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Du 31 août au 25 septembre 2015, du lundi au jeudi 19h, vendredi 20h
Normal
Présenté à la Petite Licorne
Texte Jean-Philippe Lehoux
Mise en scène Philippe Lambert
Avec Sarah Laurendeau et Jean-Philippe Lehoux

Un homme se lance le défi de partir à la rencontre de son prochain. « Le voyage, c’est les autres », paraît-il… Pour ne pas se laisser distraire de son objectif, il s’évade vers un endroit où il n’y a rien à voir: Normal, Illinois. Locataire d’une chambre à 40 $ au Motel 6, l’étranger sillonne chaque jour la ville à vélo en se demandant bien ce qu’il est venu faire là. Au cœur de cette communauté en apparence banale, le voyageur fera pourtant d’étonnantes rencontres!

Récit autobiographique sur le voyage et le rapport à l’autre, qui fait suite à Napoléon voyage présenté en 2014, Normal est né d’une expérience menée par le créateur Jean-Philippe Lehoux. Après avoir reçu quelque 700 suggestions de destinations « contournables » des spectateurs de La Licorne, il s’est posé un mois aux États-Unis en octobre 2013 pour répondre à cette question toute simple: peut-on voyager là où il n’y a rien à voir? Avec humour et dérision, l’auteur nous entraîne dans son périple où la peur et l’ennui feront place à l’ouverture et au dépassement de soi.

Jean-Philippe Lehoux, qui nous a précédemment offert la pièce Comment je suis devenue touriste, a écrit Normal dans le cadre d’une résidence d’auteur à La Manufacture. Philippe Lambert, avec qui il avait collaboré pour la pièce Napoléon voyage, signe la mise en scène de ce récit de voyage atypique.


Assistance à la mise en scène et musique Olivier Gaudet-Savard
Décor, costumes et accessoires Julie Vallée-Léger
Éclairages Renaud Pettigrew

Régulier : 32,25$
30 ans et - : 22,25$
65 ans et + : 27,25$

Tête-à-tête : jeudi 10 septembre

Une production Théâtre Hors Taxes en codiffusion avec La Manufacture


La Petite Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

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Critique

Crédit photo : David Ospina

Le touriste est un animal étrange. Il l’est encore plus dans une ville comme Normal, en Illinois, où l’on n’a jamais vu l’ombre d’un touriste, et certainement aucun qui ressemble même de loin à Jean-Philippe Lehoux.  À La Licorne pour tout le mois de septembre, l’auteur de Comment je suis devenue touriste et de Napoléon voyage revient en scène nous raconter les jours passés dans cette ville des États-Unis semblable à tant d’autres.

Choisie parmi les destinations « contournables » proposées par les spectateurs de La Licorne, Normal ne présente aucun attrait architectural, aucun grand centre, aucune attraction touristique. Alors, pourquoi s’y rendre, surtout en cette époque où Google Maps permet de tout voir sans devoir se déplacer? C’est un peu ce que le voyageur accidentel qu’est Jean-Philippe en vient à se demander, seul dans sa chambre à 40 $ la nuit au Motel 6.

En effet, peut-on voyager là où il n’y a rien à voir? L’unique touriste de Normal explore la question, quoique sa timidité le retient d’abord d’adresser la parole à quiconque. Le personnage a des allures de Woody Allen, complexé, angoissé, maladroit dans ses relations avec les autres. D’ailleurs, son voyage relève plus dans un premier temps d’une expérience sur l’ennui et la solitude, alors qu’il tourne en rond dans la ville, sur son vélo acheté à bas prix au Walmart de la ville. Puis, de beige, la ville se pare de couleurs au fur et à mesure que le touriste délaisse les bâtiments pour s’intéresser aux gens.

Tantôt philosophique (il cite Foucault et Barthes), tantôt humoristique, le touriste de l’ordinaire incarné par Lehoux sait charmer le public en moins de deux. Doté d’un grand sens de l’autodérision, l’auteur et comédien manie avec habileté les leviers du récit biographique et de la comédie. Sa performance repose essentiellement sur ses interactions avec la narratrice et DJ Sarah Laurendeau, allumée et très expressive. Chacun de leurs échanges est savoureux, qu’il soit verbal ou musical. À eux deux, ils nous offrent un tour guidé réjouissant de la ville, entre le salon de coiffure au coiffeur peu bavard et le casse-croûte proposant mille et une sortes de sandwichs en passant par l’inaccessible tour Watterson, où le touriste rêve de grimper, et le champ où médite bouddhiste en bobettes.

On reconnaît à nouveau la patte de Philippe Lambert dans cette mise en scène qui laisse toute la place au récit des événements. Sur une scène occupée par un grand lit anonyme de motel, les menus objets du quotidien figurent très simplement les différents lieux qui forment le cœur de Normal et les champs qui l’entourent. Le contenu d’une trousse de toilette vient ainsi représenter les bâtiments du centre-ville, tandis qu’un train électrique marque le passage (trop lent) des jours à tuer le temps autour du rond-point.

Dans une ère où le voyage se démocratise de plus en plus et où on se presse souvent pour en voir le plus possible en un temps réduit, question de rentabiliser le déplacement, Normal représente une bulle bienvenue, un moment où le touriste regarde ce qui l’entoure, et le regarde vraiment. Si Normal ne donne pas spécialement envie d’aller faire un tour dans cette ville de l’Illinois, le spectacle, drôle à souhait, fait la preuve éloquente qu’il n’y a jamais « rien à voir » et qu’il suffit parfois de se poser un moment pour s’en rendre compte.

04-09-2015