Jérémy se plaint que son père, travailleur humanitaire, délaisse sa famille au profit d’étrangers vivant à l’autre bout du monde. Il faudrait qu’il soit lui-même à moitié mort, pense-t-il, pour que son père lui exprime enfin son amour. Lorsque Jérémy apprend que celui-ci a été pris en otage, son univers bascule. Un matin, sa mère le retrouve dans son lit sans visage. Les oreilles, les yeux, le nez de son fils ont disparu. Désemparée, elle contacte policier, psychiatre et prêtre afin qu’ils l’aident à comprendre cette étrange disparition.
Texte métaphorique, Le garçon au visage disparu nous transporte dans un monde teinté d’humour tantôt loufoque, tantôt inquiétant, où le théâtre flirte avec le fantastique et le film d’épouvante. Dans cette nouvelle création, Larry Tremblay explore le territoire de l’adolescence quand l’identité, encore fragile, cherche ses repères.
Le Théâtre Le Clou, accueilli pour la seconde fois à La Licorne, propose un théâtre qui favorise la rencontre entre les générations. Il nous offre cette fois une pièce de l’auteur et dramaturge à succès Larry Tremblay ( L’orangeraie, Le ventriloque, The Dragonfly of Chicoutimi ). La mise en scène est assurée par Benoît Vermeulen, codirecteur artistique de la compagnie, qui dirigeait Des arbres pour La Manufacture le printemps dernier.
Section vidéo
Assistance à la mise en scène Martine Richard
Décor Raymond Marius Boucher
Costumes Marc Senécal
Éclairages Mathieu
Musique Navet Confit
Vidéo Francis-William Rhéaume
Régulier 32,25$
65 ans et + 27,25$
30 ans et – 22,25$
Tête-à-tête : jeudi 24 novembre
Une production Théâtre Le Clou en codiffusion avec La Manufacture
À travers le tournage d’un film d’épouvante, Le garçon au visage disparu nous présente un adolescent, Jérémy, tourmenté captivé par les morts-vivants et dont le visage disparaît mystérieusement un bon matin.Afin de lui venir en aide, sa mère fera appel tantôt à un policier qui ne la croira pas, tantôt à un psychiatre déséquilibré et à un prêtre exorciseur terrifié dont le côté poltron l’emportera finalement.
On apprend, au fil de l’histoire, que Jérémy en veut à son père, travailleur humanitaire à l’étranger, pour son absence. Il ira même jusqu’à souhaiter sa disparition alors qu’il est avec sa copine Jessica qui tente de le raisonner. On apprend également que dans sa révolte, Jérémy a roué de coups une vieille dame sans abris qui serait un peu sorcière. Coïncidence ou pas, quelque temps après ces deux événements, le père du jeune homme se fait enlever par un groupe de terroristes. Culpabilité ou mauvais sort, s’ensuit une métamorphose kafkaïenne de notre héros, visible d’abord par son isolement, puis par la température glaciale de sa chambre, jusqu’à la disparition de son visage.
La mise en scène de Benoît Vermeulen reprend les codes du cinéma. En fait, l’histoire de Jérémy devient carrément l’histoire d’un film d’horreur d’ados qui se construit sous nos yeux ; des caméras sont à vus, on voit les comédiens qui se préparent à tourner une scène ainsi que le réalisateur qui leur donne des indications, on assiste au doublage de différentes scènes, le time code est affiché tout au long de la représentation, les croquis des différents plans de vue suivent le jeu des comédiens, l’habillage est ajouté sous nos yeux en postproduction grâce à de la projection sur le décor, le fameux décompte préenregistrement ponctue la représentation, bref, tout est admirablement mis en place pour nous plonger dans un univers cinématographique, mais au théâtre. Cette hybridation entre les deux arts provoque une intéressante distanciation qui laisse le temps d’absorber cet étrange univers et de comprendre la complexité des différentes couches de l’incomparable texte de Larry Tremblay. En plus de créer cette distanciation et un dynamisme certain, ces procédés permettent un niveau de jeu unique, à la fois réaliste et caricatural. La mise en abyme du jeu grotesque typique à plusieurs grands films d’horreur hollywoodiens provoque, une fois transposée à la scène, un amusant décalage qu’il faut d’abord accepter pour adhérer à l’extraordinaire justesse des quatre interprètes : Julie McClemens, Alice Moreault, Christian E. Roy et David Strasbourg.
Le côté absurde, voir métaphysique de ce spectacle permet, de manière détournée, une réflexion sur l’adolescence, sur la quête identitaire, sur la perte de repère de cet âge difficile, mais aussi sur la société en dérive et sur le pouvoir de l’amour, qui triomphe malgré tout. Pièce à ne pas manquer, Le garçon au visage disparu est rafraîchissante, malgré la lourdeur du sujet et la cruauté de certains propos.