Un gros accident, une collision entre un autobus bondé et un poids lourd, a fait plusieurs victimes. Depuis, Daniel est célèbre. On le surnomme « l’incassable ». Sorti indemne de l’autobus éventré et en proie à une profonde culpabilité, l’artiste-peintre a perdu ses repères. Il en perd même l’inspiration. Seule autre rescapée, L.J. la danseuse nue semble garder le moral malgré le deuil qu’elle a dû faire de ses jambes. Mais passer d’objet de désir à objet de pitié n’est pas chose facile. La famille, la psychiatrie, les médias, les spectateurs… tout semble conduire ces survivants vers de nouveaux questionnements.
Débris illustre la quête de résilience et d’identité d’une suite d’individus qui, constatant que la notoriété n’est pas toujours synonyme de reconnaissance et d’accomplissement personnel, cherchent une façon de se réaliser. Ce récit aux accents de comédie noire se questionne aussi sur l’utilité de l’art et la responsabilité du créateur devant la catastrophe. Comment guérir d’un tel événement ? Si le problème est en nous, se peut-il que la solution s’y trouve elle aussi ?
Portée à la scène pour la première fois au Traverse Theatre d’Édimbourg en 2009, The Dark Things ( Débris ), de l’auteure irlandaise Ursula Rani Sarma, était alors sacrée pièce de l’année aux Critic’s Awards for Theatre in Scotland. Claude Desrosiers, que nous connaissons pour son travail de réalisateur au cinéma ( Dans une galaxie près de chez vous ) et à la télévision ( Vice Caché, Aveux, Les hauts et les bas de Sophie Paquin, Un sur 2 ), signe la mise en scène de cette pièce traduite par Jean Marc Dalpé.
Assistance à la mise en scène Marie-Hélène Dufort
Décor Olivier Landreville
Costumes Monic Ferland
Éclairages Martin Labrecque
Musique Ludovic Bonnier
Accessoires Gabrielle Bossé-Beal
Direction artistique du spectacle Jean-Denis Leduc
Régulier : 32,25$
30 ans et - : 22,25$
65 ans et + : 27,25$
Tête-à-tête : jeudi 26 février
Une production La Manufacture
par Geneviève Germain
Comment survit-on à une immense catastrophe? Celle où tous les autres passagers meurent, ou presque, et qu’on est seul à s’en sortir indemne? Avec la pièce Débris, l’auteure irlandaise Ursula Rani Sarma se penche sur ce thème de la résilience, du point de vue des victimes qui ont survécu. Elle s’attaque du même coup aux liens entre la vie et la mort, entre la souffrance et la quête de sens, tout en remettant en question la portée de l’art.
Au cœur de l’action, un artiste-peintre dépeint par les médias comme étant incassable et une ancienne danseuse nue ayant perdu ses deux jambes lors de l’accident entre un autobus et un poids lourd qui les a pourtant réunis. Le premier cherche un exutoire par l’art et la seconde se retrouve face à un vide existentiel. Autour d’eux gravitent un psychiatre lui-même en pleine remise en question face à sa sexualité et à son rapport avec la mort, ainsi que la demi-sœur de Daniel, l’artiste-peintre, jeune femme à l’amour-propre vacillant qui entretient une relation dépourvue de passion et de tendresse avec un homme rustre en tous points.
Le texte utilise un humour noir pour aborder les nombreux questionnements de la pièce. Habilement traduits par Jean Marc Dalpé qui réussit à transposer l’action comme si le tout avait d’abord été écrit pour un public québécois, les dialogues sont riches en rebondissements et ne manquent pas de mordant. Les propos sont parfois crus, d’autres fois profonds et les situations sont troublantes. De Daniel qui tente de ressentir quelque chose en demandant aux autres de lui faire mal physiquement, à l’amour éperdu, mais sans réciprocité, que ressent Angie l’ex-danseuse pour Daniel, la pièce dépeint la souffrance de tous ses personnages de manière assez sombre. Le suicide, le besoin de reconnaissance, l’utilité de l’art et la perte de certitudes font partie des nombreux sujets abordés. Pourtant, malgré tous ces gouffres explorés et l’intensité des personnages, tout demeure en suspens à la fin de la pièce, comme si on n’arrivait pas tout à fait à creuser le fond de toutes ces questions soulevées.
La scénographie d’Olivier Landreville vient illustrer cet éclatement intérieur que ressent non seulement Daniel, mais aussi tous les autres personnages qui l’entourent. Le décor est clairsemé et composé de différentes parties d’autobus : des bancs en guise de fauteuils, un pare-chocs déformé devenu table, le tout surplombé d’une vitre d’auto fracassée et d’autres parcelles mécaniques. Le public est d’ailleurs divisé en deux, une moitié face à l’autre, avec la scène qui se fraie un couloir étroit entre les deux côtés. Deux écrans sont disposés près du plafond, malheureusement obstrués selon les angles par les pièces d’autobus suspendues dans les airs.
La mise en scène de Claude Desrosiers (Aveux, Les hauts et les bas de Sophie Paquin, Vice caché) sert justement la pièce, mais sans offrir de réelles surprises. Le jeu trop soutenu et peu nuancé de Maxime Denommée (Daniel) au début de la pièce s’ajuste heureusement au fil des répliques. Évelyne Rompré est méconnaissable et illustre bien ce vide que ressent Angie. Dominique Laniel, Roger La Rue et Mathieu Quesnel viennent compléter la distribution qui défend avec aplomb les caractéristiques si singulières de chacun de leurs personnages.
Débris offre une exploration intéressante des bouleversements qui peuvent entraver un chemin de vie. Elle illustre l’éclatement des certitudes et cette culpabilité qui peut habiter des survivants d’une catastrophe. Les questions sont abordées sans détour, même si on arrive mal à discerner tout à fait laquelle de celles-ci est réellement au centre de la pièce. Le texte offre toutefois des perspectives originales et ancrées dans une réalité assurément contemporaine.