cœur, sans fioritures hollywoodiennes. La vie est peut-être dure, le sexe mauvais ; la pluie peut tomber drue, les déceptions s’accumuler, mais nous avons toujours le pouvoir de changer les choses et de se réinventer, de recommencer. Quitte, comme Helena, à se le faire dire par un guichet de stationnement.