Cédric perd son emploi suite à une blague sexiste qui devient virale sur Internet. Aidé par son frère intello bien-pensant, il entame alors une thérapie pour vaincre sa « misogynie latente » et entame l’écriture de Sexist Story, un livre-témoignage libérateur. Nadine, exaspérée par l’introspection de son chum, elle-même en manque de rêve et d’adrénaline, se laisse alors tenter par les jeux étonnants initiés par la mystérieuse baby-sitter.
Cette comédie grinçante nous plonge au cœur de la question du féminisme et de la confusion qui l’entoure. Une femme aussi libre et affranchie qu’elle puisse l’être, peut-elle se dissocier du mouvement féministe ? Quelle est la place des hommes dans ce mouvement et dans les débats qu’il provoque ? Mais surtout, comment survivre à ces débats sans se perdre soi-même?
Catherine Léger, auteure de Princesses et de J’ai perdu mon mari, remportait le Prix Gratien-Gélinas 2006 pour sa pièce Voiture américaine présentée à La Licorne la saison dernière. Baby-sitter, texte développé dans le cadre d’une résidence d’auteur à La Manufacture, était présenté en lecture publique au dernier festival du Jamais Lu. Il sera porté à la scène pour la première fois dans une mise en scène de Philippe Lambert qui a récemment dirigé les pièces Normal et Midsummer.
Section vidéo
Décor, costumes et accessoires Elen Ewing
Éclairages Étienne Boucher
Musique Benoît Côté
Régulier 32,25$
65 ans et + 27,25$
30 ans et – 22,25$
Tête-à-tête : jeudi 27 avril
Une production Théâtre Catfight en codiffusion avec La Manufacture
Le phénomène «Fuck her right in the pussy» a débuté en 2014 avec une vidéo qui est rapidement devenue virale (un million de vues en une journée) montrant un reporter tenant des propos vulgaires à propos d’une jeune Américaine disparue. Selon la légende (urbaine), ce même reporter aurait ensuite perdu son emploi. Cette vidéo était l’oeuvre d’un plaisantin et a été prouvée fausse, mais le phénomène a pris de l’ampleur lorsqu’un autre homme - un autre farceur - s’est amusé à approcher des femmes journalistes en plein reportage pour rapidement saisir leur micro et y hurler la désormais célèbre phrase. Les deux comiques ont ainsi fait des petits, et partout dans le monde, des journalistes ont eu à subir les assauts de l’armée «Fuck her right in the pussy». En 2015, un Ontarien a lancé la fameuse phrase à une journaliste qui interrogeait des partisans lors d’un match de soccer et a fini par perdre son poste chez Hydro One.
L’auteure Catherine Léger semble s’être inspirée de cette anecdote pour créer la pièce Baby Sitter, mise en scène par Philippe Lambert et jouée jusqu’au 13 mai au théâtre La Licorne. La pièce s’ouvre d’ailleurs sur la phrase « Fourre-la dans le cul! », criée par Cédric (David Boutin, très juste), lors d’une entrevue donnée à Chantal Machabée lors d’un match des Alouettes. La vidéo de cette entrevue devient rapidement virale et Cédric est suspendu de son poste chez Hydro-Québec, ce qui ne semble pas trop l’inquiéter. Rapidement, son entourage lui fait réaliser la gravité de son geste : sa conjointe Nadine (brillante Isabelle Brouillette) aimerait qu’il offre des excuses publiques, alors que son frère Jean-Michel, journaliste populaire (magnifiquement joué par Steve Laplante), considère que ce ne serait pas assez. Il suggère plutôt à Cédric de plonger au coeur de sa misogynie et de transformer ses excuses en livre féministe. Un livre « nécessaire », selon ses dires.
Rapidement, on reconnaît en Cédric le «bon gars», le sportif un peu douchebag pour qui tout est une blague, mais qui n’a jamais pris conscience de la portée de ses mots ou de ses actions. Lorsqu’il se met à réfléchir, poussé par son frère, aux relations qu’il a eues avec les femmes, il constate qu’il est loin d’avoir été exemplaire. Il devient confus, il trouve difficile de se remettre en question, d’être confronté aux comportements problématiques qu’il a eus par le passé. Son frère n’est guère mieux; tellement occupé à vouloir jouer le bon féministe qu’il ne se rend même pas compte que son désir de «sauver» les femmes est en fait bien nombriliste et qu’il ne fait que s’approprier une cause pour se faire valoir.
L’un des intérêts de la pièce est de suivre l’évolution du personnage de Nadine, la copine de Cédric et mère de leur bébé de 5 mois, au contact de la baby sitter interprétée par une Victoria Diamond délicieuse d'innocence perverse. Cette dernière, de par sa présence et les jeux qu’elle propose, permettra à Nadine de regagner du contrôle sur sa vie, contrôle qu’elle semble avoir perdu depuis la naissance de son enfant, et de sortir peu à peu de son état dépressif.
L’écriture décapante de Catherine Léger permet de traiter de sujets sérieux - le féminisme, les faux-alliés, la misogynie, la dépression post-partum - tout en faisant éclater la salle de rire à de multiples reprises.
La scénographie simple, mais efficace, contribue aussi à ce que le spectateur retrouve ses repères : une chambre d’enfant rose au papier peint orné de lapins côté jardin et un canapé au centre de la scène, pas besoin de plus. Les jeux d’ombres et de lumières, les extraits audio, les costumes surprises; tout est judicieusement pensé pour servir le potentiel comique du texte de Catherine Léger sans lui faire perdre sa substance. Et que dire de la finale… explosive!
Avec son humour caustique, sa mise en scène efficace et le jeu nuancé, juste et comique de ses acteurs, la pièce Baby Sitter est un moment de pur divertissement intelligent.