Billy est sourd de naissance. Ses parents ne lui ont jamais permis d’apprendre le langage des signes, de peur qu’il s’isole au sein de la communauté sourde et malentendante. Sa rencontre avec Sylvia, une malentendante en voie de devenir sourde, bouleversera son existence et éveillera en lui un désir d’expression par le langage des signes. Cet épanouissement soudain déstabilisera la cellule familiale et exacerbera des travers peu reluisants de sa personnalité.
Tribus est une pièce sur la communication et les subtilités du langage. L’auteure Nina Raine nous démontre avec cette œuvre que le vocabulaire traditionnel est un outil de communication imparfait, un mot n’ayant jamais exactement la même signification d’une personne à une autre. Ainsi, les mots peuvent servir de perches comme de remparts. Ce texte aborde également la question de l’éducation d’un enfant né avec un handicap.
Tribes ( Tribus ) est la troisième pièce de l’auteure anglaise Nina Raine. Créée au Royal Court Theatre de Londres en 2010, la pièce reçoit des critiques exceptionnelles et fait rapidement le tour du monde. Après avoir présenté L’obsession de la beauté à La Petite Licorne en 2012, LAB87 investit cette fois-ci La Grande Licorne avec cette pièce traduite par Jean-Simon Traversy et mise en scène par Frédéric Blanchette.
Section vidéo
Assistance à la mise en scène Jean-Simon Traversy
Décor et costumes Elen Ewing
Éclairages André Rioux
Musique Frédéric Blanchette
Maquillage et coiffure David Michaël
Régulier : 32,25$
30 ans et - : 22,25$
65 ans et + : 27,25$
Tête-à-tête : jeudi 20 novembre
Une production LAB87
par Marie-Luce Gervais
En cette ère proclamée des communications, il semble parfois que tout le monde tente de s’exprimer, mais que personne ne communique vraiment… C’est un peu ce qui arrive dans cette tribu de la pièce Tribus, pour le moins dysfonctionnelle et pourtant si pleine d’amour, qu’est la famille de Billy.
Billy, interprété avec justesse par le touchant David Laurin, est un jeune homme sourd qui est, paradoxalement, d’une part couvé par sa famille, et d’autre part en marge de celle-ci à cause de son handicap. Ses parents, campés par les excentriques Jacques L’Heureux et Monique Spaziani, lui refusent l’apprentissage du langage des signes par peur de le scléroser et de le contraindre à n’interagir qu’avec la communauté sourde et malentendante. Il en résulte toutefois que Billy ne comprend pas toujours ce qui se passe au sein de sa propre famille. Lorsqu’il rencontrera Sylvia, une jeune femme en voie de perdre l’ouïe qui maîtrise le langage des signes - dont l’interprétation de Klervi Thienpont est à la fois précise et très sensible -, un désir d’émancipation naîtra en lui. Cela provoquera un éclatement au sein de la famille, Billy étant un point d’ancrage pour celle-ci ; c’est le seul personnage qui ne crie pas, et sur lequel on ne crie pas non plus. Alors que le départ de Billy marque un retour de la maladie mentale pour Daniel, son frère, à qui Benoît Drouin-Germain donne vie dans une impressionnante performance d’acteur, Alice, la sœur de Billy, incarnée par la sublime Catherine Chabot, semble être la seule qui conserve une santé émotionnelle relative.
La pièce, mise en scène par Frédéric Blanchette, est d’un réalisme frappant. Les personnages sont à la fois grossiers et intellectuels, hommes et femmes de lettres pourtant incapables de communiquer, autant de paradoxes auxquels les acteurs apportent plusieurs nuances intéressantes. Les silences et les cris rythment le texte créant une alternance entre le comique et le dramatique. De nombreuses références à divers types de langage viennent enrichir la proposition : le langage des signes, évidemment, mais aussi la lecture labiale, l’opéra, la musique, les citations d’auteurs et d’un psychanalyste, la rédaction de la thèse sur le langage de Daniel, l’apprentissage du mandarin du père, l’écriture du roman de la mère, bref tout y est.
La scénographie d’Elen Ewig est à l’image de la famille qui nous est présentée, à la fois ordonnée et éclectique. Plusieurs tapis jonchent le sol, créant d’abord une belle unité puis, lorsque notre oeil regarde attentivement, il accroche sur l’asymétrie desdits tapis. Il en va de même pour une immense bibliothèque débordant de livres.
Tribus est une pièce à la fois drôle et touchante, crue et profonde, aux nombreuses références qui poussent l’analyse sur la famille, la communauté, les relations interpersonnelles et la communication, et dont la magnifique scénographie, l’ambiance sonore et la justesse des interprètes éveillent tous les sens.