Quatre voix nous livrent un drame passionnel. Il y a Marcel et sa rose tatouée sur la poitrine, Joseph, le bon mari au pick-up rouge, Rose, sur le bord de la rivière Waba avec ses souliers blancs vernis et Marie, sa jeunesse, ses cheveux roux et ses yeux gris vert. Chaque personnage nous raconte sa version de l’histoire, celle d’un triangle amoureux dérangeant qui, mû par une passion et une colère dévorantes, ébranle la mémoire de tout un village.
Amour interdit, désir, trahison, abandon sont autant de composantes qui alimentent ce récit aux allures de tragédie grecque nord-ontarienne. En nous mettant face à des personnages habités par des émotions d’une force qui les pousse à franchir l’interdit, Jean Marc Dalpé met en relief la dualité de la nature humaine, où raison et sentiments sont souvent inconciliables.
Récipiendaire du Prix littéraire du Gouverneur général en 2000, ce roman de Jean Marc Dalpé est ici transposé à la scène sous la houlette de Geneviève Pineault. Après nous avoir présenté II ( deux ) et Un neurinome sur une balançoire, le Théâtre du Nouvel-Ontario est de retour à La Licorne avec cette pièce créée au Centre national des Arts d’Ottawa à l’hiver 2016.
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Assistance à la mise en scène Diane Fortin
Décor Gabriel Tsampalieros
Costumes Isabelle Bélisle
Éclairages André Rioux
Musique Marcel Aymar
Régulier 32,25$
65 ans et + 27,25$
30 ans et – 22,25$
Une production Théâtre du Nouvel-Ontario, Théâtre de la Veille 17 et Théâtre Français du Centre National des Arts
Sur scène, sous un éclairage bleuté, le décor créé par Gabriel Tsampalieros est impressionnant. La structure de métal et de vieilles planches de bois semble s’élancer au-dessus du public. Parfois chambranlante, elle nous fait craindre le pire sous les mouvements brusques des acteurs. Elle ajoute beaucoup de possibilités, explorées avec brio par la mise en scène de Geneviève Pineault.
Le texte de Jean Marc Dalpé, Un vent se lève qui éparpille, adapté du roman du même nom sorti en 1999, a été tronqué pour son adaptation sur scène ; toutefois, les mots restent les mêmes. L’histoire est racontée par quatre protagonistes : Marie (Milva Ménard), son amoureux Marcel (Bryan Morneau), sa tante Rose (Annick Léger) et son oncle Joseph (David Boutin). Ils réciteront tour à tour leur version des faits alors que Marcel a été emprisonné pour l’assassinat de Joseph qui avait violé sa nièce lorsqu’elle était adolescente.
Il faut un moment pour se faire au style particulier de cette œuvre de Dalpé. Dans ce texte se côtoient une narration poétique en français normatif et des dialogues en vieux québécois, mais qui ne sombrent toutefois pas dans le joual. Il est impressionnant de voir les comédiens jongler entre leur narration neutre et leurs monologues chargés d’émotions, alternant les phrases comme s’ils étaient atteints de personnalités multiples.
Au cours de la pièce, lors des différentes versions offertes, personne n’est dépeint en héros ou en victime. Les personnages de Dalpé sont très humains dans leurs conflits, leurs contradictions, leurs paradoxes. Ils ont ce point en commun de tous souffrir. Par la narration de Marie, on apprend qu’elle éprouvait des désirs pour son oncle. Il est regrettable de ne pas avoir souligné que même si les relations sexuelles semblaient avoir été consentantes, une adolescente n’est pas en mesure de consentir, et qu’il s’agit tout de même d’un viol. La pièce donne l’impression de peindre un brouillard sur l’agression et, en quelque sorte, présente l’oncle comme une victime des séductions de sa nièce.
Une autre dualité étrange est la présence de deux villageois (Roch Castonguay et Robert Marinier) qui apparaissent à quelques moments lors de la représentation, racontant une histoire tout à fait dramatique. Ces deux commères apportent un vent d’humour et de fraicheur à la pièce, mais détonnent un peu avec le jeu des autres comédiens.
Un vent se lève qui éparpille nous tient en haleine grâce aux détails de son intrigue qui sont dévoilés au compte-goutte. La pièce faillit toutefois à nous émouvoir, notamment à cause du peu d’empathie que l’on porte pour les protagonistes, qui sont tout de même interprétés avec justesse.