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Du 13 avril au 8 mai 2015, du lundi au jeudi 19h, vendredi 20h
Cuisiner avec Elvis
Présenté à la Petite Licorne
Texte Lee Hall
Traduction Yvan Bienvenue
Mise en scène Philippe Lambert
Avec Sandrine Bisson, Stéphane Jacques, Catherine Leblond et Frédéric Lemay

Cloué dans un fauteuil roulant après un accident, un personnificateur d’Elvis devient le spectateur impuissant de la tragédie humaine qui s’installe dans sa cuisine. Sa femme, toujours séduisante, invite sans gêne à leur table son jeune amant pâtissier, sous les yeux méprisants de leur fille de 14 ans qui cultive une obsession pour la nourriture. En découle une marinade faite de discorde, de malaises, de séduction, de perversion, dans une ambiance aussi déroutante qu’éclatée. 

À travers le mythe du « King », l’auteur pose un regard drôle et cinglant sur l’Amérique et le puritanisme ambiant. Il questionne les diktats de la « bonne » morale et de la « bonne » conscience. Comment cette morale s’incruste dans nos vies quotidiennes, comment elle teinte souvent de façon insidieuse nos moindres faits et gestes et façonne nos schèmes de pensée, surtout à un jeune âge. Comment concilier désir et devoir ? Comment survivre aux tragédies de la vie ? C’est étonnant parfois ce qu’une bonne catharsis peut faire !

Succès instantané lors de sa création au Festival d’Édimbourg en 1999, cette comédie noire est signée Lee Hall, célèbre auteur britannique derrière le succès de Billy Elliot. La mise en scène est confiée à Philippe Lambert, qui a entre autres réalisé celles de Midsummer et de Pervers pour La Manufacture.


Assistance à la mise en scène Dominique Cuerrier
Décor Jonas Veroff Bouchard
Costumes Elen Ewing
Éclairages André Rioux
Musique Ludovic Bonnier

Régulier : 32,25$
30 ans et - : 22,25$
65 ans et + : 27,25$

Tête-à-tête : jeudi 23 avril

Une production Urbi et Orbi


La Petite Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Yvan Bienvenue

La Licorne poursuit sa longue tradition avec la dramaturgie britannique en présentant Cuisiner avec Elvis, mise en scène par Philippe Lambert, à qui l’on doit le grand succès Midsummer, en tournée depuis plusieurs mois.

Comédie noire et très critique de la société puritaine dans laquelle nous vivons, Cuisiner avec Elvis s’assaisonne également d’une bonne dose de dérision. Le texte signé Lee Hall (aussi auteur de l’acclamé Billy Elliot) vogue allègrement entre réflexion sur le noyau familial éclaté et la difficulté de trouver des repères moraux, et de s’y tenir. La pièce nous sert de généreuses portions d’humour décapant, le tout nappé d’une sauce rockabilly, en la personne d’Elvis lui-même (gracieuseté d’un Stéphane Jacques en grande forme).

Après un accident de la route, un homme se retrouve complètement paralysé et incapable de formuler un seul mot intelligible. À l’instar de la tortue que la famille garde dans un aquarium avant de la passer à la casserole, l’homme est traité comme un bibelot encombrant, sur lequel on se prend les pieds et qu’on finit également par sacrifier. C’est qu’il gêne, ce « légume », il gêne sa femme, qui veut refaire sa vie, il gêne le nouvel amant de celle-ci (réjouissant Frédéric Lemay), qui ne sait pas quoi faire en sa présence, et il gêne même sa fille, qu’il plonge involontairement dans un tourbillon de réflexions. Par moments, ce personnificateur d’Elvis échappe néanmoins à sa condition pour redevenir son idole, le temps de quelques notes.

Entre la mère anorexique et la fille boulimique, le torchon brûle. L’une noie sa déprime et ses émotions dans l’alcool et le sexe, l’autre s’enterre sous une montagne de faits reliés à la nourriture et à la cuisine. Entre les deux, l’ex-King et le nouvel amant, un pâtissier…


Crédit photo : Yvan Bienvenue

La production demeure assez sage malgré sa représentation crue d’une sexualité sans limites morales. Elle reste trop souvent ancrée entre la cuisine et le salon de ce logement qu’on pourrait situer tout aussi bien en Angleterre qu’au Québec. L’adolescente incarnée par la jeune Catherine Leblond remet pourtant en question avec aplomb la moralité de sa mère, puis la sienne, en se demandant du même coup ce qui est acceptable en société et ce qui ne l’est pas, toujours à travers la nourriture. La production aborde aussi de front le thème de la dignité, non seulement celle du « King », mari et père maintenant déchu, mais aussi celle des deux survivantes, mère et fille, femme et adolescente, qui ne cessent de passer des remarques et jugements sur le physique et le comportement l’une de l’autre.

La critique de société mordante se trouve toutefois figée dans ce qui relève souvent plus du spectacle de cuisine et de la comédie de situation, malgré le talent déployé par la distribution. Sandrine Bisson, qu’on savait déjà excellente dans les rôles de mère,  le prouve ici à nouveau avec une hystérie qui frôle parfois la crise de nerfs. Reste que le drame humain qui se joue sous nos yeux est presque banalisé par un traitement trop convenu.

Le menu annoncé s’avère finalement  moins alléchant que prévu. Il manque à cette nouvelle production du Théâtre Urbi et Orbi le côté joyeusement grinçant et décalé de Midsummer, assumé par l’équipe de Cuisiner avec Elvis, mais qu’on aurait aimé voir poussé un peu plus loin.

17-04-2015