Amour et informationNeuf acteurs interprètent plus d’une centaine de personnages dans cette œuvre composée d’une kyrielle de petites scènes, apparemment non reliées, mais dont la mosaïque globale trace un portrait fort juste de notre société moderne. Des instants de vie, des polaroïds sensibles d’individus dans lesquels, comme sur les réseaux sociaux, il n’y a pas d’avant ou d’après, de passé ou de futur, mais desquels se dégage un grand besoin d’amour et d’humanité.
Dans une ère où nous sommes bombardés par des centaines de statuts, de nouvelles, d’idéologies et d’images sur le Web et que notre degré d’attention semble se limiter à ce qui est le plus « punché », cette pièce pose un regard acéré sur les rapports que nous entretenons avec notre société et la façon dont toutes ces informations viennent perturber notre perception du monde.
Après Voiture américaine, Les mutants, Province, La Banquette arrière est de retour à La Licorne avec ce texte de Caryl Churchill (Top Girls, Far Away), l’une des plus éminentes dramaturges britanniques de son époque. Frédéric Blanchette, à qui l’on doit les mises en scène de Tribus et Being at Home With Claude, signe la mise en scène et la traduction de cette œuvre qui sera présentée pour la première fois en français au Québec.
Texte Caryl Churchill
Traduction et mise en scène Frédéric Blanchette
Avec Amélie Bonenfant, Sébastien Dodge, Rose-Maïté Erkoreka, Mathieu Gosselin, Renaud Lacelle-Bourdon, Anne-Marie Levasseur, Lise Martin, Éric Paulhus et Simon Rousseau
Crédits supplémentaires et autres informations
Assistance à la mise en scène Andrée-Anne Garneau
Décor Elen Ewing
Costumes Marc Senécal
Éclairages André Rioux
Musique Philippe Noireaut
Du mardi au jeudi 19h, vendredi 20h, samedi 16h
Tête-à-tête : jeudi 10 mai
Régulier 32,25$
65 ans et + 27,25$
30 ans et – 22,25$
Une production La Banquette arrière en codiffusion avec La Manufacture
Présentée depuis le 1er mai dernier au théâtre de La Licorne, la nouvelle production de La banquette arrière affiche déjà des supplémentaires avec raison. Juste pour tenter de saisir le flot d’informations transmis durant la représentation, il semble judicieux d’y assister une seconde fois. Pièce traduite pour le Québec par Frédéric Blanchette qui en assure également la mise en scène, Amour et information de Caryl Churchill est un parfait exemple de l’audace qui marque l’œuvre de cette auteure britannique. N’ayant aucune structure narrative, ce texte rassemble plusieurs petits instants inspirés de la vie courante seulement unis par le désir de tout savoir et la quête d’amour qui ponctuent les différents dialogues. En accord avec le rythme effréné du quotidien d’aujourd’hui, Blanchette fait s’enchaîner les différentes situations une après l’autre avec une rapidité remarquablement fluide. Profitant de l’énergie assez étourdissante des neuf comédiens sur scène, le metteur en scène semble se plaire à déstabiliser son public qui, en raison de la rapidité à laquelle le texte défile, doit abandonner l’idée de tout comprendre pour ne rien manquer du spectacle. Même la fin arrive sans s’annoncer !
Crédit photo : Benoît Guérin
Avec une scénographie très épurée, Elen Ewing paraît déjà figurer un spectacle où les comédiens auront tout l’espace nécessaire pour épater l’auditoire. Prenant place dans un décor de murs blancs, comédiens et comédiennes arrivent vêtus de complets des plus classiques. À l’occasion, seul un fond animé en direct par les interprètes colore le décor des premiers échanges. Au fur et à mesure, les divers costumes imaginés par Marc Senécal s’ajoutent aux accessoires de Ewing et aux projections vidéo de Laura-Rose Grenier pour agrémenter cet espace scénique jusqu’à lors d’une uniformité un peu décevante. Malgré la simplicité du travail de chacun, le résultat d’ensemble s’avère une façon efficace de représenter les connaissances qui s’accumulent au fil du temps. Servant aussi de support à l’action présentée, la multitude d’interprétations que le tout suggère ne fait peut-être pas le bonheur de ceux qui s’entêtent à vouloir comprendre, mais tous ne peuvent s’empêcher de reconnaître qu’une telle lecture rend hommage au message véhiculé par le texte.
Même si chaque comédien offre une performance agréable à regarder, Rose-Maïté Erkoreka mérite particulièrement de sincères félicitations pour son intensité à la fois touchante et hilarante. Récoltant plusieurs rires de l’auditoire, elle aide à maintenir l’intérêt du public en dépit de l’incompréhension qui se lit sur plusieurs regards. Du côté des hommes, c’est Simon Rousseau qui semble s’en charger de manière plus significative. Dans la peau d’un homosexuel, ce dernier se révèle spontanément comique tandis qu’il partage la scène avec un Renaud Lacelle-Bourdon s’adonnant souvent à complexifier un raisonnement logique. Le reste de la distribution demeure d’un support constant très apprécié. Aussi appuyée par les effets sonores de Philippe Noireau qui rajoute une certaine théâtralité au spectacle, la troupe expose un si grand plaisir de jouer ensemble qu’elle ne peut que gagner le cœur des spectateurs.
Réunissant concepteurs et acteurs de talent, la version d’Amour et information mise en scène par Frédéric Blanchette se présente comme un ensemble d’incertitudes à travers lequel se dégage la certitude que son auteure en aurait été fière. S’il est impossible de trouver un sens arrêté à l’écriture de Churchill, il est évident que l’amour qu’elle inspire sur scène vaut bien plus que l’information qu’elle contient.
