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Du 7 avril au 2 mai 2014, du lundi au jeudi 19h, vendredi 20h
ScratchScratch
Présenté à la Petite Licorne
Texte Charlotte Corbeil-Coleman
Traduction et mise en scène Sébastien David
Avec Micheline Bernard, Henri Chassé, Robin-Joël Cool, Émilie Cormier, Marie-Ève Milot et Monique Spaziani

Anna a quinze ans, des poux plein la tête, les hormones dans le tapis et une mère en phase terminale. Lorsqu’elle apprend que sa mère se meurt d’un cancer, Anna réagit de la seule façon qu’elle connaît : le déni. Malgré le soutien de ses amis et de sa famille, elle devient irritée autant par l’empathie que par les poux qui envahissent sa chevelure.

Racontée par Anna, sa meilleure amie, son père, sa tante, sa mère mourante et un mauvais poète, Scratch est une pièce qui égratigne, dépeignant à la fois l’urgence de vivre et le déchirement de la perte. Scratch aborde la mort avec ce qu’elle comporte de drôle, d’absurde et de tragique.

Charlotte Corbeil-Coleman, diplômée de la section anglaise de l’École nationale de théâtre en écriture dramatique en 2008, a vu sa pièce Scratch créée cette même année dans sa version originale anglaise au Factory Theatre, à Toronto. La traduction et la mise en scène ont été confiées à Sébastien David, directeur artistique de La Bataille, qui a récemment mis en scène En attendant Gaudreault et Ta yeule Kathleen (2011), deux pièces dont il signait aussi le texte.


Décor, costumes et accessoires Patrice Charbonneau-Brunelle
Éclairages Catherine Comeau
Musique Antoine Bédard

Régulier : 32$
30 ans et - : 22$
65 ans et + : 27$

Tête-à-tête : Jeudi 17 avril

Une production La Bataille


La Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Jérémie Battaglia

Après avoir écrit et mis en scène ses deux premiers textes, En attendant Gaudreault précédé de Ta yeule Kathleen et Les morb(y)des, Sébastien David change de chaise ces jours-ci pour se faire traducteur et metteur en scène de Scratch, de l’auteure torontoise Charlotte Corbeil-Coleman. La pièce, autobiographique, aborde le délicat sujet du deuil. À travers quarante-sept courtes scènes, l’auteure nous mène habilement de la révélation de la maladie à sa conclusion dramatique, la mort.

À quinze ans, Anna a des poux plein la tête, des envies d’être embrassée... et une mère en phase terminale. C’est son histoire qu’elle tente de nous raconter, avec ses imperfections, ses pulsions et son déni de la mort. Les autres personnages de la pièce, tous dans l’entourage d’Anna, voudraient bien aussi se faire entendre, raconter leur histoire, leur deuil, leurs liens avec la mère mourante. Parce que c’est un peu leur histoire aussi. Il en résulte un bel effet de narration à plusieurs voix où les phrases des uns complètent celles des autres, ce qui donne à l’histoire d’Anna de multiples dimensions. Le texte de Corbeil-Coleman, bien servi par la mise en scène de David, creuse sous les paroles pour faire résonner celles qu’Anna et ses proches ne prononcent pas. La trame est égratignée, échevelée, éclatée, comme Anna, et l’histoire de l’adolescente, son apprivoisement du deuil, se dévoilent par fragments, au fil des moments qu’Anna a choisi de partager avec nous.

La traduction de David est à l’image de sa mise en scène : toute tournée vers le propos, les paroles et les non-dits, surtout les non-dits : les silences du père désemparé, les émois du poète devant la beauté de la mort, et la fragilité sous-jacente d’Anna.

Le découpage scénique, qui laisse toute la place aux comédiens en éliminant le superflu, même les coulisses, permet de suggérer les différents lieux où se déplace l’action : des poutres illustrent la structure des bâtiments, un lit accueille la mère malade, et de menus accessoires complètent l’ensemble. Cet espace de jeu ouvert offre un lieu d’accueil parfait pour le texte très rythmé de Corbeil-Coleman, si bien que, même si les acteurs retournent s’asseoir « en coulisse » lorsqu’ils ne jouent pas, cette pause de jeu ne détourne jamais l’attention des spectateurs. Au contraire, la mise en scène de David nous ramène toujours vers sa narratrice principale et vers son amie Madeleine, qui souffre de ne pouvoir vivre ouvertement le deuil de cette femme dont elle était proche. Le metteur en scène s’est attaché à l’essentiel : le texte, les personnages, la mort, et la vie qui continue, et ces poux, dont Anna ne parvient pas à se libérer.

Dans la peau de l’adolescente, Émilie Cormier (dont on avait eu un aperçu du talent dans Les Atrides l’an dernier) traduit de belle manière le désarroi d’Anna et sa rage contre les poux, bien qu’on aurait aimé par moments la voir moins en contrôle de ses émotions, plus dans l’électrique souffrance devant l’injustice de perdre sa mère si jeune. Son apparente indifférence tranche particulièrement à côté de l’émotivité à fleur de peau de Madeleine, incarnée avec intensité par Marie-Ève Milot, très touchante. Les autres membres de la distribution s’effacent un peu, à l’instar de leurs personnages, tandis qu’Anna s’isole, mais tous s’intègrent bien au récit. Si elle ne détourne pas l’attention, la  manière qu’ont les comédiens de quitter l’espace de jeu et leur rôle chaque fois qu’ils ne jouent pas dans la scène semble néanmoins nuire à la force dramatique de la pièce, comme si les acteurs devaient constamment revenir au même niveau de jeu et se réapproprier leur personnage. Ce qui explique peut-être que malgré l’efficacité de la distribution, Scratch peine à toucher vraiment.

Cette nouvelle production du Théâtre La bataille demeure toutefois une exploration particulièrement pertinente des différentes facettes du deuil à travers le regard d’une adolescente qui s’efforce jusqu’à la toute fin de nier la disparition imminente de sa mère... et le moment où elle devra faire face à la réalité et grandir.

12-04-2014