Deux adolescents vivent seuls dans un modeste appartement de banlieue, abandonnés par leur mère alcoolique. Pour survivre, ils se réfugient dans un monde où règnent la violence, la pornographie, le jeu « Call of Duty » et les lamentations d’un mystérieux chien nommé Taliban. Leur rencontre avec une voisine leur fera découvrir un autre univers, celui-là rempli d’espoir, de possibilités infinies avec tous les risques et les vertiges que cela engendre.
Dans un humour noir, l’auteure Anna Jordan nous met en présence de deux frères qui, devenus adultes trop rapidement, peinent à entrer à contact avec les autres. Yen explore les conséquences de l’absence de modèles dans la vie d’une personne, ainsi que la relation que les jeunes entretiennent avec Internet et les divertissements propres à leur génération.
Créée en Angleterre au Royal Exchange Theatre en 2015, Yen a valu à Anna Jordan le prestigieux prix Bruntwood, qui récompense le meilleur nouveau texte dramatique en Angleterre. La compagnie LAB87, qui nous présentait Tribus au cours des deux dernières saisons, s’attaque à cette nouvelle pièce mise en scène par Jean-Simon Traversy à qui l’on doit Constellations et Les flâneurs célestes.
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Assistance à la mise en scène Gabrielle Lessard
Décor et accessoires Odile Gamache
Costumes Marie-Noëlle Klis
Éclairages Renaud Pettigrew
Musique David Laurin
Mouvement Isabelle Boulanger
Régulier 32,25$
65 ans et + 27,25$
30 ans et – 22,25$
Tête-à-tête : jeudi 2 février
Production Lab87 en codiffusion avec La Manufacture
Après avoir proposé, entre autres, les excellentes productions Tribus et Constellations, la compagnie Lab87 poursuit son exploration de la dramaturgie anglaise contemporaine avec Yen, d’Anna Jordan.
Dans un appartement matelassé du plancher au plafond, deux frères de 13 et 16 ans habitent seuls. Ils survivent de menus larcins et se partagent une console, un ordi… et un seul t-shirt. Tommy et Mac ont tout d’enfants devenus grands avant l’heure, sans encadrement et sans modèle adulte. Dans cet appartement semblable à une boîte coupée du monde, ils étouffent entre les hurlements de leur chien, Taliban, la porno sur Internet et leurs parties de Calls of duty. On étouffe avec eux.
Avec sa traduction de Yen, David Laurin a fait un travail qui mérite d’être salué. Dans la bouche des comédiens, ses dialogues s’adaptent tout naturellement à notre québécité, illustrent la pauvreté de langage des frères et de leur mère, sans les réduire à cela. On n’en apprécie que mieux l’interprétation touchante et fragile de toute la distribution. Mac, le frère fermé comme une huître, incarné par Guillaume Gauthier, Tommy, instable et hyperactif, à qui Théodore Pellerin (véritable révélation) transmet une énergie aussi vibrante qu’inquiétante, mais également la mère à la dérive (Noémie Godin-Vigneau) et la jeune voisine Jennifer (Mounia Zahzam), la Yen du titre et un faible rayon de lumière qui vient percer la solitude des frères… Tous se débattent avec force pour ne pas couler, et leurs interprètes leur soufflent exactement ce qu’il faut de naturel pour les rendre touchants malgré leurs actions.
Sur l’étroite scène de la Petite Licorne, la boîte scénographique signée Odile Gamache occupe tout l’espace, comme si au-delà de cette pièce, refuge autant que prison, rien d’autre n’existait. Quand les personnages en sortent enfin, la pénombre devient blancheur éblouissante, loin de l’ensoleillement espéré.
Émaillée de séquences de tirs sur console et de bagarres entre frères, la mise en scène de Jean-Simon Traversy laisse respirer l’histoire en donnant toute la place à la relation fraternelle, aux liens familiaux problématiques et au poids du manque de ressources. La situation et le passé de Mac et de Tommy se dévoilent peu à peu, permettant de comprendre qui ils sont et pourquoi. Naviguant entre violence brute et tendresse maladroite, la mise en scène évoque les conséquences tragiques du dénuement social et affectif tout autant que financier, celui de deux jeunes aux horizons bouchés. L’absence de repères moraux et leur difficulté à communiquer ne sont que quelques-uns des facteurs qui les précipitent inévitablement droit dans le mur.
Servie par une distribution juste et sensible, Yen perce la noirceur dans laquelle sont enfermés ses personnages et parvient, en dépit de tout, à faire briller un peu d’espoir en l’avenir.