Bilingue de naissance, devenu orphelin très jeune, l’homme invisible quitte sa ville natale de Timmins en Ontario, entièrement dépossédé. Bilingual from birth, the Invisible Man finds himself torn between the two solitudes of his cultural identity. Entre l’Ontario et le Québec, il partage son récit / he shares his story, dans ses deux langues maternelles. Il a besoin d’une femme. Il a besoin d’un pays. Les deux le laisseront tomber.
Le grand poète franco-ontarien Patrice Desbiens nous plonge dans une formidable quête stéréophonique, un voyage bilingue sur le thème de l’identité culturelle. À travers ce road movie théâtral ponctué d’humour, il nous transporte dans la tête de cet homme déchiré entre les deux solitudes, ses deux langues, ses deux cultures. Pour les Québécois, c’est un étranger; pour les Canadiens anglais, c’est un Québécois. Aussi forte en français qu’en anglais, la poésie de l’auteur se démarque par sa simplicité et la puissance de ses images.
Patrice Desbiens, auteur de plus d’une vingtaine de recueils de poésie, publie L’homme invisible / The Invisible Man en 1981. C’est à Kingston, Ontario qu’en 2011, le metteur en scène et musicien Harry Standjofski présente son adaptation théâtrale de cet ouvrage poétique, pour ensuite le reprendre quelques soirs à la Balustrade du Monument-National à Montréal l’année suivante.
Section vidéo
Scénographie Amy Keith
Éclairages Martin Sirois
Date Premières : 6 au 14 octobre 2014
Régulier : 32,25$
30 ans et - : 22,25$
65 ans et + : 27,25$
Carte premières : 16,25$
Tête-à-tête : jeudi 16 octobre
Une production Troisième Voie - Third Way
Dates antérieures (entres autres)
Versions antérieures
Salle Fred-Barry, les 17 et 18 mai 2005
28 et 29 avril 2006
Du 17 et 28 octobre 2006
À Québec au
Théâtre Périscope du 28 novembre au 2 décembre 2006
par Sar Thibault
Cultiver l’invisible
Dans son recueil de poésie autobiographique L’Homme invisible/The Invisible Man, l’auteur Patrice Desbiens raconte son déchirement identitaire en tant que Franco-Ontarien né à Timmins et déménagé à Québec. Dans son recueil, il donne vie à un personnage dédoublé, partagé entre deux cultures, deux langues et deux solitudes. Depuis sa publication il y a une vingtaine d’années, le texte de Desbiens a été élevé au titre de texte phare sur l’inquiétude des minorités linguistiques.
Dans sa version publiée, la pièce est présentée de manière à ce que la page de gauche soit dédiée au français et celle de droite à l’anglais. Plus qu’un dédoublement de l’histoire, la traduction permet de prolonger le questionnement du personnage et d’opérer un décalage de plus en plus accentué à mesure que l’action progresse. Rapidement, il prendra conscience que le regard introspectif qu’il pose en tant qu’anglophone diffère de son côté francophone. C’est dans la petite salle du théâtre La Licorne que la pièce reprend l’affiche durant une bonne partie du mois d’octobre.
La transposition de la poésie au théâtre est un pari risqué que le metteur en scène Harry Standjofski réussit avec brio. À défaut de transposer l’alternance systématique entre le français et l’anglais dans la version publiée, Standjofski modifie l’ordre dans lequel les deux acteurs racontent leur histoire commune. Ce choix ramène les deux langues sur un pied d’égalité alors que le français était avantagé dans le recueil de poésie par le sens de lecture habituel de gauche à droite. Réaménagé ainsi, le texte de Desbiens permet une plus grande interpénétration entre les deux langues et dynamise la structure apparemment binaire. Certaines répliques sont prononcées simultanément, chacun des acteurs alternant d’une langue à l’autre. Les interprètes Jimmy Blais et Guillaume Tremblay forment par ailleurs un duo complice et tout à fait représentatif de la fragmentation identitaire que commande le texte de Desbiens.
La musique de Gabriella Hook et d’Harry Standjofki, performée en direct devant les spectateurs, ajoute de la profondeur à l’histoire racontée, venant parfois ponctuer les moments forts du récit ou créant des transitions entre les tableaux. Avec l’immense pylône électrique en forme de croix et à demi écroulé au centre de la scène, la scénographie d’Amy Keith arrive à reproduire parfaitement ce que l’anthropologue Marc Augé qualifie de non-lieu dans Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité : « un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique ». Toutefois, elle appuie un peu trop fortement les références religieuses du texte.
La poésie de Desbiens est assez narrative et sa transposition au théâtre permet de découvrir ses jeux identitaires et linguistiques sous de nouveaux angles. En ce sens, la production Troisième Voie-Third Way rassemble toutes les potentialités de l’art théâtral pour les mettre au service de l’œuvre du poète.